À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Christine Gervais, Francine de Montigny, Kévin Lavoie, Julie Garneau et Diane Dubeau, « Conceptions and Experiences of Paternal Involvement among Quebec Fathers : A Dual Parental Experience », publié en 2020 dans Journal of Family Issues.

  • Faits saillants

  • Les pères n’hésitent pas à prendre des décisions familiales, personnelles et professionnelles pour le bien-être de leur enfant.
  • L’identité paternelle se traduit non seulement par la reconnaissance du rôle parental des pères, mais également par celle de leur rôle de travailleur, conjoint et ami.
  • Les stéréotypes entourant la paternité traditionnelle limitent la reconnaissance de l’identité paternelle et de ses différentes facettes : père, travailleur, conjoint, ami.

« Personne ne m’avait jamais demandé comment j’allais, que ce soit à l’hôpital ou partout ailleurs », raconte un père. En effet, l’arrivée d’un enfant bouleverse bien des habitudes, voilà un point commun entre les pères et les mères. Mais en ce qui concerne la parentalité, les mères sont largement questionnées et représentées. Pourtant la paternité est loin d’être si évidente ! Quelle est l’expérience des pères ? Alors que la conception de la paternité tend à changer, la pression associée au rôle de pourvoyeur de famille suscite des dilemmes importants.

Pour répondre à cette question, 26 pères québécois se sont prêtés au jeu de la reconnaissance de leur rôle parental en participant à des entretiens de groupe menés par Christine Gervais, professeure à Université du Québec en Outaouais (UQO) et son équipe. À travers leurs expériences, une évidence se dessine : la pression associée au rôle de pourvoyeur de famille semble contradictoire avec leur désir d’être disponible, tant physiquement qu’émotionnellement, pour leur enfant.

C’est quoi être père ? 

Prise de décision, disponibilité, soutien familial : lointaine est l’époque où la participation active dans les soins et l’éducation reposait uniquement sur les seules épaules féminines ! Les pères interrogés n’hésitent plus à placer leur enfant au cœur de leurs préoccupations. Pas de compromis pour eux : c’est à ces conditions qu’ils définissent un « bon » père. Ils sont ainsi prêts à revoir leurs dynamiques professionnelles, familiales et personnelles. Refuser une promotion, accepter un déménagement ou réduire leurs loisirs : voilà jusqu’où plusieurs sont prêts à aller pour faire prévaloir leur point et garantir l’équilibre familial, et ce, même si ces compromis familiaux impliquent de longues heures de travail.

« Je travaillerai fort, ma conjointe pourra allaiter plus longtemps. J’y ai vu un avantage. » (Père de l’étude)

Engagement et présence arrivent au sommet du palmarès. Les pères rencontrés veulent être disponibles en tout temps. Assurément, leur présence ne serait pas uniquement physique. Selon eux, un père engagé est non seulement présent, mais aussi attentif aux besoins de son enfant. Développer une relation particulière et entretenir un lien affectif significatif est un précieux sésame qu’ils ne veulent surtout pas négliger.

Un père, oui. Mais encore… ?

La recette des pères en couple pour accomplir pleinement leur rôle parental ? La cohésion des deux parents ! Pourquoi ? Parce que l’équipe que forment les parents sert au meilleur intérêt de l’enfant et leur permet tous deux de s’impliquer et de convenir d’un fonctionnement familial. Considérant à la fois leur couple et les différents membres de leur famille, les pères contribuent à la stabilité et au bien-être familial.

Pour ce faire, pas de secret : les pères apportent leur juste support à leur conjointe, soit en faisant des compromis, ou en travaillant davantage afin de lui permettre de prolonger son congé parental. Ce qu’ils favorisent ? Le partage des responsabilités familiales. Soins, éducation ou implication dans le développement global de l’enfant, le partage des responsabilités parentales leur procure une grande satisfaction et contribue au développement de leur identité de père. 

Être ou ne pas être un père traditionnel ?

Être présent pour son enfant ou répondre aux besoins financiers de la famille ? La pression sociale reliée aux stéréotypes traditionnels masculins est loin d’avoir dit son dernier mot. Les pères doivent-ils être « traditionnels », c’est-à-dire pourvoyeurs et peu investis ? Cette image plane sur eux telle une épée de Damoclès, alors que ces papas se représentent volontiers dans un rôle plus présent. L’absence de références claires au sein de la société les amène à se définir selon des actions qui leur fait sens. Entre ces modèles, le flou entourant la paternité et le peu de visibilité des pères sur la scène publique, leurs réflexions ne sont pas sans embuches !

La reconnaissance des pères ? Pas encore gagnée

Pas étonnant que les pères en perdent leur latin, puisque même lorsqu’il est question du soutien offert à leur conjointe, ils sont pris au dépourvu. Le manque de ressources leur étant destinées limite le développement de leurs aptitudes parentales. Sans modèle ni source de soutien, ils mettent au défi quiconque de suivre l’évolution des enfants, et de développer une aisance dans les soins et l’éducation apportée. Doutes, incertitude et remise en question de son identité paternelle : ces questionnements minent leur confiance. 

« Du moment où j’ai eu ma première fille, jusqu’à mon 5e [enfant], j’ai toujours [eu] des doutes sur si je fais[ais] la bonne chose parce que je n’ai pas de modèle. » (Père de l’étude)

L’aisance et le sentiment de compétence font défaut à tel point que certains pères pensent que leur enfant aime davantage leur conjointe, et que celle-ci aime plus facilement et pleinement leur enfant parce qu’elle a bénéficié d’un accompagnement adéquat.

Valoriser les pères : pour eux, pour leur famille, pour tous !

Valoriser les pères, c’est les aider à demeurer impliqués à la hauteur de leurs aspirations. Les reconnaitre dans leur rôle de parent, de travailleur, de conjoint semble être un facteur clé dans l’expression de leur identité paternelle. À quelle condition pourront-ils se sentir concernés par la paternité ? À condition de pouvoir être représentés de manière positive. Or, l’enjeu demeure actuel puisque les pères ont encore aujourd’hui tendance à se définir dans un rôle d’auxiliaire.

Les ingrédients de base de la valorisation de la paternité ? Le développement d’une relation père-enfant de qualité, le soutien de l’entourage et de professionnel, et le développement de services qui leur sont destinés. Sur ce dernier point, la route à parcourir est encore longue, puisque de nombreux chercheurs attestent du manque de services pouvant aider les pères à développer leur identité de parent et à avoir confiance en leurs aptitudes.