À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Marie-Christine Saint-Jacques, Élisabeth Godbout et Hans Ivers, « People’s Opinions and Stereotypes about Stepfamilies », publié en 2020 dans Journal of Family Issues, vol. 41, n° 11, p. 2136-2159.

  • Faits saillants

  • Seule une minorité de Québécois (39 %) croient que la famille « traditionnelle » est l’idéal par opposition aux familles recomposées.
  • De manière générale, les gens croient que les enfants grandissant au sein d’une famille recomposée ont autant de chances de bien se développer et d’être heureux que les autres.
  • Dans un contexte de familles recomposées, plusieurs Québécois et Québécoises aimeraient élargir les droits et responsabilités des beaux-parents, par exemple en leur permettant de créer un lien de filiation avec l’enfant.

Les familles recomposées sont de plus en plus fréquentes :  de nos jours, près du tiers des enfants québécois vivront avec au moins un beau-parent au cours de leur vie. Comment la société québécoise perçoit-elle ce type de famille ? Si elles n’ont pas nécessairement « moins de valeur » que les autres, les familles recomposées sont tout de même le mouton noir des familles. Quant au stéréotype du beau-père agresseur, il a la peau plutôt dure.

C’est ce que révèle une étude menée par Marie-Christine Saint-Jacques, Élisabeth Godbout et Hans Ivers de l’Université Laval. Les chercheurs analysent les résultats d’un sondage en ligne auquel 1202 Québécois (701 hommes et 501 femmes) ont répondu afin de connaître leur opinion sur la recomposition familiale. Plusieurs thèmes sont évalués : l’opinion générale sur les familles recomposées, le futur des enfants grandissant dans ce type de famille, les droits et responsabilités des beaux-parents ainsi que les stéréotypes à leur égard. Ces résultats ont permis de dégager trois profils d’opinion : positive, mixte et négative. Au premier abord, les personnes plus jeunes, celles qui vivent en famille recomposée ou celles qui sont séparées ont généralement une opinion plus favorable à l’égard des familles recomposées.  

Des familles conflictuelles et complexes, vraiment?

La famille traditionnelle l’emporte-t-elle sur les autres types de famille ? Pas exactement : une minorité (39 %) est d’avis que la famille traditionnelle est l’idéal par rapport aux familles recomposées.

Les chercheurs ont aussi demandé aux personnes participantes de choisir parmi huit qualificatifs (quatre à connotation négative, quatre à connotation positive) pour décrire les familles traditionnelles et recomposées. De manière générale, les familles traditionnelles remportent davantage la mise (ex. : normales, stables, rassurantes) que les familles recomposées (ex. : conflictuelles, complexes). 

Malgré ce portrait plus ou moins reluisant, la grande majorité des personnes interrogées (76 %) croient que les enfants qui grandissent dans une famille recomposée ont autant de chances de bien se développer et d’être heureux que ceux qui grandissent dans une famille traditionnelle. 

Quels droits et responsabilités pour les beaux-parents?

Quels droits devraient avoir les beaux-parents ? La majorité des personnes interrogées sont d’avis qu’ils devraient pouvoir consulter un médecin en cas de problème de santé mineur chez l’enfant (87 %), recevoir son bulletin (73 %) et autoriser une sortie scolaire (72 %). Environ la moitié (53 %) croit qu’ils devraient pouvoir annuler ladite sortie si l’enfant est désobéissant, et seulement le tiers (31 %) est d’avis qu’ils devraient être en mesure d’autoriser une opération médicale majeure (ex. : chirurgie). 

Qu’en est-il de leurs responsabilités ? Sur cet aspect, les opinions sont plus mitigées. Si plusieurs croient que les beaux-parents ayant passé beaucoup de temps auprès de l’enfant devraient obtenir des droits de visite en cas de séparation (66 %), ils sont moins nombreux à être d’avis qu’ils devraient subvenir à leurs besoins financiers après un an de cohabitation (45 %). Et si le droit permettait un jour aux enfants d’avoir plus de deux parents, la moitié des personnes interrogées (51 %) croient que les beaux-parents devraient pouvoir adopter l’enfant de leur partenaire, s’ils s’en occupent sur une base régulière.  

Les beaux-parents sur la corde raide

Au-delà de la recomposition familiale, qu’en est-il de la perception des beaux-parents ? Lorsqu’on leur demande de nommer deux caractéristiques qui leur viennent à l’esprit à propos des mots « belle-mère » et « beau-père », environ le tiers des personnes participantes mentionnent au moins un terme négatif (ex. : abus, conflits[1]). Seulement une personne sur cinq donne au moins un qualificatif positif (ex. : complicité, gentillesse[2]). Finalement, les beaux-parents reçoivent plus souvent deux qualificatifs négatifs que positifs. 

Et ce n’est pas tout : les stéréotypes au sujet des beaux-pères sont relativement fréquents. La preuve ? Cet exercice dans lequel les chercheurs montrent aux personnes participantes deux vignettes : l’une dans laquelle un père ou un beau-père a un comportement qui pourrait suggérer un abus sexuel et l’autre, un acte de violence corporelle. Dans le cas de la vignette suggérant un abus sexuel, davantage de participants trouvent le comportement du beau-père un peu suspect ou très suspect comparativement à celui du père (63 % contre 43 %). 

Familles recomposées et beaux-parents : tolérés, mais pas encore acceptés

Cette étude est la première à explorer l’opinion de la population à l’égard d’un si grand nombre de dimensions touchant les recompositions familiales. Alors que les beaux-parents n’ont aucune autorité légale selon le Code civil du Québec, plusieurs personnes semblent ouvertes à élargir leurs droits et responsabilités, notamment en leur permettant de créer un lien de filiation entre eux et l’enfant. Par ailleurs, une majorité des personnes interrogées perçoivent d’un bon œil le futur des enfants grandissant au sein de familles recomposées.

Même si ces dernières sont de plus en plus nombreuses, elles renvoient une image plus négative que les familles « intactes ». De plus, des stéréotypes négatifs collent à la peau des beaux-pères, et ce, même chez les personnes ayant une opinion favorable à l’égard des familles recomposées. Pour mieux accompagner les personnes vivant en famille recomposée et les intervenants qui les accompagnent, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ) a collaboré à la mise en place d’un site Web sur les familles recomposées. L’objectif ? Leur offrir des informations et des pistes d’action pour mieux vivre les défis qui les attendent à la suite d’une recomposition familiale. 


[1] En anglais dans l’article : abuse, conflicts

[2] En anglais dans le texte : complicity, kindness