À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’étude de Marie-Claude Blais, Elizabeth Maunsell, Sophie Grenier, Sophie Lauzier, Michel Dorval, Sylvie Pelletier, Stéphane Guay, André Robidoux et Louise Provencher : « Validating the content of a brief informational intervention to empower patients and spouses facing breast cancer: perspectives of both couple members », publiée en 2014, dans Journal of Cancer Survivorship, vol. 8, n° 3, p. 508-520.

  • Faits saillants

  • La communication est essentielle pour surmonter l’épreuve du cancer au sein du couple. Pour cela, la personne atteinte, tout comme son partenaire, ont besoin d’informations claires sur la situation.
  • D’après les couples, de courts messages portant sur les impacts de cette maladie sur la vie conjugale sont un moyen d’information pertinent.
  • L’information ne devrait cependant pas être formulée de manière simpliste ou moralisatrice.

Le cancer du sein, parlons-en! Traitements agressifs, visites fréquentes à l’hôpital, difficultés sexuelles, réorganisation de la vie professionnelle et familiale… Le cancer n’affecte pas seulement la personne atteinte, mais aussi son entourage. Souvent, le conjoint est le premier soutien. Lourde épreuve pour le couple, durant laquelle les deux partenaires peuvent éprouver une profonde détresse psychologique, d’autant plus qu’ils utilisent généralement peu les services psychosociaux disponibles. Les conjoints proches aidants se sentent parfois démunis face à la situation : comment les aider à bien aider?

Cette étude cherche à identifier le contenu idéal d’une « intervention d’information » (informational intervention) auprès des couples aux prises avec le cancer du sein. Les chercheurs se demandent quels messages favorisent leur « empowerment ». Dans ce contexte, l’« empowerment » est le sentiment d’être capable d’affronter les défis posés par le cancer et d’avoir un certain contrôle sur la situation. Pour s’assurer de son succès, cette intervention d’information serait accessible et peu coûteuse; elle pourrait par exemple prendre la forme d’un dépliant.

Les chercheurs ont rassemblés une trentaine de courts messages d’information tirés de documents écrits et des sites web d’organismes canadiens, australiens, américains et britanniques. Certains s’adressaient spécialement aux femmes ou à leur partenaire; d’autres, aux deux partenaires à la fois. Ils ont été classés selon quatre thèmes : la communication, les aspects pratiques, la vie de couple et la sexualité.

Ces messages ont été présentés à des groupes de discussions qui ont rassemblé 35 couples hétérosexuels à Québec et à Montréal. Les femmes avaient été diagnostiquées avec un cancer du sein dans les 6 à 18 mois précédents, étaient francophones et vivaient avec leur partenaire.

Des messages pertinents avec quelques bémols

Les répondants ont apprécié la grande majorité des messages proposés, tels que ceux portant sur l’écoute, l’entraide ainsi que l’intimité au sein du couple (voir Tableau 1, au bas du texte). Leurs commentaires ont permis quelques réajustements :

« Soyez conscient de vos émotions et de celles de votre partenaire, et encouragez-vous à en discuter » :

Les participants ont convenu de l’importance de communiquer, mais plusieurs hommes ont exprimé leur réticence quant au partage de leurs émotions et de leurs craintes, de peur d’ajouter aux préoccupations de leur partenaire.

« Demandez à votre partenaire de vous accompagner à vos rendez-vous » :

Certains participants ont trouvé ce message trop contraignant, estimant qu’il ne prenait pas en compte la disponibilité de l’homme et la volonté de la femme.

« Soyez conscients que la maladie peut avoir des effets sur votre vie sexuelle, et que certains ajustements peuvent être nécessaires » :

Ce message a été perçu par plusieurs participants comme étant trop faible : à leurs yeux, l’impact du cancer sur la sexualité du couple n’était pas une possibilité, mais une certitude. Ils ont toutefois manifesté le désir d’obtenir des informations et des conseils plus précis à cet égard.

Une forme à repenser

La forme des messages a été jugée plus problématique. Plusieurs participants ont critiqué leur brièveté et l’usage de l’impératif, qui leur conféraient un caractère direct et moralisateur, et suggéraient qu’il n’y avait que des façons limitées de faire face au cancer du sein. Un participant a dit qu’il avait l’impression d’avoir une recette sous les yeux.

Pour y remédier, les chercheurs proposent de laisser tomber l’impératif, d’ajouter de brèves introductions et d’inclure une note soulignant que les messages traduisent des problèmes communs auxquels sont confrontés les couples qui vivent avec le cancer du sein. De telles modifications permettraient d’éviter un ton paternaliste et donneraient un plus grand sentiment de normalité aux couples.

Informer plus tôt

Les femmes qui ont participé aux groupes de discussion avaient été diagnostiquées plusieurs mois auparavant (14 en moyenne) : leur partenaire et elles-mêmes avaient donc pu profiter d’un certain recul par rapport à la maladie. Selon les chercheurs, il serait judicieux d’entreprendre une étude similaire auprès de couples ayant reçu récemment le diagnostic. Puisque cette période est particulièrement difficile émotionnellement, une telle analyse permettrait sans doute de mettre au point une intervention précoce qui contribuerait plus efficacement à l’« empowerment » des couples affectés par le cancer du sein.

Tableau 1. Liste des messages contenus dans l’intervention d’information

Ce tableau a été traduit de l’anglais par Frédérique Thibault.