10 – Nord-du-Québec

Portrait de population

Terre des jeunes

Peu nombreuse, mais jeune : voilà qui résume bien la population nord-québécoise. La région est non seulement la plus vaste, elle est aussi la moins populeuse du Québec, avec moins de 1 % de la population du Québec. Elle est également la plus jeune, et de loin! L’âge médian y est de 30,2 ans, alors que celui de l’ensemble de la province est de 42,2 ans.

Beaucoup de tout-petits, peu de mamies et de papis 

Qui dit âge médian aussi bas, dit présence importante de jeunes, faible proportion de personnes âgées… ou les deux. C’est bel et bien ici que l’on trouve la plus forte proportion de personnes mineures (31,1 %), bien au-delà de la moyenne provinciale (18,5 %). Les moins de cinq ans représentent presque une personne sur dix (9 %). Même constat à l’autre bout du spectre : le Nord-du-Québec compte la plus faible proportion de personnes âgées au Québec (8,1 %), soit deux fois moins que la moyenne québécoise (18,5%). Ces taux varient cependant beaucoup au sein même du territoire : les personnes âgées représentent près de 15 % en Jamésie, et près de trois fois moins en Eeyou Istchee et au Kativik.

Portrait de famille 

Ça grouille de marmaille 

Dans le Nord-du-Québec, ça grouille de marmaille! Près du trois quarts (73,2 %) des familles ont au moins un enfant à la maison, de loin la plus forte proportion au Québec (57 %). La région est aussi championne au chapitre des familles nombreuses : près du tiers des familles avec enfants en comptent plus de trois! Dans l’ensemble, les familles nord-québécoises comptent 2,2 enfants, un enfant de plus que les familles montréalaises. Quant à l’indice synthétique de fécondité, soit le nombre d’enfants qu’auront les femmes au cours de leur vie, le Nord-du-Québec se démarque radicalement du reste du Québec.

Ça grouille de marmaille, oui, mais pas partout. Voici une autre facette de la fracture entre communautés autochtones et non autochtones. Entre 2006 et 2016, le nombre de familles avec enfants a chuté de 17,4 % en Jamésie, alors qu’il a grimpé de 18,9 % et de 25,4 % en Eeyou Istchee et dans le Kativik. Autre chiffre évocateur : les familles avec trois enfants ou plus sont deux fois plus nombreuses en Eeyou Istchee (37,9 %) et au Kativik (35,1 %), qu’en Jamésie (18,1 %). 

Monoparentalité record 

Un grand nombre de familles nord-québécoises sont monoparentales, soit plus d’une famille sur trois (35,5 %). Il s’agit de la plus forte proportion à l’échelle de la province. Mais, encore une fois, des disparités territoriales apparaissent : cette proportion est de 24,2 % en Jamésie, mais grimpe à 43,4 % au Kativik. 

Conditions de vie : moins nantis mais solidaires 

Des logements pleins à craquer 

Qui dit familles nombreuses, dit forte promiscuité! Le surpeuplement des logements est un important problème de santé publique dans la région. Près d’un logement sur six est surpeuplé, un taux quatre à cinq fois plus élevé qu’ailleurs dans province, selon les données du dernier recensement canadien (2016). 

L’argent : deux extrêmes 

Lorsqu’il est question d’argent, le Nord-du-Québec se positionne aux deux extrêmes. Les familles monoparentales sont non seulement proportionnellement plus nombreuses, elles comptent aussi parmi les plus pauvres de la province. Le revenu médian pour une famille monoparentale nord-québécoise est de 38 070 $, alors qu’il est de 42 560 $ à l’échelle du Québec. À l’inverse, les familles comptant deux parents affichent le revenu médian le plus élevé, soit 81 850 $, près de 12 000 $ de plus que la moyenne québécoise (69 840 $).  

Des disparités entre les territoires sont aussi nettement identifiables. D’un côté, la Jamésie présente un taux de familles à faible revenu près de deux fois plus faible que la moyenne québécoise, soit 4,1 % contre 7,9 %. De l’autre, le Kativik et les territoires de l’Eeyou Istchee affichent des proportions deux fois et demi plus élevées, avec 18,5 % et 20,7 %. 

Moins de diplômes, plus de difficultés 

La scolarisation est un des maillons faibles de la région, tant chez les adultes que chez les enfants. Plus d’un adulte (25-64 ans) sur trois (34,9 %) est sans diplôme, soit près de trois fois la moyenne provinciale. Concernant l’éducation chez les tout-petits, on note autant de difficultés : un tout-petit sur trois (33,3 %) est considéré comme « vulnérable » dans au moins un domaine de développement (2017), comme celui des compétences sociales ou du développement cognitif. Une situation qui semble empirer, puisque cette proportion était de 17,9 % cinq ans auparavant. 

Pauvres mais solidaires 

En ce qui a trait à l’indice de défavorisation matérielle et sociale, le Nord-du-Québec obtient de bons et de mauvais résultats. Sept personnes sur dix sont considérées comme matériellement très défavorisées, une des plus fortes proportions au Québec. Encore une fois, plusieurs disparités ressortent lorsque l’on compare la pauvreté à l’échelle des différents territoires de la région. Par exemple, près de 50 % de la population desservie par le Centre local d’emploi (CLE) de la Baie-James est très défavorisée au plan matériel, une proportion qui grimpe à 100 %, dans les territoires des CLE de Kuujjuaq, Inukjuak ou Chisasibi.

Par contre, l’indice de défavorisation sociale révèle un tout autre portrait. Moins de 10 % de la population présente un réseau social défavorisé ou très défavorisé. Certaines disparités territoriales sont présentes, mais à un moindre degré. Les populations desservies par les CLE de Chisasibi ou Inukjuak affichent un taux de défavorisation sociale nul (0 %), alors que le taux grimpe à 13,7 % pour le territoire du CLE de Kuujjuaq. Autrement dit, bien que la région soit marquée par le plus haut taux de monoparentalité au Québec, les solidarités familiales et la cohabitation intergénérationnelle donnent à ces communautés un réseau social plus fort. La pauvreté matérielle de la population nord-québécoise n’a donc d’égal que la richesse de son réseau social! 

Le Nord-du-Québec et la recherche

Les recherches récentes abordent différentes réalités des familles nord-québécoises, comme celle liée au Fly-In/Fly-Out, au développement des enfants, aux différents aspects de la parentalité, et à certaines particularités de la grossesse. 

Avion-boulot-dodo 

Depuis 2010, la progression du secteur minier dans le Nord-du-Québec entraîne un développement de l’industrie minière et des infrastructures qui y sont reliées. Ce développement a attiré une nouvelle forme de main d’œuvre qui vit au rythme avion-boulot-dodo, qu’on appelle plus communément Fly-in/Fly-out (FIFO). Un rythme typique du secteur de l’industrie minière dont les activités sont souvent en zones éloignées. Plutôt que de les inciter à déménager dans ces zones éloignées, les employeurs déplacent les travailleurs par avion pour une période de travail intense et les renvoient ensuite auprès de leur famille pour une période de repos. Ce rythme de travail effréné a son lot de conséquences sur la santé des travailleurs : épuisement physique et psychologique, etc. Récemment, on s’interroge aussi sur l’effet de cette main d’œuvre abondante éphémère sur les populations locales. Voilà une nouvelle réalité qui intéresse plusieurs chercheurs de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) qui a récemment publié deux rapports (Bouchard-Bastien et Gervais, 2017; Pelletier et al., 2018) sur les dimensions psychologique et la sociale du FIFO dans le Grand Nord québécois. 

D’autres chercheurs s’intéressent au FIFO, mais mettent plutôt l’accent sur les impacts sociaux de ce phénomène sur les communautés inuites, qui doivent composer avec la présence de bon nombre de travailleurs spécialisés dans la région (Blais, 2015). Les entretiens avec les populations inuites locales révèlent d’importants effets négatifs sur leur bien-être matériel, économique, communautaire et familial. 

Le développement des enfants 

Le développement des enfants fait couler beaucoup d’encre chez les universitaires s’intéressant au Nord-du-Québec. Une première étude exploratoire (Trudeau-Malo, 2016) décrit les services à la petite enfance disponibles dans la région du Nunavik, plus particulièrement le processus d’ouverture de quatre centres de la petite enfance (CPE) et de leur impact sur la vie communautaire. Les résultats montrent des impacts positifs sur la santé des jeunes et sur les parents, qui intègrent plus facilement le marché du travail. 

Une étude américaine (Acton, 2017) aborde l’impact des pratiques culturelles de deux communautés cris de la Baie-James sur le développement du langage des jeunes enfants. L’auteure formule plusieurs recommandations pour arrimer les besoins des jeunes aux services, tout en respectant la culture locale. 

Une étude multidisciplinaire (Fraser et al. 2016) vise à identifier les obstacles et avantages d’une approche collaborative pour développer des services en santé mentale aux jeunes de moins de 18 ans au Nunavik. Bien que plusieurs facteurs (relations interpersonnelles, désaccords entre différentes organisations, structure organisationnelle) puissent compliquer la mise en place de cette approche, les chercheurs concluent qu’il demeure nécessaire d’engager les parents et la communauté dans la démarche. 

On observe aussi le développement des enfants par le biais de l’adoption coutumière, une pratique d’adoption informelle découlant d’une conception différente de la famille dans les communautés autochtones. En explorant des centaines de jeunes Inuits, dont certains ont grandi en contexte d’adoption coutumière, on tente de voir les impacts de cette coutume à long terme (Decaluwe, 2016). Comparaison faite, les jeunes qui en ont fait l’expérience ne sont pas plus à risque de développer des problèmes de comportement à l’âge scolaire. Les études qui abordent le sujet sont très peu nombreuses, mais les premiers résultats montrent que c’est l’environnement familial, bien plus que l’adoption coutumière, qui a le plus d’impact sur le développement des enfants. 

La grand-parentalité dans le contexte nord-québécois 

Vu la prépondérance des solidarités familiales en contexte autochtone, il n’est pas surprenant que la question de la grand-parentalité chez les Inuits nord-québécois intéresse les chercheurs. Les grands-mères sont d’une importance capitale au sein de la famille, plus particulièrement auprès des tout-petits. Elles participent à l’éducation des tout-petits et à leurs soins. La recherche nous montre que ce rôle crucial des grands-mères doit être pris en considération par l’État dans le développement des services à la petite enfance dans le Nunavik (Sigouin et al., 2011). Elles doivent être intégrées à la mise en place des services à la petite enfance comme des acteurs-clés dans ce champ. 

La grossesse dans le grand Nord québécois 

La grossesse a elle aussi fait l’objet de quelques études. Une d’entre elles décrit la problématique de la consommation excessive d’alcool pendant la grossesse (Fortin et al., 2016). L’équipe multidisciplinaire tente d’identifier les facteurs pouvant favoriser des changements de comportement chez les populations inuites.  

Une autre équipe multidisciplinaire (Macdonald et al., 2014) sondent le point de vue de sage-femmes pour mieux comprendre pourquoi bon nombre de femmes inuites enceintes ont des carences nutritionnelles, et ce malgré la mise en place de plusieurs moyens pour pallier au problème depuis plusieurs années. 

Fractures au sein de la région

Dans cette immense région qui couvre plus de la moitié du Québec, les familles sont nombreuses et jeunes, les enfants omniprésents, et les réseaux sociaux très forts. Mais ces réalités se déploient différemment sur le territoire, de même qu’entre familles autochtones et familles non autochtones. Les divisions de la région administrative (Jamésie, Eeyou Istchee et Nunavik) témoignent aussi d’une division des expériences humaines. L’exemple des aînés, qui représentent 15 % de la population en Jamésie, mais à peine 4 % au Nunavik, illustre bien cette fracture. Bien qu’ils soient moins nombreux, les grands-parents n’en jouent pas moins un rôle important dans les familles autochtones, tel qu’en témoignent les recherches. Sont-ils aussi considérés dans les communautés non autochtones?

Si quelques études abordent les réalités locales des familles du Nord-du-Québec, il reste beaucoup de chemin à parcourir pour réellement mettre en lumière les différentes réalités qui existent au sein même de la région administrative.

Bibliographie par section

Quelques repères pour la région  

Girard, R., et Perron, N. Le Nord-du-Québec. Québec : Les Presses de l’Université Laval.  

Portrait de la population  

Migneault, J. (2018). « Coup d’œil régional sur les familles. Les régions administratives et les MRC du Québec qui se distinguent sur le plan sociodémographique en 2016 », Bulletin Quelle famille?, vol. 6, no 3.  

Portrait des familles  

Migneault, J. (2018). « Coup d’œil régional sur les familles. Les régions administratives et les MRC du Québec qui se distinguent sur le plan sociodémographique en 2016 », Bulletin Quelle famille?, vol. 6, no 3.  

Conditions de vie 

Simard, M. et al. (2018). Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle 2017. Portrait statistique pour le Québec et ses régions administratives. Québec : Institut de la Statistique du Québec.

Gravel, M. (2016). Positionnement de la région et des territoires de centres locaux d’emploi d’après l’indice de défavorisation matérielle et sociale, 2011 – Nord-du-Québec. Québec, : Institut de la statistique du Québec.

Institut de la Statistique du Québec. (2018). Panorama des régions du Québec – Édition 2018. Québec : Institut de la statistique du Québec.

Le Nord-du-Québec et la recherche  

Acton, S. 2017. James Bay Cree Perspectives on Child Language Development (Mémoire de maîtrise). Eastern Michigan University, Département d’éducation, Ypsilanti (Michigan).   

Bouchard-Bastien, E., et Gervais, M.-C. (2017). Dimensions sociales et psychologiques associées aux activités minières et impacts sur la qualité de vie. Institut national de santé publique du Québec, Québec (Québec).

Decaluwe, B. (2016). L’adoption coutumière inuit au Nunavik et le comportement de l’enfant à l’âge scolaire (Thèse de doctorat). Université Laval, Département de psychologie, Québec (Québec).  

Fraser, S. et al. (2016). Collaborating to Improve Child and Youth Mental Health in Nunavik. Études Inuit, vol. 40, no 1, p. 23-41.  

Macdonald, M-E et al. (2014). Understanding Healthy Pregnancies: the Perspective of Inuit Midwives in Northwestern Quebec. Journal canadien de la médecine rurale, vol. 19, no 4, p. 128-133. 

Pelletier, M-E. et al. (2018). Fly-in/fly-out et santé psychologique au travail dans les mines : une recension des écrits. Institut national de santé publique, Québec (Québec). 

Sigouin, C. et al. (2010). La grand-maternité chez les Inuits. Portrait d’une réalité méconnue. Nouvelles pratiques sociales, vol. 23, no 1, p. 114-129. 

Trudeau-Malo, J. (2016). Analyse exploratoire de quatre Centres de la petite enfance au Nunavik (Mémoire de maîtrise). Université Laval, Département d’anthropologie, Québec (Québec).