Quelques repères sur la région

Le Bas-Saint-Laurent, qu’on appelle souvent Bas-du-fleuve, est connu pour ses paysages riverains qui valsent au gré des marées. Pendant des siècles, cette région du Québec est habitée par la nation autochtone micmac. La seconde moitié du XIXe siècle marque l’arrivée soutenue des colons et entraîne un essor économique en lien avec les secteurs forestiers et agricoles. Aujourd’hui, l’Université du Québec à Rimouski, créée en 1969 et reconnue mondialement pour son programme de biologie marine, attire les étudiants des quatre coins du monde et fait de Rimouski une ville étudiante d’importance dans la région. L’exploitation et la transformation des ressources naturelles sont encore deux secteurs d’importance pour l’économie de la région, mais de nouvelles niches d’activités voient le jour depuis quelques décennies. Par exemple, le secteur du tourisme attire annuellement plusieurs centaines de milliers de visiteurs d’ici et d’ailleurs, venus savourer le paysage, les fruits de mer, ou la bière produite à Saint-André-de-Kamouraska. Malgré cette revitalisation économique, la région semble aux prises avec d’importants défis démographiques et économiques : une population qui diminue d’année en année et qui vieillit tout aussi vite, une jeunesse et une main d’œuvre qui choisit l’exode.

Portrait de population

De plus en plus vieille, de moins en moins nombreuse

Le Bas-Saint-Laurent est aux prises avec d’importants défis démographiques : sa population ne cesse de vieillir et de diminuer. L’âge médian y est de 49,9 ans en 2017, le deuxième plus élevé de la province, dont l’âge médian est de 42,2 ans. Aussi, contrairement à d’autres régions qui connaîtront une augmentation de leur population d’ici 2036 – pensons à Laval et Lanaudière, avec des hausses de plus de 30 %! – le Bas-Saint-Laurent perdra des plumes. Les projections? Entre 2011 et 2036, la population totale diminuera de près de 2%, alors que celle de la province croîtra de 17 %!

Les jeunes partent, les personnes aînées restent

Pourquoi la population est-elle si vieillissante? Abondance d’aînés ou rareté des jeunes? La réponse : un mélange des deux. En 2017, le Bas-Saint-Laurent présente ainsi la troisième plus faible proportion de personnes mineures (16,4 %), et la deuxième plus faible proportion de jeunes d’âge préscolaire (4,4 %). À l’autre bout du spectre, la proportion de personnes aînées est la deuxième plus forte de la province, avec presqu’une personne sur quatre (24,6 %).

Portrait de famille

Moins de familles avec enfant

La région connaît un déficit grandissant de familles avec enfant. En fait, en 2016, ce sont les couples sans enfants qui dominent : ils représentent  plus d’une famille sur deux (52,3%), la plus forte proportion au Québec, une tendance qui croît d’une année à l’autre. Ainsi, le nombre de familles avec enfant fond à vue d’œil : leur nombre chute de 15,6 % entre 2006 et 2016. Il s’agit de la deuxième plus forte baisse à l’échelle provinciale, où le nombre croît pourtant de 1,6 %. Cette diminution varie beaucoup d’une MRC du Bas Saint-Laurent à l’autre : une baisse de 7 % dans Rimouski-Neigette, par exemple, contre une baisse de près de 30 % dans Les Basques et le Témiscouata.

Les différentes MRC de la région. Source: Institut de la statistique du Québec

L’union libre a le vent dans les voiles

Au Bas-Saint-Laurent, les couples avec enfants préfèrent l’union libre au mariage. En effet, en 2016, la région affiche une proportion de près de six couples sur dix, alors que la moyenne québécoise est d’un peu plus de quatre sur dix.

Domaine biparental

Le Bas-Saint-Laurent, terre de biparentalité : c’est du moins ce que montrent les chiffres du dernier recensement (2016). Les familles monoparentales comptent pour 13 % des familles, la plus faible proportion de la province, où la moyenne est de près de 17 %.

Conditions de vie

Une pauvreté inégale au sein de la région

Financièrement, les familles bas-laurentiennes s’en sortent plutôt bien. En 2016, environ 6,5% des familles vivent avec un faible revenu, alors que cette proportion atteint 9,5% à l’échelle du Québec. Toutefois, certains écarts s’observent entre les différentes MRC de la région : le taux de faible revenu des familles est de 5,3% dans Kamouraska, par exemple, alors qu’il est de 8,2% dans Rimouski Neigette.

Pauvreté matérielle, richesse sociale

« L’essentiel est invisible pour les yeux », écrivait Saint-Exupéry. Des paroles pleines de sagesse qui s’appliquent au renard… et à la population bas-laurentienne! À l’instar d’autres régions plus ou moins éloignées des grands centres urbains, les habitants ont plus de difficultés sur le plan matériel, mais peuvent compter sur un soutien social plus grand. C’est ce dont témoigne l’indice de défavorisation matérielle et sociale. En tout, plus de six bas-laurentiens sur dix (61 %) vivent une grande ou très grande défavorisation matérielle. Côté social, c’est tout le contraire : seulement une personne sur cinq (21,7 %) a un réseau social faible ou très faible.

Le Bas-Saint-Laurent et la recherche

La région du Bas-Saint-Laurent peut compter sur l’Université du Québec à Rimouski (UQÀR) pour fournir des recherches sur la région. Cependant, peu nombreuses sont celles qui concernent spécifiquement les réalités régionales des familles bas-laurentiennes. Quelques études touchent les enjeux démographiques, comme celui de la rétention de la population. Les quelques études qui abordent les familles  le font sous l’angle de la santé et de la parentalité. Comme c’est le cas pour une majorité de régions, ces études abordent rarement les réalités familiales en tenant compte de leurs particularités régionales.

Rétention de population

Une population qui fond à vue d’œil : voilà un enjeu connu au Bas-Saint-Laurent. Certaines études abordent cette problématique sous l’angle de la rétention des étudiants étrangers qui obtiennent un diplôme, d’autres se concentrent sur la rétention de la main d’œuvre.

Opération séduction

Deux chercheurs abordent l’enjeu de la rétention des étudiants étrangers en utilisant le cas d’étudiants originaires de l’île de La Réunion. Pourquoi La Réunion? Parce que depuis 2003, il existe une entente de coopération de la mobilité étudiante entre le Québec et La Réunion. Ainsi les deux études tentent de cerner les motivations qui amènent les étudiants étrangers à s’installer dans le Bas-Saint-Laurent après leurs études (Perouma, 2017), mais aussi le rôle des institutions (St-Vincent Villeneuve, 2018). On découvre que la dimension humaine, les services disponibles et le besoin de main d’œuvre font vite oublier les hivers robustes du Bas-du-fleuve. Également, les résultats montrent que les institutions, principalement scolaires et communautaires, jouent un immense rôle dans la rétention des étudiants, tout comme dans leur attraction et leur intégration.

Combler les besoins de main d’œuvre

Il n’y a pas que le corps étudiant que la région doit retenir : la main d’œuvre qualifiée aussi! En effet, le besoin de ces travailleurs spécialisés est aussi un enjeu de taille dans le Bas-Saint-Laurent. Une chercheure (Bélanger-Lévesque, 2014) s’intéresse aux mécanismes mis en place pour favoriser l’attractivité du domaine des sciences et technologies, plus spécialement l’organisation par « équipe de projet ». Elle constate que ce type d’organisation ne favorise pas la rétention de la main d’œuvre, mais qu’elle participe au développement de la relation entre le travailleur, ses collègues et son employeur. En revanche, la chercheure constate que la qualité de cette relation  peut influencer l’intention de rester dans la région ou de repartir.

D’un point de vue historique, comment l’industrialisation a-t-elle affecté la population de la région? Lefrançois (2014) se penche sur le développement d’une communauté ouvrière dans la petite ville de Matane durant la première moitié du XXe siècle. L’auteur y identifie le rôle de l’éloignement géographique et du contexte de mono-industrie forestière sur les conditions de vie précaires de la population ouvrière. De plus, il s’intéresse aux stratégies de survie des familles de la ville, telles que la multiplication des sources de revenus pour les pères, ainsi que le travail des mères et des enfants.

Les familles et le système de santé

L’établissement d’un partenariat entre la famille et le personnel soignant s’avère essentiel au bien-être des personnes âgées hébergées en Centre d’hébergement et de soins de longue durée. Dans son étude, Galarneau (2016) établit que l’ouverture, la disponibilité et l’écoute, une communication efficace et utile ainsi que la personnalisation de la chambre de la personne aînée, facilitent la relation entre la famille et le personnel. Or, le manque de reconnaissance de l’expertise de la famille et la négation de ses émotions, l’entravent. De plus, la chercheure note que l’utilisation de moyens de communication, comme les appels téléphoniques ou des rencontres interdisciplinaires, favorisent aussi ces relations. Cela dit, la procédure d’admission (le manque de préparation à l’hébergement et l’abondance d’informations transmises au moment de l’arrivée), les horaires rigides du Centre,  le manque et l’instabilité du personnel soignant, font obstacle à une relation cordiale et constructive entre lui et les familles.

Parentalité dans le Bas-Saint-Laurent

Quelques études abordent la question de la parentalité dans le bas du fleuve sous l’angle de l’engagement maternel ou de la relation entre les parents et les centres de la petite enfance (CPE).

L’engagement maternel

Deux auteurs (Fortier et Deschenaux, 2016) s’interrogent sur les réalités, les besoins et les aspirations de 40 mères de la région de Rimouski pour comprendre leur représentation de l’engagement maternel. Trois formes de parcours ressortent et confirment que, même lorsqu’elles vivent dans un contexte semblable, les désirs et besoins des mères sont rarement identiques.

Qui éduque les enfants?

Quel lien les parents entretiennent-ils avec le service de garde éducatif que fréquentent leurs enfants? Telle est la question que pose Bédard (2016) qui cherche à comprendre les facteurs qui influencent le choix d’un service de garde par les parents, le type de service qui répond le mieux à leurs attentes et surtout, la façon dont s’articule le partage de l’éducation entre ceux-ci et les éducatrices. En utilisant un échantillon de parents rimouskois, l’auteure révèle que ces derniers sont nombreux à confier leur enfant à une garderie à condition que leur autorité parentale soit respectée, tout en supposant également une solidarité avec les autres adultes impliqués.

Les jeunes dans le contexte scolaire

La victimisation des jeunes dans le contexte scolaire est courante et est néfaste. Pitre-Joyal (2010) se penche plus précisément, sur la réalité d’élèves du secondaire de la région du Bas-St-Laurent qui se disent victimisés par leurs camarades de classe. Elle tente de comprendre le rôle joué par la victimisation, mais aussi par une faible estime de soi, dans le développement d’idées suicidaires chez ces jeunes. Ses résultats indiquent qu’une grande proportion de jeunes sont victimisés par leurs pairs et présentent des idées suicidaires. De plus, les personnes participantes qui subissent cette violence tendent à éprouver des idées suicidaires, mais seulement lorsqu’elles se sentent déprimées.

Qu’en est-il de l’intégration scolaire en contexte de déficience intellectuelle? Voilà le sujet auquel s’intéresse Desjardins (2013). L’auteure aborde l’enjeu de l’intégration scolaire d’élèves vivant avec une déficience intellectuelle moyenne dans une classe de niveau secondaire du Bas-Saint-Laurent. Son objectif : saisir l’impact de différentes attitudes des pairs à leur endroit (acceptation, ignorance, rejet) et sur leur facilité – ou difficultés – à s’adapter. Elle conclut que les attitudes d’ignorance des camarades de classe prédominent sur celles de l’acceptation et du rejet envers l’élève qui a une déficience intellectuelle moyenne.

Le défi démographique

Loin d’être uniques au Bas-Saint-Laurent, les problèmes démographiques que connait la région laissent présager d’importants défis pour les années à venir. Contrairement à d’autres territoires, le bas du fleuve peut toutefois compter sur la présence de l’Université du Québec à Rimouski, qui lui permet de renouveler constamment une population étudiante venue des quatre coins du Québec… et du monde! Le défi consiste donc à convaincre ces étudiants, et d’éventuels travailleurs qualifiés, de transformer leur passage en résidence permanente. Une opération de Grande séduction menée auprès d’eux pourrait-elle renverser la tendance démographique? Une entente avec d’autres États que l’Île-de-La-Réunion pourrait-elle voir le jour?

Qu’en est-il des réalités familiales spécifiques aux familles du Bas-Saint-Laurent? Dur à dire, puisque les études sont peu nombreuses. Pour brosser un véritable portrait des familles bas-laurentiennes et de leurs conditions de vie, il faudra que les chercheurs et chercheuses universitaires scrutent le terrain.

Bibliographie par section

Quelques repères pour la région

Fortin, J.-C. et Antonio Lechasseur. (1999). Le Bas-Saint-Laurent, Coll. Les Régions du Québec, Histoire en bref, Québec, Éditions de l’IQRC.

Portrait de la population

Institut de la statistique du Québec. (2018). Le bilan démographique du Québec, Édition 2018.

Institut de la statistique du Québec. (2014). Perspectives démographiques des MRC du Québec, 2011-2036.

Ministère de la Famille. (2018). « Coup d’œil régional sur les familles. Les régions administratives et les MRC du Québec qui se distinguent sur le plan sociodémographique en 2016 », Bulletin Quelle famille?,  vol. 6, no 3.

Portrait des familles

Ministère de la Famille. (2018). « Coup d’œil régional sur les familles. Les régions administratives et les MRC du Québec qui se distinguent sur le plan sociodémographique en 2016 », Bulletin Quelle famille?,  vol. 6, no 3.

Conditions de vie

Gravel, M.-A., et collab. (2016). Le positionnement de la région et des territoires de centres locaux d’emploi d’après l’indice de défavorisation matérielle et sociale, 2011Bas-Saint-Laurent, Québec, Institut de la statistique du Québec.

Institut de la statistique du Québec. (2015). Profils statistiques par région et MRC géographiques.

Le Bas-Saint-Laurent et la recherche

Bédard, M. (2016). « Le partage de la première éducation : Ses significations pour des parents rimouskois », Recherches sociographiques, vol. 57, no 1, p. 123‑153.

Belanger-Levesque, M.-E. (2014). La rétention des travailleurs qualifiés oeuvrant dans le domaine de la science et de la technologie dans la région du Bas-Saint-Laurent. L’influence des formes d’organisation du travail sur l’intention de quitter des travailleurs (Mémoire de maîtrise). Université du Québec à Rimouski, Unité départementale des sciences de la gestion, Rimouski (Québec).

Desjardins, M. (2013). Les attitudes des pairs envers un élève ayant une déficience intellectuelle moyenne intégré en classe ordinaire au secondaire dans une école du Bas-Saint-Laurent (Mémoire de maîtrise). Université du Québec à Rimouski, Unités départementales des sciences de l’éducation, Rimouski (Québec).

Fortier, S., & Deschenaux, F. (2016). « Des parcours d’engagement dans la maternité : Trois modalités d’une quête de reconnaissance, d’équilibre et d’épanouissement », Recherches sociographiques, vol. 57, no 1, p. 103‑121.

Galarneau, M. (2016). Exploration des facteurs influençant le partenariat entre les familles des personnes âgées hébergées et le personnel soignant (Mémoire de maîtrise). Université du Québec à Rimouski, Département de sciences infirmières, Rimouski (Québec).

Lefrançois, R. (2014). Communauté et culture ouvrières dans le contexte d’une ville mono-industrielle située en région éloignée : le cas de la ville de Matane, 1896-1958 (Mémoire de maîtrise). Université du Québec à Rimouski, Département des lettres et humanités, Rimouski (Québec).

Perouma, J.-P. (2017). Le dispositif « Étudier et vivre au Québec », un facteur d’attraction et de rétention de la main-d’œuvre au Bas-Saint-Laurent ? (Mémoire de maîtrise). Université du Québec à Rimouski, Unités départementales des sciences de la gestion, Rimouski (Québec).

Pitre-Joyal, G. (2010). Victimisation par les pairs et idées suicidaires chez les adolescents : rôle médiateur de la dépression et de l’estime de soi (Essai doctoral). Université Laval, École de psychologie, Québec (Québec).

Villeneuve, C. S.-V. (2018). Le rôle des institutions dans le processus d’intégration et de rétention des diplômés de la réunion à Gaspé et à Rimouski (Mémoire de maîtrise). Université du Québec à Rimouski, Département sociétés, territoires et développement, Rimouski (Québec).