À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Kim Tremblay et Ève Pouliot, « L’implication des parents dans les pratiques dispensées en vertu de la LSJPA : le point de vue d’intervenants sociaux », publié en 2022 dans Sciences et actions sociales, n. 17.

 

  • Faits saillants

  • La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) cherche à la fois à responsabiliser les jeunes par rapport au délit commis et à impliquer leurs parents dans le processus de réadaptation.
  • La façon d’impliquer les parents dans le cadre de la LSJPA, diffère en fonction de l’intervenant·e et de son mandat, de l’étape dans la démarche et du risque de récidive de l’adolescent·e.
  • La participation des parents dans les interventions mises en place en vertu de la LSJPA a des impacts positifs et réduit les risques de récidive de leur enfant.
  • Malgré ce que stipule la LSJPA, l’implication des parents n’est pas toujours possible. C’est le cas, par exemple, lorsqu’ils banalisent le délit commis par leur enfant ou encouragent ses comportements délinquants.

Frédéric, 14 ans, est arrêté parce qu’il a fait des graffitis sur les modules de jeux dans le parc près de chez lui. D’un commun accord avec Marc, son délégué à la jeunesse, il a été décidé qu’il effectuerait des travaux communautaires afin de réparer son geste. Carolanne, intervenante dans un organisme de justice alternative (OJA) communique avec Frédéric et le convoque à une première rencontre avec ses parents. Quel rôle ces derniers seront-ils appelés à jouer dans la réadaptation de Frédéric? À quel point Marc et Carolanne chercheront-ils à les impliquer dans l’intervention?

Kim Tremblay et Ève Pouliot de l’unité d’enseignement en travail social de l’Université du Québec à Chicoutimi s’intéressent au point de vue de 9 intervenant·e·s qui travaillent en contexte de délinquance juvénile, pour l’organisme communautaire Équijustice (OJA) ou un Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS). Leurs objectifs? Documenter les impacts de l’implication des parents dans les interventions réalisées dans le cadre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA), et identifier ce qui facilite ou nuit à leur implication. Les personnes questionnées se rejoignent sur un point : l’implication des parents est associée à un grand nombre d’avantages. 

La LSJPA, mais encore? 

L’exemple fictif de Frédéric nous apprend que les personnes mineures ne sont pas assujetties au même système de justice que les adultes. En effet, les jeunes de 12 à 17 ans qui commettent une infraction criminelle sont soumis à la LSJPA. Cette loi a comme but premier de les responsabiliser par rapport aux actes posés et de leur offrir les moyens de réparer leur geste. 

La LSPJA prévoit trois types de mesures : celles appliquées par le corps policier, les sanctions extrajudiciaires, prises par le Directeur de la protection de la jeunesse et les sanctions judiciaires, décidées par la Chambre de la jeunesse. L’infraction commise peut entraîner les jeunes dans l’un ou l’autre de ces trois chemins[1].

Qu’en est-il des parents? Leur implication dans le processus de réadaptation de leur enfant est indiquée par la LSJPA, qui stipule que « les père et mère de l’adolescent doivent être informés des mesures prises, ou des procédures intentées, à l’égard de celui-ci et être encouragés à lui offrir leur soutien »[2].  

L’implication parentale : où trouver les instructions?

Question simple, réponse complexe! Il n’existe malheureusement pas de marche à suivre pour les équipes d’intervention.Bien que la LSJPA encourage l’implication parentale, elle se distingue aussi par un manque de directives pour guider le travail des intervenant·e·s. Le degré d’implication des parents varie donc en fonction de l’intervenant ou de l’intervenante et de son mandat, de l’étape dans la démarche et du risque de récidive de leur enfant.

Les intervenant·e·s affirment qu’une collaboration plus soutenue et en continu avec les parents tout au long du processus est nécessaire lorsque le ou la jeune résiste à changer son comportement. Ces mêmes personnes précisent l’importance d’offrir aux parents soutien et écoute, d’adopter une attitude de non-jugement et de faire preuve d’empathie. Lors des rencontres, on les informe de la situation, on les considère, sans perdre de vue que c’est à l’adolescent·e que l’on s’adresse d’abord.

« Je vais plus transiger avec le jeune, les parents sont là, c’est correct. Je leur dis : “ si vous avez des questions, vous m’en posez ”. Je regarde le jeune, je lui parle à lui. […] » (Andy, CIUSSS)

Lorsque l’infraction est jugée moins grave et le risque de commettre à nouveau un délit plus faible, les intervenant·e·s impliquent les parents de façon plus ponctuelle, surtout lors de la prise de contact, en leur expliquant la sanction extrajudiciaire ainsi que le rôle qu’ils auront à jouer auprès de leur enfant. L’opinion des parents est notamment sollicitée lorsque l’on aborde la mesure de réparation, soit l’action dans laquelle s’engage l’adolescent·e pour réparer son geste. 

« On accueille le jeune et son parent, on recueille des informations. […] Si le parent ne nous interpelle pas, notre mandat n’est pas d’aller voir la dynamique familiale. […] On accompagne les jeunes dans leurs mesures. On est vraiment en soutien, en support. […] » (Lucie, Équijustice)

Un point commun? Peu importe leur organisation d’attache, les intervenant·e·s affirment interpeller davantage les parents lorsque leur enfant refuse de collaborer. Qu’est-il attendu de leur implication? Qu’ils encouragent l’adolescent·e à se conformer ou qu’ils augmentent la discipline et l’encadrement à la maison.

Parents impliqués, intervention améliorée 

La participation des parents est-elle positive? Oui, et ce, dans une majorité de situations, notamment lors de la recherche de solutions. Elle facilite, améliore et augmente les chances de réussite de l’intervention, diminue les risques que le ou la jeune commette un autre délit, et l’aide à modifier ses comportements.

Les familles sont généralement très réceptives à l’aide offerte par les équipes d’intervention. Dans certains contextes, ces dernières proposent des pratiques parentales et peuvent recommander aux parents d’apporter des changements à la maison, notamment sur l’encadrement, la discipline ou encore la responsabilisation de leur enfant. Par exemple, elles peuvent leur conseiller de l’accompagner lors de certaines sorties ou de lui donner plus de tâches domestiques. Pour les équipes, le gain est réel : les parents qui utilisent les outils et stratégies proposés voient du progrès. Autre bénéfice considérable : limiter les sorties, ou renforcer la surveillance, amène les parents à passer plus de temps avec leur enfant, ce qui améliore leur relation.

« Au niveau de la communication, je dirais qu’il y a de l’évolution aussi dans la plupart des situations, des jeunes qui deviennent plus transparents par rapport à leur consommation, par rapport aux enjeux qu’ils vivent au quotidien. […] » (Maelle, CIUSSS)

Quand implication rime avec complication

Bien qu’impliquer les parents se déroule habituellement bien, certains obstacles se présentent parfois sur le chemin des intervenant·e·s. Dans certains cas, les parents cherchent à déresponsabiliser leur enfant des actions posées, à banaliser le délit ou à minimiser ses gestes. Ces attitudes diminuent la crédibilité de l’intervention aux yeux de l’adolescent·e et ont un impact négatif sur la façon dont il ou elle respectera les mesures. 

« C’est difficile parce qu’ils vont avoir tendance à surprotéger leur enfant et ça n’aide pas à ce que l’ado se responsabilise. C’est quelque chose qu’on peut travailler avec le parent […]. » (Jenny, CIUSSS)

Lorsque cela est possible, les intervenant·e·s tentent d’amener les parents à réaliser que leurs comportements n’aident pas la situation. 

Malheureusement, des parents peuvent continuer de refuser les changements ou de maintenir leurs mauvaises habitudes. Dans ces situations, le choix de ne pas les impliquer dans l’intervention est privilégié. C’est le cas, par exemple, dans des situations où les parents influencent négativement leur enfant en continuant d’encourager ses comportements délinquants. À d’autres moments, ce sont les parents qui font le choix de se désengager. Garder espoir dans un moment d’épuisement est difficile. Certains dont l’enfant a des comportements inadéquats depuis longtemps peuvent cesser de croire en ses capacités de changer. Soulagés par la mise en place d’interventions, ils décident parfois de se retirer.  

Les impliquer, oui, les sonder, aussi!

Responsabiliser l’adolescent·e qui a commis un délit tout en impliquant ses parents est une grande mission pour les équipes qui interviennent en délinquance juvénile. Même si la LSJPA prône l’implication parentale, elle ne semble pas proposer de directives précises afin de soutenir son application. Les chercheuses soulignent la pertinence de se questionner sur le rôle des organisations dans la mise en place de pratiques concrètes pour encourager la collaboration parents-intervenant·e·s dans le cadre de cette loi. 

L’étude nous donne accès à la perception de personnes qui travaillent auprès des jeunes et de leur famille. Mais qu’en est-il de celle des parents? Comment perçoivent-ils leur propre degré d’implication? À leur avis, qu’est-ce qui les aide et qu’est-ce qui leur nuit dans cette collaboration? Afin de mieux comprendre leurs résistances, les autrices suggèrent de les interroger. Comprendre ce qui influence leur participation permettrait d’adapter les interventions en tenant compte de leur vécu et de leurs besoins. 


[1] Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1, art. 3 (1) d) iv, https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/Y-1.5/textecomplet.html

[2] Ces informations proviennent d’un dépliant du ministère de la Santé et des Services sociaux : La loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ; Les sanctions extrajudiciaires, 2022, https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2021/21-820-01F.p