À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’étude de David Baril et Sylvain Bourdon « J’arrête ou tu continues? L’ambivalence intergénérationnelle lors du passage des 16-25 ans à la formation générale des adultes », publié en 2014 dans Enfances Familles Générations, n° 20, p. 148-167.

  • Faits saillants

  • Les parents influencent les choix scolaires de leurs enfants, même lorsqu’ils sont devenus adultes.
  • En cas de conflit, les parents utilisent quatre types de stratégies pour influencer le parcours scolaire de leur enfant.
  • Règle générale, les jeunes adultes qui ont intégré une formation aux adultes tout de suite après avoir quitté le cycle régulier ont de meilleures relations avec leurs parents que ceux ayant pris une pause.

Près de 15 % des étudiants québécois décrochent avant la fin de leurs études secondaires[1]. Dans la région montréalaise, ce taux atteint 25 %, soit un élève sur quatre. Plusieurs de ces jeunes intégreront – directement ou éventuellement – une formation générale aux adultes pour obtenir leur diplôme d’études secondaires.

Les parents cessent-ils de s’intéresser aux études de leur enfant lorsqu’ils abandonnent l’école? Et lorsqu’ils atteignent la majorité? Les travaux de Baril et Bourdon démontrent plutôt que la relation parent-enfant est un élément fondamental dans la dynamique scolaire des jeunes adultes de 16 à 25 ans inscrits à la formation générale des adultes (FGA).

Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont interviewé 30 jeunes inscrits à la FGA , hommes et femmes, anglophone et francophone, habitant ou non avec leurs parents. La moitié des jeunes avait intégré le programme de FGA immédiatement après avoir abandonné le cycle régulier alors que l’autre moitié avait décroché pendant un certain temps avant de retourner aux études.

Le parcours scolaire atypique: source de conflits familiaux

Les études antérieures ont démontré que les parents peuvent influencer les choix scolaires de leurs enfants, avec des effets positifs (encouragements) ou négatifs (pression). Les décisions du jeune adulte ont aussi des répercussions sur la relation avec leurs parents. Les parents peuvent voir d’un mauvais œil le choix de leur enfant de s’écarter du parcours scolaire typique (interrompre ses études ou suivre une FGA), au point où la relation avec leur enfant s’en trouve sérieusement affectée.

Les chercheurs utilisent le terme ambivalence intergénérationnelle lorsqu’il y a conflit entre les attentes sociales ou personnelles et les attentes familiales, créant une ambigüité dans la relation parent-enfant. Les relations parents-enfants ne sont pas univoques; elles intègrent des jeux de tensions complexes entre les parties. Ainsi, cette ambiguïté, souvent perçue comme négative, peut aussi être interprétée positivement (émancipation, liberté, etc.).

Des stratégies pour influencer le choix scolaire

Quatre stratégies résument les réponses parentales au choix scolaire de leur enfant : la solidarité, l’émancipation, l’imposition et l’atomisation.

Figure 1 : Modèle d'interprétation de la gestion de l'ambivalence

Figure 1 : Modèle d’interprétation de la gestion de l’ambivalence

Tableau 1: Comment est gérée l'ambivalence: 4 modèles.

Tableau 1: Comment est gérée l’ambivalence: 4 modèles.

Interrompre ses études: un choix coûteux pour la relation familiale

La majorité des parents interrogés pensent que la FGA est une alternative convenable à la formation régulière, et même parfois mieux adaptée à la réalité de leur enfant. Pour une forte majorité de jeunes, les parents sont engagés affectivement et donnent des conseils, du soutien financier ou matériel, allant parfois jusqu’à imposer leurs préférences dans le parcours scolaire. Ainsi, « malgré leur statut de jeune adulte, le projet d’études dont ils sont porteurs n’est pas qu’individuel. Il est aussi intergénérationnel dans la mesure où les parents continuent d’y exercer un certain droit de regard » (p.162).

Règle générale, les jeunes ayant intégré la FGA immédiatement après avoir quitté le programme régulier ont des relations peu ambivalentes avec leurs parents. Pour certains, l’inscription à ce programme a même réduit l’ambiguïté qui était présente pendant les études au programme régulier (échecs, peur du décrochage, etc.). Chez les jeunes ayant interrompu leurs études, la frustration, le mécontentement et la déception des parents teintent la relation parent-enfant. Un retour à l’école peut réduire le niveau d’ambivalence, mais, dans la majorité des cas rapportés, la tension a tendance à persister.

Les stratégies parentales varient selon que le passage à la FGA a été direct ou interrompu. Lorsque les jeunes poursuivent leurs études sans interruption, les parents utilisent davantage des stratégies de solidarité et d’émancipation. Ces jeunes adhèrent aux modèles parentaux et à la valeur associée à l’éducation. À l’inverse, les jeunes ayant interrompu leurs études entretiennent des relations avec leurs parents de type imposition et atomisation. Ils rejettent souvent les attentes familiales liées au parcours scolaire, allant parfois jusqu’à couper les ponts.

En deux mots, interrompre ses études peut s’avérer coûteux pour la relation parent-enfant et s’inscrire comme une rupture avec le parcours traditionnel familial.

Vers une nouvelle compréhension de la persévérance scolaire

Quand on sait que près d’un jeune sur 6 décrochera avant la fin de ses études secondaires, on peut se demander s’il n’y a pas lieu de revisiter les moyens actuellement mis en place pour favoriser la persévérance scolaire. Selon Baril et Boudon, ces moyens devraient prendre en compte l’état de la relation parent-enfant des jeunes étudiants à la FGA. Devrait-on engager davantage les parents dans la démarche? Sensibiliser les étudiants aux bienfaits d’une bonne relation avec leurs parents sur leur parcours scolaire? Toutes les pistes sont à explorer sachant que les bonnes relations parent-enfant se traduisent en de meilleurs taux de persévérance scolaire!

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[1]Ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport, 2012-2013.