À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de David Pelletier, Solène Lardoux et Yentéma Onadja, « Avec qui les enfants vont-ils vivre? Facteurs associés au partage du temps parental lors d’une séparation », publié en 2017, dans Cahiers de recherche sociologique, volume 63.

  • Faits saillants

  • Des parents avec un haut niveau d’éducation et une confiance élevée envers leurs compétences parentales optent plus souvent pour la garde partagée.
  • Les mères actives sur le marché du travail sont plus nombreuses à vivre une garde partagée.
  • Les ruptures hargneuses conduisent plus souvent à une garde exclusive de la mère, avec peu ou pas de contact avec le père.

Amour rime avec toujours… Peut-être pas! Mais si deux parents se séparent, ils doivent s’occuper de ce qui continue de les unir, leur enfant! Les nouveaux exs doivent alors répondre à une question cruciale : chez qui leur enfant résidera-t-il? Si vivre chez maman avec des visites récurrentes de papa a longtemps été le modèle privilégié, la garde partagée gagne en popularité. Comment expliquer le choix des parents pour la résidence de leur enfant? L’égalité entre les deux parents conduit plus souvent à la garde partagée, mais d’autres éléments entrent en concurrence.

Peu d’études abordent le choix de la garde de l’enfant une fois les parents séparés. C’est le type de question qui anime les démographes David Pelletier, Solène Lardoux et Yentéma Onadja. Ils explorent les données fournies par l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ), qui suit 2120 Québécois nés en 1997-1998. Ils étudient les parents qui ont vécu ensemble avant de faire chambre à part, soit 637 réponses. Quatre scénarios ressortent : la résidence chez la mère avec des visites du père plus d’une fois par mois, la garde partagée, la résidence maternelle avec peu ou pas de contact avec le père, et la résidence paternelle. Comme très peu de cas concernent la résidence paternelle, les chercheurs décident de ne pas étudier cette option davantage.


Qui se ressemble… partage davantage

Si les intérêts communs ne suffisent pas toujours pour qu’un couple fonctionne, ils peuvent aider pour la garde partagée! Les chercheurs constatent que les pères avec une éducation postsecondaire ont davantage la garde partagée de leur enfant. C’est encore plus vrai lorsque la mère détient elle aussi un diplôme d’études postsecondaires. Ces parents diplômés ont bien souvent un meilleur revenu que d’autres parents séparés, et sont aussi plus actifs sur le marché du travail.

Les chercheurs croient que ces similarités peuvent être le reflet d’une meilleure égalité homme-femme au sein du couple. Les couples dans lesquels les conjoints ont un niveau d’études et des salaires similaires sont plus prompts à partager les tâches de la maisonnée, d’où le choix de la garde partagée. Les chercheurs doivent cependant s’appuyer sur d’autres études pour étayer cette réflexion, puisque les données utilisées pour leur recherche ne portaient pas spécifiquement sur l’égalité entre mère et père.

Suis-je un « bon » parent? La réponse du père pourrait, elle aussi, influencer le choix de résidence de l’enfant. Interrogés quelques mois seulement après la naissance de leur enfant, avant même qu’une séparation soit en vue, ceux qui estiment bien répondre à ses besoins ont plus de chances de choisir la garde partagée. Une ressemblance marquée avec les femmes, très nombreuses à évaluer de façon positive leur aptitude parentale. Ils se rapprochent ainsi des mères qui, en règle générale, estiment avoir de bonnes aptitudes parentales.

Maman au boulot, bambin chez papa

Et le travail dans tout ça? Il influence lui aussi le lieu de résidence de l’enfant. Du moins, chez les mères. Les femmes séparées qui travaillent à temps plein sont plus nombreuses à choisir la garde partagée pour leur enfant après la séparation.

Selon les chercheurs, le facteur temps peut influencer la décision des parents. Les femmes occupées par leur travail ont moins de temps de s’occuper de la garde à temps plein, croient-ils. La garde partagée s’imposerait comme la solution pour faire tomber le stéréotype de la famille traditionnelle, dans lequel le père travaille et où la mère s’occupe de la marmaille.

Source ou conséquence de conflits, le choix de la garde?

La garde des pères en prend un coup lors des séparations amères. Les enfants sont beaucoup plus susceptibles de se retrouver chez leur mère avec des contacts limités avec leur père lorsqu’une rupture tourne au vinaigre. Attention, toutefois! Est-ce la chicane qui diminue les visites du père ? Ou est-ce que les contacts restreints sont la source du conflit? Impossible à dire, admettent les chercheurs, spécifiant que dans l’étude utilisée, les mères devaient décrire le climat avec leur ex après la séparation.

Malgré la montée en popularité de la garde partagée, la résidence maternelle demeure le choix de prédilection. Pourquoi? Selon les chercheurs, si des inégalités se faisaient déjà sentir avant la rupture, il n’y a pas de raison pour qu’elles disparaissent après la séparation. Par exemple, les pères avec une faible estime de leurs compétences parentales sont deux fois moins susceptibles de choisir la garde partagée que les autres.

L’âge de l’enfant entre aussi en ligne de compte : les petits de 9 ans et plus sont environ quatre fois plus susceptibles de vivre en garde partagée que ceux entre 0 et 2 ans. Cette observation appuie les rôles traditionnels du père et de la mère, selon laquelle les tout-petits doivent se trouver auprès de leur mère.

Où t’es papa, où t’es?

Derrière toutes ces variantes, une tendance persiste : la majorité des enfants vivent chez leur mère (61,7%), tandis que très peu résident principalement chez leur père (6,7%). Pourquoi certains pères se retrouvent avec la garde de leur enfant à temps plein? Faute de données probantes, impossible de le savoir. Est-ce que des facteurs externes influencent la décision, comme des interventions légales ou de médiation? Une recherche plus approfondie sur les pères qui ont la garde de leur enfant pourrait nous éclairer sur cette zone d’ombre de la garde partagée.