À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation est tiré de l’article Marie-Pier Vaillancourt-Morel, E. Sandra Byers, Katherine Péloquin et Sophie Bergeron « A Dyadic Longitudinal Study of Child Maltreatment and Sexual Well-Being in Adult Couples: The Buffering Effect of a Satisfying Relationship », publié en 2021 par The Journal of Sex Research, 58:2, 248-260.

  • Faits saillants

  • Près de la moitié de la population québécoise a vécu au moins une forme de maltraitance durant l’enfance, une proportion qui s’élève à 8 personnes sur 10 chez les personnes qui consultent en sexothérapie ou en thérapie de couple.
  • La honte, les complexes de performance, le dénigrement, le sentiment de ne pas être à la hauteur ou d’être indigne du plaisir sexuel peuvent s’immiscer dans la vie intime des personnes ayant subi de la maltraitance en enfance.
  • Le ou la partenaire d’une personne ayant subi des abus en enfance peut voir son bien-être sexuel affecté par les événements traumatisants vécus par sa douce moitié.
  • Être dans une relation amoureuse sécuritaire et satisfaisante peut aider à réparer certaines cicatrices de la maltraitance en enfance, dont le manque de confiance en soi et envers les autres.

Amoureux depuis 4 ans, Mylène et Laurent voient leur satisfaction sexuelle diminuer depuis quelques mois. Laurent a tendance à avoir honte de ses désirs sexuels et se critique beaucoup, ce qui le rend distant. Mylène a du mal à verbaliser ses envies et ses désirs, et en conséquence, elle n’est jamais vraiment épanouie dans sa sexualité. Après plusieurs rencontres avec leur psychothérapeute, tous deux réalisent avoir été victimes de maltraitance durant leur enfance, comme 80 % des personnes qui consultent en thérapie sexuelle ou de couple. 

Marie-Pier Vaillancourt-Morel, Katherine Péloquin, et Sophie Bergeron du Département de psychologie de l’Université de Montréal ainsi que E. Sandra Byers, du Département de psychologie de l’Université du Nouveau-Brunswick s’intéressent aux effets de la maltraitance en enfance sur la vie sexuelle une fois adulte, dans un contexte de relation amoureuse. À l’aide de questionnaires, l’équipe interroge 269 couples mixtes, ensemble depuis au moins six mois. Son objectif ? Comprendre comment la maltraitance en enfance se répercute sur le bien-être sexuel du couple. Et force est de constater que même une fois adulte, les blessures du passé ne sont pas complètement guéries.

Le bien-être sexuel de l’adulte aussi lié à son enfance 

Les victimes de maltraitance durant enfance se disent moins satisfaites de leur vie sexuelle : voilà une conséquence peu connue de ce type de traumatismes. Elles peuvent ressentir de la honte, un complexe de performance, du dénigrement, le sentiment de ne pas être à la hauteur ou même d’être indigne du plaisir sexuel. L’équipe de recherche s’accorde sur le fait que bon nombre de ces effets sont le résultat d’une négligence émotionnelle, qui s’observe souvent avec une ou plusieurs autres formes de maltraitance. Leur sentiment de sécurité étant miné par la violence subie, les victimes ont du mal à faire confiance à leur partenaire et à lâcher prise.

Une relation amoureuse satisfaisante, le remède à tous les maux ?

Dans le duel qui oppose une relation amoureuse saine et les stigmates de la maltraitance en enfance, qui l’emporte ? L’amour, mais avec quelques nuances. Une relation amoureuse satisfaisante qui cultive la sécurité et la confiance chez les deux partenaires a plusieurs effets bénéfiques. Elle augmente la confiance en soi et diminue la honte et le dénigrement, et agit comme un véritable tampon face aux conséquences négatives des abus. 

Mais dans certaines situations, les victimes verront les conséquences des abus subis dans leur enfance émerger après la phase de la « lune de miel », qui caractérise le début de la plupart des relations amoureuses. Au bout de quelques mois, le couple devient plus vulnérable et des frictions émergent, ce qui peut raviver de vieilles blessures. Que se passe-t-il si le ou la partenaire ne fait pas preuve d’écoute? La victime d’abus se retrouve dans une relation inconfortable, et ne verra que le côté négatif de celle-ci. En fin de compte? Le bien-être émotionnel et sexuel en sera perturbé. 

Être en couple avec une victime d’abus à l’enfance

Le ou la partenaire d’une personne victime d’abus durant l’enfance vit aussi les hauts et les bas de la relation. Si cette dernière est satisfaisante, les bénéfices seront présents. Dans le cas contraire, par exemple, si le couple constate une absence de plaisir durant les rapports sexuels ou un profond détachement émotionnel de la part de la victime, les partenaires des personnes qui ont subi de la maltraitance en enfance verront également leur niveau de satisfaction sexuelle être affecté.

Soutien et écoute pour réparer l’intimité

Les résultats de la présente étude rappellent qu’il est impossible de séparer le sentiment de sécurité du bien-être sexuel. Soutenir la personne ayant vécu de la maltraitance en enfance mais aussi son ou sa partenaire est donc primordial. Un couple avec une des deux personnes qui aurait vécu de la maltraitance pourrait faire comme Mylène et Laurent et consulter en psychothérapie. À ce titre, des ressources existent aussi en présence attentive et en régulation émotionnelle pour les aider à retrouver le plaisir d’être ensemble dans la vie de tous les jours, comme dans l’intimité.