À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Marie-Claude Lapointe, Jason Luckerhoff et Anne-Sophie Prévost, « Les influences culturelles à l’ère des réseaux sociaux », publié en 2020 dans la revue Enjeux et société, vol. 7, no 2.

  • Faits saillants

  • La famille reste toujours la plus grande source d’influence en matière de culture pour les jeunes.
  • Les réseaux sociaux : un miroir des intérêts propres à chacun. Ils transmettent ou renforcent des intérêts, mais ne les modifient pas.
  • Les réseaux sociaux sont de nouveaux lieux virtuels d’échanges où les jeunes peuvent à leur tour partager leurs expériences culturelles avec leur famille.

Votre père vous partage sa dernière trouvaille littéraire tandis que vous rêvassez devant les photos de votre influenceur préféré. La montée en popularité des réseaux sociaux soulève la question : serons-nous un jour envahis par la technologie, au point d’en oublier ce que nous partagent nos proches? En matière de culture, soyons rassurés : l’influence de la famille est loin de disparaître!

Les professeurs Marie-Claude Lapointe et Jason Luckerhoff de l’Université du Québec à Trois-Rivières s’intéressent aux enjeux de culture et de communication à l’ère des nouvelles technologies. Accompagnés d’une étudiante, ils mènent des entretiens qualitatifs auprès de 52 jeunes de 15 à 29 ans pour déterminer d’où viennent leurs influences culturelles. En examinant les nouvelles sphères d’influence que sont les réseaux sociaux et les influenceurs[1], mais aussi les sphères plus traditionnelles comme les proches et l’école, ils en viennent à la conclusion que la famille est là pour rester.

La parenté toujours au sommet

Les parents : référence en matière de culture? Tout à fait! Nombreux sont les jeunes qui racontent comment leurs parents les ont influencés dans leurs goûts et leurs intérêts, et ce, de multiples façons. Voir ses parents réaliser une activité culturelle, les accompagner, recevoir leurs suggestions ou se faire encourager à poursuivre un loisir qui les passionne sont autant de petites pierres qui façonnent les fondations culturelles des jeunes.

Cette influence évolue : très forte à l’enfance, elle perd un peu de terrain à l’adolescence et au début de la vie adulte, sans jamais disparaître. Autrement dit, elle est en continuité ou en complémentarité, mais jamais en rupture.

« J’ai développé mes propres centres d’intérêt, mes propres goûts et aujourd’hui, les trucs que j’aime, ma mère ne les aime pas nécessairement. Mais je n’aurais pas été portée à aller voir ces nouveaux trucs si je n’avais pas eu l’influence de ma mère. » – Témoignage d’une participante

Si les membres d’une même fratrie ou encore la famille élargie peuvent eux aussi partager leur amour pour la culture, les chercheurs précisent que ce ne sont pas tous les parents qui insufflent cette passion. Pas de secret : s’ils ne sont pas avides de découvertes, il a peu de chances que leur progéniture le soit! Dans ce cas, d’autres sphères d’influence peuvent prendre le relais, comme leurs amis ou l’école.

Et le virtuel : grand méchant ou prince charmant ?

Exit famille et amis! C’est en effet la crainte qui circule dans l’opinion publique : celle que la technologie devienne si puissante qu’elle avale toutes les influences traditionnelles en matière de culture. Mais les spécialistes se font rassurants : on est loin de ce constat lorsqu’ils observent l’utilisation de l’Internet et des médias sociaux par les jeunes.

Pour eux, ces nouvelles sources d’influence s’apparentent davantage à un miroir : les goûts et les intérêts se reflètent dans l’utilisation. C’est une nouvelle place dans laquelle ils peuvent assouvir leur curiosité.

« Mes parents m’ont toujours amenée en voyage avec eux. Sur Facebook et Instagram, je suis beaucoup de pages de voyages. Quand je vois une nouvelle place, […] ça m’incite encore plus à aller à certains endroits. » – Témoignage d’une participante

Toutes ces nouveautés sont donc davantage des courroies de transmission d’intérêts, que des sources de nouvelles passions. 

À la croisée de la famille et de la technologie

Plateformes de vidéo sur demande, applications pour commander à son resto préféré, réseaux sociaux, musique en ligne : avec toutes ces nouveautés, c’est au tour des jeunes de transmettre leurs intérêts à leurs parents.

La rapidité avec laquelle la technologie évolue fait en sorte qu’il faut parfois un coup de main pour rester à jour! Accompagner leur famille dans ces changements est donc aussi une manière pour les jeunes d’influencer leurs parents, en leur apprenant où trouver la dernière série de l’heure par exemple, ou des idées de bricolage en ligne.

Ces services ne changent pas les goûts de la nouvelle génération. Pour plusieurs jeunes, les réseaux sociaux sont simplement une nouvelle façon de rester en contact avec leurs proches, comme ce fut le cas avec le téléphone ou le courriel. 

Nouvelles technologies : la prudence reste de mise 

Même si les découvertes des chercheurs sont réjouissantes, elles soulèvent néanmoins un bémol : Internet et les réseaux sociaux évoluent vite, même très vite. Ce qui était vrai pour ces jeunes à la toute fin des années 2010 pourrait bien se retrouver caduc dans quelques années. D’autant plus que les technologies s’affinent tout en gardant le même objectif : faire plus de profit. Donc, malgré la facilité de partage avec famille et amis, mieux vaut rester critique face à la place que prend la technologie dans les interactions sociales. L’éducation numérique fait d’ailleurs partie des priorités du gouvernement pour le nouveau cours de culture et citoyenneté québécois. Pour les responsables du dossier, c’est une façon d’apprivoiser les forces du numérique… mais aussi ses dangers.


[1] Pour l’équipe de recherche, un influenceur est une sorte de leader d’opinion qui use du Web plutôt que des médias traditionnels pour agir les comportements, les goûts et les habitudes des individus. Il joue ce rôle en raison de sa notoriété ou son exposition médiatique.