Et de la mouche. Pas que de la petite mouchette. De la mouche à viande. Des bétails ailés de six à sept cents livres. Des bibittes à panaches. Même pas la peine d’installer des moustiquaires dans les fenêtres parce que leur envergure gigantesque les empêchait de passer dans les chambranles de portes conventionnels.

– Fred Pellerin (conteur), extrait de Comme une odeur de muscle (2005)


Quelques repères sur la région

Montréal et Québec qui abrite la célèbre rivière Saint-Maurice. Berceau du mode de vie des Atikamewk, la région du Saint-Maurice devient, quelques siècles après l’arrivée des Européens, l’épicentre d’une révolution énergétique dans le pays tout entier : l’hydroélectricité. Le tournant du XIXe-XXe siècle marque l’essor de ce secteur, mais aussi de celui de la foresterie et des pâtes et papiers. Qui dit boom économique dit, bien sûr, boom démographique. De 1900 à 1950, la population de la Mauricie triple. Aujourd’hui, la nation Atikamewk représente 3 % de la population mauricienne; elle est principalement installée dans deux réserves: Obedjiwan et Wemotaci. 

Plus de la moitié de la population de la région habite Trois-Rivières qui, avec son université, attire les étudiants et stimule la recherche portant sur la Mauricie. L’économie est toujours dominée par le secteur primaire (électricité, foresterie, agriculture, pâtes et papiers), mais se diversifie de plus en plus grâce au développement de l’entreprenariat local et du secteur de l’information. La Mauricie peut aussi compter sur une industrie touristique qui gagne en vigueur année après année. Les microbrasseries, l’agrotourisme, les parc nationaux et les festivals, comme le festival western de Saint-Tite, attirent près de 5 millions de touristes chaque année.

Portrait de population

Une population vieillissante 

La Mauricie compte parmi les régions les plus âgées du Québec. En effet, l’âge moyen est de 46 ans en 2017, alors qu’il n’est que de 42 ans pour la province. Les projections démographiques annoncent même un vieillissement de la population, avec une moyenne d’âge qui approchera les 50 ans d’ici 2036. L’écart avec le reste du Québec continuera aussi de s’accentuer. 

Jeunesse en voie d’extinction 

Ce portrait poivre et sel s’explique facilement : les jeunes se font rares et les personnes âgées de plus en plus nombreuses. En effet, on y trouve la deuxième plus faible proportion de personnes mineures (15,8 %) de la province. À titre de comparaison, c’est la moitié de la proportion qu’on retrouve dans le Nord-du-Québec (31,1 %). La proportion de jeunes enfants est aussi l’une des plus faibles de la province (4,5 %). 

Source: Institut de la statistique du Québec

Portrait de famille 

De moins en moins d’enfants 

Les familles mauriciennes comptent peu d’enfants, et la tendance s’accentue. Le nombre de familles avec enfant(s) a chuté de 10,1 % entre 2006 et 2016, selon les derniers recensements. Seul le nombre de familles de trois enfants ou plus a connu une légère hausse pour cette période. Dans l’ensemble, les couples sans enfants comptent pour un peu plus de la moitié des familles (50,9 %), la deuxième plus forte proportion de la province.

Plusieurs familles monoparentales 

Au chapitre de la structure familiale, la Mauricie compte beaucoup de familles monoparentales. Elle affiche le deuxième plus haut taux de monoparentalité au Québec, soit un peu plus d’une famille sur trois (33,9 %). Dans près de trois cas sur quatre (73,3 %), c’est une mère qui se trouve à la tête de ces familles monoparentales, une proportion semblable à celle du Québec (75,3 %). Mais les temps sont peut-être en train de changer. La proportion de familles monoparentales dirigées par une femme a baissé de plus de 5 % entre 2006 et 2016.

Portrait de parentalité 

Dans la région, l’union libre domine. Six couples sur dix partagent leur vie comme conjoints de fait. Cette proportion est beaucoup plus forte qu’ailleurs au Québec; la moyenne provinciale se situe à un peu plus de quatre sur dix (42,7 %). En ce qui a trait à la recomposition des ménages, la Mauricie présente une des proportions les plus élevées au Québec : près d’une famille biparentale sur cinq (20,7 %) est recomposée.

Conditions de vie  

Des femmes moins scolarisées

Tous niveaux confondus, les Mauriciennes ont moins de diplômes que les Mauriciens. Bien que l’écart soit mince, 74,6 % contre 76,9 % (2011), il s’agit d’une situation plutôt rare au Québec, où les femmes sont souvent plus scolarisées. Par contre, lorsque l’on se concentre sur l’obtention d’un diplôme d’études post-secondaires, les femmes reprennent leur avance sur les hommes, avec un écart de moins de 1 % pour les diplômes universitaires (12,4 % contre 11,6 %), mais qui grimpe à plus de 4 % pour les diplômes collégiaux (19,5 % contre 15,2 %).

Des familles monoparentales parmi les plus pauvres 

Non seulement les familles monoparentales sont nombreuses, elles comptent aussi parmi les plus pauvres de la province. Le revenu médian des familles monoparentales mauriciennes est le deuxième plus faible de la province, avec 38 950 $, alors que la moyenne québécoise est de 42 560 $, selon des données de 2015.

Richesse matérielle et sociale : un portrait peu uniforme

De nombreux Mauriciens vivent en situation de pauvreté matérielle et sociale. Environ une personne sur quatre a peu de moyens matériels et ne peut compter que sur un réseau social en mauvais état, selon l’indice de défavorisation matérielle et sociale (2011). Mais ce portrait est-il uniforme? Lorsqu’on évalue la force du réseau social, de fortes disparités territoriales font surface. En effet, la proportion de population avec un faible réseau social est élevée dans les villes de Shawinigan et de Trois-Rivières (respectivement 24,7 % et 34,2 %), mais chute ailleurs en Mauricie, avec un taux oscillant entre 3,2 % et 19,4 %. Les habitants des deux centres urbains seraient donc les plus socialement démunis de la région.

La Mauricie et la recherche

Les recherches universitaires qui concernent la région de la Mauricie sont nombreuses, en partie grâce à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Les sujets d’études varient, mais certaines thématiques sont plus récurrentes : les questions qui touchent la communauté atikamekw, celles qui abordent les questions de santé mentale, et celles centrées sur la violence en contexte familial.

Les Atikamekw de la Mauricie

Les peuples des premières nations font l’objet de plusieurs études, plus particulièrement les membres de la communauté atikamekw, présents dans la région depuis des siècles. Les thématiques du territoire et du développement des jeunes sont souvent explorées.

Le territoire comme pilier de la communauté

Le lien entre le territoire et la transmission du savoir et des valeurs chez les femmes atikamekw suscite l’intérêt. Le territoire apparait ainsi comme central dans les questions d’organisation sociale (mariage, adoption coutumière, famille), d’accouchement et de grossesse. On constate la place privilégiée qu’ont les femmes dans les enjeux d’occupation, de développement et de gouvernance des territoires (Basile, 2017; Basile et al., 2017). La question de la territorialité est aussi au cœur d’une recherche sur la communauté atikamekw Nehirowisiwok, en Haute-Mauricie (Ethier, 2018). L’étude aborde les territoires de chasse familiaux dans le contexte contemporain et révèle les liens qu’entretiennent les Atikamekw Nehirowisiwok avec l’univers forestier.

La jeunesse atikamekw

Les jeunes de la communauté atikamekw sont aussi étudiés sous différentes coutures. On sonde les aspirations des jeunes de la communauté d’Opitciwan, dans la MRC du Haut-Saint-Maurice, ainsi que leur perception et celle de leur communauté à l’endroit de l’éducation et des perspectives d’emploi (Aubuchon, 2016).  

Du côté de la petite enfance, c’est la question de la stimulation et du développement au sein des familles qui retient l’attention. Ainsi, Jacob (2012) aborde la participation des mères dans le jeu symbolique avec leur enfant en tentant de voir si l’environnement social et matériel des jeunes Atikamekw favorise la stimulation et le développement des tout-petits.

Familles et santé mentale en Mauricie

Familles et déficience intellectuelle

L’accent est aussi porté sur la perception de parents d’enfants atteints d’une DI à l’égard des services et soins reçus, afin de savoir si ces soins favorisent ou non le sentiment d’être un bon parent (Prince, 2009). Dans la même lignée, une autre recherche vise à comprendre de quelle manière les services doivent être dispensés pour favoriser l’empowerment de ces parents (Rocheleau, 2016).

Familles et problèmes de santé mentale

La question de la santé mentale chez différents membres de la famille est aussi abordée. En se fondant sur le cas de familles mauriciennes, l’auteure analyse le fonctionnement psychique d’enfants dont la mère est atteinte du trouble de la personnalité limite (Cadieux, 2014).

Les violences familiales

La violence familiale est un sujet qui fait couler beaucoup d’encre chez les universitaires. Plusieurs d’entre eux étudient cette problématique auprès de familles mauriciennes, que ce soit sous l’angle de la maltraitance, de la violence conjugale ou de l’agression sexuelle intrafamiliale.

Les agressions sexuelles intrafamiliales

Ainsi, on recense deux études qui traitent de la question des agressions sexuelles dans le cadre familial. En analysant plus d’une centaine de cas d’agresseurs intrafamiliaux de la région de la Mauricie et du Centre-du-Québec, l’auteure décrit les liens entre l’empathie et les distorsions cognitives de ces agresseurs (Desaulniers, 2016).  Dans une autre recherche (Touchette, 2016), on tente de saisir les enjeux intrapsychiques d’hommes ayant agressé des enfants afin de savoir si la gestion des émotions et la relation d’objet changent selon si le type d’agression (intra ou extrafamiliale). 

Violence familiale et maltraitance 

En utilisant le cas d’enfants maltraités de la Mauricie et de la Montérégie, une auteure (Henry, 2011) tente de mesurer la capacité des enfants à reconnaître les émotions. Les résultats montrent l’importance de l’impact d’épisodes de stress intense sur le développement socio-émotionnel des enfants.

Dans une autre recherche (Dubois, 2015), on tente de voir le lien entre le niveau d’agressivité physique de la maltraitance envers un enfant, et le développement de la relation mère-enfant et des habiletés langagières, deux sphères habituellement influencées par la présence de maltraitance. Les résultats montrent qu’il n’y a pas de relation entre le niveau d’agressivité de la maltraitance et les interactions mère-enfant ou le développement langagier.  

D’un autre côté, on s’intéresse aux effets de l’exposition à la violence conjugale à long-terme. Plus spécifiquement, on tente de comprendre les effets de cette violence sur la satisfaction conjugale une fois à l’âge adulte (Gélinas-Beaulieu, 2011). La recherche montre que, une fois à l’âge adulte, la satisfaction conjugale des personnes exposées à ce type de violence pendant leur enfance est étroitement liée à leur santé mentale et au type d’attachement qu’elles développent avec leur partenaire.

Une cure de jeunesse imminente?

Depuis quelques décennies, la Mauricie connaît un lot considérable de défis. Économie traditionnelle en déclin, exode des familles, vieillissement de la population… La tendance pourrait-elle ralentir? L’actuelle diversification de l’économie, avec l’essor des secteurs de l’information et du tourisme, ainsi que l’accessibilité grandissante des propriétés, pourraient peut-être faire de la Mauricie un endroit convoité par les jeunes familles. En effet, si le prix des habitations monte en flèche à Montréal, c’est tout le contraire dans une ville comme Shawinigan, où le coût médian des habitations est le 2e plus faible sur 100 villes québécoises. Un siècle après son âge d’or, la région pourrait-elle profiter d’une cure de jouvence?

Bibliographie par section

Quelques repères pour la région  

Séguin, N., et Hardy, R. (2008). La Mauricie. Québec : Les Presses de l’Université Laval.  

Portrait de la population 

Ministère de la Famille. (2018). Coup d’œil régional sur les familles. Les régions administratives et les MRC du Québec qui se distinguent sur le plan sociodémographique en 2016. Bulletin Quelle famille?, vol. 6 no 3.

Institut de la statistique du Québec. (2014). Perspectives démographiques des MRC du Québec, 2011-2036

Portrait des familles 

Ministère de la Famille. (2018). Coup d’œil régional sur les familles. Les régions administratives et les MRC du Québec qui se distinguent sur le plan sociodémographique en 2016. Bulletin Quelle famille?, vol. 6 no 3.

Conditions de vie 

Conseil du statut de la femme. (2015). Portrait statistique égalité femmes-hommes de la Mauricie.

Institut de la statistique du Québec. (2018). Panorama des régions du QuébecÉdition 2018.

Gravel, M.-A., et collab. (2016). Le positionnement de la région et des territoires de centres locaux d’emploi d’après l’indice de défavorisation matérielle et sociale, 2011Mauricie. Québec, Gouvernement du Québec, Institut de la statistique du Québec.

La Mauricie et la recherche  

Aubuchon, M.-P. (2016). Perspectives d’avenir chez les jeunes atikamekws d’Opitciwan, (Mémoire de maîtrise). Université Laval, Département de sociologie, Québec.  

Basile, S. (2017). Le rôle et la place des femmes Atikamekw dans la gouvernance du territoire et des ressources naturelles (Thèse de doctorat), Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Département des sciences de l’environnement. Rouyn-Noranda (Québec).  

Basile, S., Asselin, H., et Thibault, M. (2017). Le territoire comme lieu privilégié de transmission des savoirs et des valeurs des femmes AtikamekwRecherches féministes, vol. 30, no 1, p. 61-80.  

Cadieux, R.J. (2014). Le fonctionnement intrapsychique des enfants dont la mère a un trouble de personnalité limite (Essai doctoral). Université du Québec à Trois-Rivières, Département de psychologie, Trois-Rivières (Québec).

Désaulniers, V. (2016). Empathie et distorsions cognitives chez les agresseurs sexuels intrafamiliaux (Essai doctoral). Université du Québec à Trois-Rivières, Département de psychologie, Trois-Rivières (Québec).

Desmet, S. (2012). La sensibilité des mères présentant une déficience intellectuelle (Thèse de doctorat). Université du Québec à Trois-Rivières, Département de psychologie, Trois-Rivières (Québec). 

Dubois, L. (2015). L’agressivité physique chez les enfants maltraités d’âge préscolaire en lien avec les habiletés verbales, le contrôle inhibiteur et les interactions mère-enfant (Essai doctoral). Université du Québec à Trois-Rivières, Département de psychologie, Trois-Rivières (Québec).

Éthier, B. (2018). «Territorialité et territoires de chasse familiaux chez les Atikamekw Nehirowisiwok dans le contexte contemporain»,  Anthropologica, vol. 60, no 1, p. 106-118.

Gélinas-Beaulieu, J. (2011).  Maltraitance durant l’enfance et satisfaction conjugale à l’âge adulte : recension des écrits et études de cas descriptives (Essai doctoral). Université du Québec à Trois-Rivières, Département de psychologie, Trois-Rivières (Québec).  

Henry, M. (2011). La reconnaissance des émotions chez des enfants maltraités (Essai de doctoral). Université du Québec à Trois-Rivières, Département de psychologie, Trois-Rivières (Québec). 

Jacob, E. (2012). L’environnement familial de jeu de l’enfant atikamekw âgé de deux à quatre ans : la perspective de la mère et son implication dans le jeu symbolique (Mémoire de maîtrise). Université du Québec à Chicoutimi, Département d’éducation, Chicoutimi (Québec).

Prince, Y. (2009). Perception des parents d’enfant ayant une déficience intellectuelle ou un retard de développement quant aux services reçus du Centre de services en déficience intellectuelle de la Mauricie et du Centre du Québec (Mémoire de maîtrise). Université du Québec à Trois-Rivières, Département d’éducation, Trois-Rivières (Québec). 

Rocheleau, S. (2016). Analyse qualitative de l’empowerment des parents d’enfants ayant une déficience intellectuelle qui reçoivent des services en intervention précoce dans un contexte d’approche naturaliste (Essai doctoral). Université du Québec à Trois-Rivières, Département de psychologie, Trois-Rivières (Québec).

Touchette, L. (2016). Enjeux psychologiques d’hommes ayant commis une agression sexuelle intrafamiliale ou extrafamiliale sur un enfant (Essai doctoral). Université du Québec à Trois-Rivières, Département de psychologie, Trois-Rivières (Québec).