À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’étude de Katherine Péloquin, Noémie Bigras, Audrey Brassard et Natacha Godbout : « Perceiving that one’s partner is supportive moderates the associations among attachment insecurity and psychosexual variables », publiée en 2014 dans The Canadian Journal of Human Sexuality, vol. 23, n° 3, p. 178-188.

  • Faits saillants

  • Les adultes qui présentent un style d’attachement insécure sont nombreux à connaître des difficultés sur les plans amoureux et sexuel.
  • Sur le plan sexuel, il est étonnant de remarquer que certains d’entre eux ont tendance à éprouver une plus grande anxiété et une plus grande difficulté à s’affirmer lorsqu’ils perçoivent un soutien important de la part de leur partenaire.
  • D’autres ont tendance à avoir moins confiance en eux et à éprouver une plus grande anxiété lorsqu’ils perçoivent que leur partenaire ne les soutient pas beaucoup.

« L’homme est un être social », écrit Aristote. En effet, dès sa naissance, l’être humain est façonné par les relations qu’il entretient avec ses semblables. Jeune enfant, il nourrit des liens affectifs avec les personnes qui s’occupent de lui (souvent ses parents), liens qui lui servent de modèles tout au long de l’âge adulte. C’est la théorie de l’attachement. Si ces personnes prennent soin de lui de façon constante, il tendra à développer un style d’attachement sécure. Cela signifie qu’en règle générale, il aura une vision positive de lui-même et des autres, et se sentira à l’aise de partager son intimité. Mais si ce n’est pas le cas, il sera susceptible d’adopter un style d’attachement insécure.

Des recherches indiquent que le style d’attachement insécure s’articule autour de deux dimensions : l’anxiété face à l’abandon et l’évitement de l’intimité. Les personnes qui souffrent d’anxiété face à l’abandon ont une vision négative d’elles-mêmes et ont peur d’être rejetées. Celles qui font preuve d’évitement de l’intimité ont une vision négative des autres, qu’elles estiment peu fiables et non disponibles. Ainsi, les adultes qui présentent ce style d’attachement sont nombreux à connaître des difficultés sur les plans amoureux et sexuel.

Cette étude a pour objectif de comprendre le rôle du partenaire dans la sexualité des personnes qui ont un style d’attachement insécure. Les chercheures ont voulu évaluer comment le soutien que ces personnes percevaient de la part de leur partenaire influençait leur confiance en soi, leur affirmation de soi et leur anxiété sur le plan sexuel.

Les chercheures ont recruté 214 Canadiens francophones (150 femmes et 64 hommes), de 18 à 68 ans, engagés dans une relation hétérosexuelle. Ces derniers ont répondu à un questionnaire en ligne concernant leurs relations sociales et sexuelles.

Un soutien qui n’a pas que du bon

Les participants qui font preuve d’évitement de l’intimité signalent davantage d’anxiété et une plus grande difficulté à s’affirmer sur le plan sexuel lorsqu’ils perçoivent un soutien important de la part de leur partenaire. Ces réactions peuvent sembler étonnantes, mais elles s’expliquent sans doute par l’inconfort que ces personnes ressentent généralement en situation d’intimité : un partenaire qui les soutient possède des qualités (disponibilité, sensibilité) qui favorisent l’intimité.

Les chercheures observent par ailleurs une différence surprenante entre les deux sexes chez ces mêmes participants : la perception d’un soutien faible de la part du partenaire est associée à une confiance en soi élevée chez les femmes mais faible chez les hommes. Des études démontrent qu’en raison de leur vision négative des autres, les personnes dont le style d’attachement est marqué par l’évitement de l’intimité sont susceptibles de développer des mécanismes de défense pour maintenir leur confiance en soi : elles se valorisent elles-mêmes et s’assurent de ne dépendre de personne. Les femmes qui perçoivent un soutien faible de la part de leur partenaire peuvent donc être appelées à activer ces mécanismes. Les chercheures s’expliquent mal, cependant, pourquoi les hommes réagissent inversement.

En ce qui a trait aux participants qui souffrent d’anxiété face à l’abandon, les chercheures constatent qu’ils ont tendance à avoir moins confiance en eux et à éprouver une plus grande anxiété sexuelle lorsqu’ils perçoivent que leur partenaire ne les soutient pas beaucoup.

La relation comme refuge

Cette étude pourrait guider les intervenants qui travaillent auprès de couples dont l’un ou les deux partenaires ont un style d’attachement insécure. Les résultats conduisent les chercheures à penser qu’une approche comme la thérapie de couple axée sur l’émotion (Emotionally Focused couple Therapy, EFT) leur serait particulièrement bien adaptée. L’EFT considère que les réactions et les comportements qui causent des problèmes sexuels au sein d’un couple tirent leur origine de difficultés d’attachement. Elle cherche par conséquent à restructurer les liens affectifs qui unissent les partenaires et à leur faire acquérir une plus grande sécurité émotionnelle. L’EFT veut, en fin de compte, les amener à concevoir leur relation comme un « safe haven », un refuge, où ils parviendront peut-être enfin à s’épanouir sexuellement.