À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Félix-Antoine Desmarais, Laurence Hélie-Fontaine, et Janelle Ménard, « La sexualité en CHSLD : la frontière entre le soutien et le contrôle », paru en 2016, dans Vie et vieillissement, volume 13, numéro 3.

  • Faits saillants

  • Les besoins sexuels des personnes ne disparaissent pas en vieillissant; ils se transforment et s’expriment par une grande variété de gestes et de comportements.
  • Les préjugés sur la sexualité des personnes âgées entravent l’expression de leurs besoins et de leurs droits. Leur entourage n’est pas toujours tolérant et peut essayer de prendre le contrôle de leur vie intime.
  • La sexualité des aînés en CHSLD présente certaines difficultés pour le personnel, qui doit, à la fois, assurer la sécurité des résidents et préserver leur intimité, et ce sans imposer de jugement.

Vos grands-parents ont-ils encore une vie sexuelle? Absence de libido, problèmes érectiles, assèchements vaginaux, voire risque de mourir d’un arrêt cardiaque en plein ébat… On imagine difficilement que les aînés puissent avoir une sexualité épanouie et on a même tendance à les voir comme des êtres asexués. En centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD), le tabou se renforce : les résidents sont surveillés au quotidien et ont rarement accès à des espaces privés. Difficile, dans ces conditions, de développer une vie intime.

Pourtant, tout le monde a besoin de tendresse et d’intimité, peu importe l’âge. Mais les résidents en CHSLD ont des besoins particuliers… alors le personnel soignant et les proches aidants s’inquiètent : peut-on les laisser seuls? Sont-ils capables de décider pour eux-mêmes? Comment répondre à l’embarrassante question de la sexualité des aînés en CHSLD?

La question apparaît dans la littérature scientifique au tournant des années 1970, mais ce n’est que plus récemment, au tournant des années 2000, que les chercheurs ont commencé à la prendre vraiment au sérieux. Les auteures de cet article font le tour des écrits académiques québécois publiés sur le sujet.

Autre regard sur la sexualité

Les besoins et les désirs sexuels des personnes ne disparaissent pas avec l’âge; ils se transforment. On a tendance à imaginer la sexualité comme une performance physique exigeante, dont les aînés seraient généralement incapables. Toutefois, l’expression de la sexualité ne se limite pas au coït, elle peut prendre diverses formes : touchers, baisers, accolades… La majorité des personnes en centre d’hébergement qui entretiennent des rapports physiques avec d’autres résidents expliquent que leur sexualité passe avant tout par ces manifestations d’affection.

Des chambres d’intimité

La vie en CHSLD reste cependant peu propice au développement de rapports intimes, puisque les résidents n’ont quasiment jamais l’occasion de se retrouver seuls. Les membres du personnel ou la famille entrent librement dans les chambres, parfois sans prévenir.

Certains centres ont tenté l’expérience de se doter de « chambres d’intimité », réservées aux résidents qui souhaitent s’adonner à des ébats amoureux. Mais les avis des professionnels interrogés dans les différentes études restent très partagés : certains pensent que cela permet d’éviter de surprendre les résidents dans les corridors, d’autres considèrent que ce dispositif encourage une sexualité inappropriée en milieu de soin.

Comme les personnes admises en CHSLD sont souvent peu autonomes, les laisser seuls présente certains risques. Ces chambres doivent donc être aménagées selon des normes de sécurité spécifiques.

Entre contrôle et soutien

Le personnel soignant n’est pas nécessairement à l’aise avec la sexualité des résidents et peut réagir de façon négative si ces derniers abordent la question. Les soignants peuvent même aller jusqu’à les réprimander, voire séparer les nouveaux couples, ce qui, évidemment, peut avoir un impact important sur leur vie intime.

La famille a aussi son rôle à jouer. Pour certaines familles, il est très important de respecter les besoins et les choix de leur proche, y compris en matière de sexualité. D’autres familles, beaucoup moins à l’aise, invoqueront des questions de sécurité et demanderont des restrictions de contact entre le parent et le partenaire.

Cette réprobation sème le doute et la culpabilité chez les résidents, leur donnant l’impression d’être infantilisés et de ressentir un désir illégitime.

Entre contrôle et soutien, les réponses aux besoins sexuels des résidents de CHSLD dépendent de l’ouverture d’esprit des familles, du personnel et de l’établissement.

Le mythe des « vieux sexy »

L’imaginaire collectif associe la sexualité à la performance et à la jeunesse. Certains aînés vont donc essayer de ralentir ou de gommer les « symptômes » du vieillissement en prenant le contrepied du stéréotype de la personne âgée asexuelle. Ils adoptent des comportements « hypersexualisés » qui peuvent être jugés ridicules, voire anormaux, par certaines personnes.

Certaines déficiences cognitives peuvent aussi causer des comportements sexuels inappropriés, comme le fait de se masturber en public, d’avoir un langage obscène ou de demander des soins génitaux non nécessaires. Entre démence et simple provocation, la frontière est parfois floue.

Évaluer le consentement

Pour assurer la sécurité des résidents, le personnel soignant doit pouvoir évaluer leur capacité à donner leur consentement. Il n’est pas toujours évident d’interpréter leurs attitudes ou leurs gestes, ni d’en conclure que leurs choix sont effectivement libres et éclairés.

À quel point le personnel soignant peut-il et doit-il contrôler les choix des aînés? En matière de sexualité, il est souvent laissé à lui-même, sans balises pour guider l’intervention. Sans cadre de référence, les soignants risquent de se rabattre sur leurs convictions personnelles et d’aller à l’encontre de la volonté des résidents.

Le droit d’avoir des besoins

En vieillissant, les personnes sont de plus en plus souvent exposées à des jugements négatifs concernant leur sexualité. Le stéréotype de la personne âgée asexuée est difficile à briser, tant la question semble mettre mal à l’aise.

Pourtant, c’est le bien-être des aînés qui est en jeu. D’après le Guide à l’intention des préposés aux bénéficiaires et des équipes de soins infirmiers, le CHSLD doit être un milieu de vie qui respecte l’individualité de la personne, son intimité et sa dignité, afin qu’elle conserve le goût de se réaliser et de vivre pleinement.

Pour assurer l’expression des droits et des besoins intimes des résidents en CHSLD, un travail de conscientisation de l’entourage des aînés et des membres du personnel soignant s’impose, d’après les auteures.

Alors que l’hypersexualisation des jeunes et la question du consentement sont devenus des sujets phares de l’actualité, les aînés ont certainement leur mot à dire sur leur sexualité!