Si vous voyagez un brin, du côté de Saint-Cantin
Dites bonjour à mes parents, qui habitent le cinquième rang
Vous pouvez pas les manquer, prenez le chemin pas pavé
Près de la maison vous verrez, y’a une croix qu’on a plantée
En vous voyant arriver, M’man ôtera son tablier
Y dira mais entrez donc, pis passez donc dans le salon
Les planchers sont frais cirés, on ose à peine marcher
Un bouquet de fleur des champs, embaume l’appartement
Que c’est charmant, chez nos parents
C’que ça sent bon, dans nos vieilles maisons 

– La bottine souriante (groupe musical), extrait de Dans nos vieilles maisons (1994)


Quelques repères sur la région

Les plaines du sud de Lanaudière constituent le lieu de résidence d’Autochtones agriculteurs, aujourd’hui disparus : les Iroquoiens du Saint-Laurent. Le développement du chemin du Roy renforce les échanges économiques dans toute la région, engendrant un réseau villageois ayant pour cœur la ville de Joliette. Avec le temps, les activités se diversifient, le sud lanaudois devient un important producteur de tabac et s’industrialise. 

Depuis quelques décennies, les zones agricoles avoisinant Montréal perdent du terrain au profit de l’étalement urbain. Une réalité banlieusarde bien présente, mais qui ne résume pas la région. 

Le nord de Lanaudière se distingue par son paysage forestier, vallonné et parsemé de lacs. Plus isolé, il se développe tardivement, sous l’essor du tourisme et de la villégiature. Encore aujourd’hui, le nord est moins populeux. De plus, les enjeux économiques et ceux d’accessibilités aux services rendent le quotidien plus difficile. Le nord est aussi marqué par la présence millénaire des Atikamewk, un peuple semi-nomade de chasseurs. Leur territoire, le Nitaskinan, l’essentiel de Lanaudière et de la Mauricie, était auparavant découpé en territoires familiaux de chasse. Depuis une centaine d’années, la majorité des Atikamewk habitent trois réserves, une dans Lanaudière (Manawan) et deux dans la Mauricie (Obedjiwan et Wemotaci). 

Par endroits banlieue de Montréal comme à Repentigny, et d’autres plus rurale : l’hétérogénéité de la région se reflète dans les réalités familiales des différentes MRC.  

Portrait de population

Une croissance qui n’en finit plus de finir

Au troisième rang de la province en termes de croissance, Lanaudière se distingue par son taux de natalité et son pouvoir d’attraction. En effet, entre le recensement de 2006 et celui de 2016, le nombre de naissances a augmenté de 15,4 %, soit près de trois fois la moyenne québécoise. La croissance entre les deux derniers recensements s’explique aussi par le solde migratoire positif de la région : plus d’habitants s’y sont installés qu’ils ne l’ont quittée. Là aussi, la région se positionne sur la troisième marche du podium québécois, et le phénomène n’est pas près de s’arrêter: la population devrait augmenter de 30,6 % entre 2011 et 2036, selon l’Institut de la Statistique du Québec. Témoignant de l’important phénomène d’étalement urbain, ce rythme est uniquement dépassé, quoique par un cheveu, par la région de Laval. 

Disparités lanaudoises et ressemblances provinciales  

Les disparités entre le nord et le sud de la région s’illustrent, notamment, par la croissance et l’âge des habitants. Entre 2016 et 2018, Lanaudière est, avec les Laurentides, l’une des rares régions où toutes les MRC sont en croissance. Cela dit, selon des prévisions à plus long terme, certaines disparités existent : entre 2011 et 2036, la population de Les Moulins, soit une des MRC avec la plus forte croissance, augmenterait de 39,3%, alors que celle D’Autray, de seulement 16,8%. De manière générale, il est prévu que la population de Lanaudière augmente de 30,6%, ce qui est largement au-dessus de la moyenne québécoise (17,3%). 

Les différentes MRC de la région. Crédit: Institut de la statistique du Québec

Portrait des familles 

Opérations séductions : succès et échec 

Si la région de Lanaudière connaît globalement une hausse du nombre de familles avec enfants, des clivages régionaux sont ici aussi perceptibles. Les banlieues de Montréal séduisent les jeunes familles; d’ailleurs, deux des trois MRC limitrophes figurent dans le top 10 provincial des plus grandes croissances du nombre de familles avec enfants entre 2006 et 2016. Plus précisément, le nombre de familles avec enfants a augmenté respectivement de 17,7 % et 17,6 % dans les MRC Montcalm et Les Moulins. Des hausses qui pallient aux diminutions dans d’autres MRC de la région comme celle observée dans la Matawinie (-9.9 %). 

Des parents de plus en plus jeunes, mais aussi de plus en plus seuls 

Les familles lanaudoises sont plus jeunes que la moyenne québécoise, un phénomène attribuable au développement de la banlieue montréalaise. Plus d’une famille biparentale sur deux vit en union libre, soit 10 % de plus que dans le reste du Québec. Plus près des moyennes, une famille sur cinq est dite recomposée et près de trois familles sur dix sont monoparentales. Ces dernières croissent cependant très rapidement et pourraient dépasser la moyenne si la tendance se maintient. 

Conditions de vie 

Scolarisation : du travail à faire 

Lanaudière n’est pas la première de classe quant à la scolarisation de sa population. Près d’un Lanaudois sur six ne détient aucun diplôme. Le taux de diplomation universitaire est également l’un des plus faibles au Québec, avec 18.1 %, soit bien en deçà de la moyenne provinciale de 29,4 %. 

Salaire : écart nord-sud 

Les revenus des familles biparentales et monoparentales de Lanaudière s’apparentent aux moyennes québécoises mais, encore une fois, d’importants écarts s’expriment sur le territoire. Par exemple, les familles biparentales de la MRC Les Moulins comptent sur 20 000 $ de plus, annuellement, que les familles de la Matawinie, qui doivent quant à elles, boucler leur budget annuel avec 12 000$ de moins que celles de L’Assomption. 

De grandes inégalités apparaissent aussi au chapitre des familles à faible revenu. En effet, pour l’ensemble de la région de Lanaudière, 8,1% des familles vivent avec un faible revenu. En regardant de plus près, on constate que les MRC voisines de la métropole, L’Assomption et Les Moulins, affichent respectivement une proportion de 5,8% et 5,3% de familles à faible revenu. Un taux qui grimpe en flèche lorsqu’on s’éloigne de Montréal. En effet, cette proportion dépasse les 10% dans les quatre autres MRC lanaudoises. 

Habitation : une région de propriétaires 

Les trois quarts des ménages lanaudois, soit le plus haut taux de la province, sont propriétaires. Une statistique qui montre surtout que la région n’a pas de grand centre urbain, où le marché locatif prend généralement une plus grande part. Peu de Lanaudois – seulement 2,5 % – vivent dans des logements surpeuplés. Chez les Atikamekw de la Manawan, ce problème est criant : sur la réserve, le tiers des ménages n’a pas assez d’espace. 

Richesse matérielle et sociale 

Les banlieusards de Lanaudière sont, sans surprise, mieux nantis que le reste des habitants de la région : moins de 20 % d’entre eux sont très défavorisés sur le plan matériel, contre plus de 40 % des résidents des MRC du nord. En revanche, les populations des MRC en périphérie de Montréal ont de moins bons réseaux sociaux que les autres : 16% de la population de Joliette et 12% de celle de Repentigny sont très désavantagées socialement, ce qui en font les proportions les plus élevées de la région.  

Lanaudière et la recherche

L’absence d’université sur le territoire a des répercussions sur le volume de recherches produites. Cela dit, l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) en fournit tout de même quelques-unes qui abordent des réalités familiales spécifiques à Lanaudière. De plus, les instances gouvernementales en santé et services sociaux étudient, plus qu’ailleurs au Québec, la population de la région. La santé, la violence familiale et la communauté Atikamekw sont les axes de recherche les plus dynamiques pour la région.  

La santé des Lanaudois 

De nombreux rapports abordent des enjeux de santé publique en lien avec les familles de Lanaudière. Ils portent surtout sur l’évaluation de divers programmes destinés aux familles. Fait inusité : la recherche se penche aussi sur les répercussions familiales et conjugales du traumatisme crânien. 

Évaluation de programmes d’aide aux familles  

Les services intégrés en périnatalité et petite enfance seraient utiles pour répondre aux questions des futures mamans sur la grossesse, l’accouchement ou leur rôle. Plus particulièrement, Richard et son équipe (2017) sondent le niveau de satisfaction des femmes défavorisées ayant recours à ces services. 

Afin de mieux cerner les besoins et les réalités des familles lanaudoises, une chercheure du même groupe (Richard, 2014) se penche sur l’offre de service en petite enfance dans la région. Elle constate, notamment, un problème d’accessibilité aux services. 

Selon un rapport de l’Institut national de santé publique qui étudie la vaccination chez les tout-petits, les familles devraient davantage être engagées dans le processus, afin que l’organisation des cliniques de vaccination soit plus efficace. La chercheure (Guay, 2015) souligne l’importance de cet effort, dans un contexte où, en 2015, une épidémie de rougeole sévissait dans la région. 

Paradis de la motoneige – un fardeau pour les familles 

Parfois causés par des accidents de motoneige, les traumatismes crâniens sont plus fréquents dans la région que dans le reste de la province. Durocher (2017) se penche, justement, sur les relations familiales et conjugales des victimes de traumatismes crâniens. Selon les cas, l’entourage de certains accidentés disparait complètement, alors que d’autres voient leurs liens familiaux renforcés.  

La violence familiale 

La prison pour femmes de Joliette 

L’institution carcérale est bien connue de l’opinion publique. Ce qui est moins connu en revanche, ce sont les études qui sont faites à l’intérieur de ses murs. Trébuchon et Léveillée (2016 et 2017) s’intéressent ainsi aux profils psychologiques des femmes qui purgent une peine dans deux pénitenciers, dont celui de Joliette. S’il existe des nuances entre les profils des femmes qui ont commis un homicide sur un membre de leur famille, celles reconnues coupables de tout autre type de crime intrafamilial et celles qui condamnées pour des crimes non-familiaux, leur histoire est souvent marquée par une exposition à la violence pendant l’enfance et l’âge adulte. 

Femmes et maltraitance 

La violence conjugale à l’égard des femmes est un problème qui préoccupe les chercheurs. St-Arnaud (2017) dresse un portrait des femmes qui séjournent en maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, principalement dans la région de Lanaudière. Presque toutes sont marquées par un type d’attachement envers autrui empreint d’insécurité. Le parcours se caractérise malheureusement par des expériences traumatisantes en lien avec l’abus ou la violence durant leur enfance ou leur adolescence.  

Les Atikamekw de Lanaudière 

Le territoire comme pilier de la communauté 

Le territoire est au cœur des questions d’organisation sociale (mariage, adoption coutumière, famille), d’accouchement et de grossesse chez les Atikamekw (Basile, 2017). L’étude explore les liens entre le territoire et la transmission du savoir et des valeurs chez les femmes Atikamekw de Manawan, dans Lanaudière, et d’Opitciwan, en Mauricie. Une autre recherche (Basile et al., 2017) s’attarde, plus précisément, à la place privilégiée des femmes dans les enjeux d’occupation, de développement et de gouvernance des territoires. 

Les passe-temps familiaux à Joliette 

Un groupe de recherche universitaire se penche sur les activités et les passe-temps des adolescents de la ville de Joliette. Les chercheurs remarquent, notamment, que le lieu des installations sportives et sociales a un effet sur la pratique d’une activité et sur les déplacements familiaux. Roult (2016) analyse, en effet, les conséquences de ces installations sur la pratique d’activités chez les adolescents. Dans une seconde étude, ils s’intéressent de plus près aux motivations des adolescents : avoir pratiqué une activité en famille dès le plus jeune âge est le facteur le plus déterminant.    

Une banlieue en croissance et une région éloignée 

Bien que le nord de Lanaudière ne soit pas si éloigné des grands centres, les réalités familiales qui caractérisent ce territoire s’apparentent davantage à celles des régions éloignées : les populations sont vieillissantes, les jeunes familles, peu nombreuses. On note une précarité et des enjeux d’accès aux services bien différents de ceux qui sont propres aux zones plus proches de la métropole. Ces banlieues, propices à l’établissement des jeunes familles, sont en expansion et offrent davantage de services. Toutefois, les défis relatifs aux transports et aux coûts environnementaux reliés à l’étalement urbain sont de plus en plus soulevés. Ce phénomène a-t-il une fin, ou dans un futur plus ou moins proche, aura-t-il tellement progressé qu’il aura eu raison des disparités lanaudoises?  

Chose certaine, considérant les grandes disparités dans les différentes MRC, parler du quotidien des familles lanaudoises dans son ensemble semble être une tâche impossible. Les enjeux qui touchent les familles de Repentigny et celles de Matawinie sont forts différents. Les recherches qui aborderont le sujet devront trouver un moyen de représenter les réalités locales lanaudoises à une plus petite échelle que celle de la région administrative.  

Bibliographie par section

Quelques repères pour la région  

Brouillette, N. ; Lanthier, P. ; et Morneau, J. (2012). Histoire de Lanaudière. Québec : Presses de l’Université Laval. 

Portrait de la population 

Binette Charbonneau, A. ; St-Amour, M. ; André, D. ; et Girard, C. « La population des régions administratives, des MRC et des municipalités du Québec en 2018 », Coup d’oeil sociodémographique (ISQ), no 69.  

Institut de la statistique du Québec. (2017). Bulletin statistique régional de Lanaudière – Édition 2017.

Institut de la statistique du Québec. (2018). Panorama des régions du QuébecÉdition 2018.

Institut de la statistique du Québec. (2014). Perspectives démographiques des MRC du Québec, 2011-2036.

Ministère de la Famille. (2018). « Coup d’œil régional sur les familles: les régions administratives et les MRC du Québec qui se distinguent sur le plan sociodémographiques en 2016 », Bulletin Quelle famille?, vol. 6, no 3.

Observatoire des tout-petits. (2017). Comment se portent les tout-petits québécois ? Portrait 2017Fondation Lucie et André Gagnon, Montréal (Québec).  

Portrait des familles  

Ministère de la Famille. (2018). « Coup d’œil régional sur les familles: les régions administratives et les MRC du Québec qui se distinguent sur le plan sociodémographiques en 2016 », Bulletin Quelle famille?, vol. 6, no 3.

Conditions de vie 

Conseil du statut de la femme. (2016). Portrait statistique Égalité femmes-hommes : Lanaudière.

Gravel, Marie-Andrée, et collab. (2016). Le positionnement de la région et des territoires de centres locaux d’emploi d’après l’indice de défavorisation matérielle et sociale, 2011 – Lanaudière. Institut de la statistique du Québec, Québec.

Institut de la statistique du Québec. (2017). Bulletin statistique régional de Lanaudière.

Institut de la statistique du Québec. (2018). Panorama des régions du QuébecÉdition 2018.

Lanaudière et la recherche  

Basile, S. (2017). Le rôle et la place des femmes Atikamekw dans la gouvernance du territoire et des ressources naturelles (Thèse de doctorat). Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Département des sciences de l’environnement, Rouyn-Noranda (Québec).  

Basile, S. ; Asselin, H.;  et Martin, T. (2017). « Le territoire comme lieu privilégié de transmission des savoirs et des valeurs des femmes Atikamekw »,  Recherches Féministes, vol. 30, no 1, p. 61-80.  

Durocher, V. (2017). L’expérience de vie des personnes atteintes d’un traumatisme crânien dans leur retour à la vie normale (Mémoire de maîtrise). Université du Québec à Montréal, Département de sociologie, Montréal (Québec). 

Guay, M. (2015). Quel est le meilleur mode d’organisation de la vaccination des enfants de 0-5 ans au Québec? Québec: Institut national de santé publique Québec, Direction des risques biologiques et de la santé au travail.  

Lemire, L. (2010). Dépendre des prestations d’assistance sociale pour vivre : un portrait de la situation dans Lanaudière. Joliette (Québec): Agence de la santé et des services sociaux de Lanaudière.  

Richard, C. (2014). Besoins et défis des familles, perception des services et enjeux en petite enfance dans Lanaudière. Point de vue de parents et d’acteurs. Rapport. Joliette (Québec): Direction de santé publique, Agence de la santé et des services sociaux de Lanaudière.  

Richard, C. ; Garand, C. ; Bossé, M.-A.; et Coutu, É. (2017). Appréciation des services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance (SIPPE) par les femmes enceintes et les mères lanaudoises. Recueil de données. Joliette (Québec): Centre intégré de santé et de services sociaux de Lanaudière.  

Roult, R. ; Auger, D.; Royer, C.; et Adjizian, J.-M. (2016). « Recreational Needs and Practices of Youth Living in Rural Areas in Quebec: Views and Concerns of Stakeholders and Parents »,  Journal of Rural Social Sciences, vol. 31, no 1, p. 24-51.  

Roult, R.; Royer, C.; Auger, D.; et Adjizian, J.-M. (2016). « Development of Adolescents’ Leisure Interests and Social Involvement: Perspectives and Realities from Youth and Local Stakeholders in Quebec »,  Annals of Leisure Research, vol. 19, no 1, p. 47-61. 

St-Arnaud, M. Expériences traumatisantes dans l’enfance, attachement et dépendance émotionnelle chez les femmes victimes de violence conjugale (Essai doctoral). Université du Québec à Trois-Rivières, Département de psychologie, Trois-Rivières (Québec).

Trébuchon, C.; et Léveillée, S. (2016). « Fonctionnement intrapsychique de femmes incarcérées auteures de violence intrafamiliale »,  Pratiques psychologiques, vol. 22, no 3, p. 239-254.  

Trébuchon, C.; et Léveillée, S. (2017). « Profils de personnalité de femmes auteures de crimes violents selon le lien avec la victime »,  Annales médico psychologiques, vol. 175, no 8, p. 685-691.