À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Marie-Soleil Sauvé, Katherine Péloquin et Audrey Brassard, « Moving forward together, stronger, and closer : An interpretative phenomenological analysis of marital benefits in infertile couples », publié en 2020 dans la Journal of Health Psychology, volume 25, n. 10-11.

  • Faits saillants

  • Bien que l’infertilité soit une épreuve difficile, autant pour les personnes touchées que pour le couple qu’elles forment avec leur partenaire, les traitements peuvent renforcer la valeur accordée à la relation amoureuse.
  • La crainte de la séparation en raison d’un problème d’infertilité est fréquente chez les couples qui y font face.
  • La communication, le soutien, le partage de la souffrance et la capacité de surmonter les défis ensemble sont les avantages rapportés par les couples en réponse aux difficultés rencontrées durant les traitements de fertilité.

Alors, c’est pour quand le bébé? Sachant que l’infertilité au Canada touche un couple sur six, cette question socialement acceptée n’est pas anodine pour celles et ceux qui tentent de concevoir un enfant. Certains couples se tournent vers l’adoption ou les mères porteuses pour réaliser leur rêve de fonder une famille. D’autres entreprennent des traitements de fertilité. Devant une telle procédure, la relation amoureuse est-elle affectée? 

Dans une étude exploratoire sur le sens donné à l’expérience de la procréation assistée, une équipe composée de chercheuses de l’Université de Montréal et de l’Université de Sherbrooke interroge individuellement les deux partenaires de trois couples sur leur relation amoureuse et les changements provoqués par l’infertilité. Leur recrutement se base sur leurs réponses à un questionnaire qui s’intéresse au bien-être des couples de genres mixtes pendant les traitements de fertilité. À première vue, il semblerait que, pour ces couples, ces traitements soient en mesure de renforcer la relation malgré l’adversité qu’engendre le diagnostic.

L’amour plus fort que tout

L’une des peurs les plus fréquentes vécues par les personnes infertiles? La séparation. Elles craignent que le désir d’avoir des enfants du ou de la partenaire soit plus fort que leur amour. Évidemment, les réflexions sur ses sentiments et sur l’avenir de sa relation ne sont pas rares à la suite du diagnostic d’infertilité. Or, en dépit des difficultés, les doutes repartent aussi vite qu’ils sont arrivés.

Il m’a dit: « Si nous essayons et ça ne fonctionne pas, eh bien, je t’aime et je resterais avec toi […] Ça m’a rassuré puisque c’était une inquiétude. » (Traduction libre des propos de Zoe, 36 ans, infertile) 

Entendre ces mots de la part de sa douce moitié apaise les craintes et solidifie également le sentiment d’être une équipe face à l’épreuve.

Problème individuel, mais douleur partagée

Je lui ai dit : « Ton problème n’est pas uniquement ton problème [en faisant référence à l’infertilité d’Amy]. C’est le mien aussi  […] Nous allons le gérer ensemble. » (Traduction libre des propos de Sam, 29 ans, fertile)

Cette prise de position est loin d’être une exception. Au contraire, chez l’ensemble des couples rencontrés, le diagnostic d’infertilité alimente le désir d’atténuer la souffrance du ou de la partenaire, notamment en partageant le fardeau de la mauvaise nouvelle. Cette répartition de la douleur peut prendre diverses formes, telles que l’empathie, la proximité et le soutien à travers toutes les étapes du traitement de fertilité. 

Je vais partout avec elle, aux rendez-vous, je suis là pour elle, que ce soit pour une prise de sang ou une échographie intravaginale. Je suis toujours là pour elle. (Traduction libre des propos de Sam, 29 ans, fertile)

Sources : « Traitements en clinique de fertilité » sur le site internet de CHU Sainte-Justine et « Traitements de base » sur le site internet du centre universitaire de santé McGill (CUSM) 

Plusieurs couples se butent à l’incompréhension de leurs proches face aux obstacles pour fonder une famille. Pourquoi? La complexité des traitements creuse l’écart entre les aspirants parents et leur entourage. De ce fait, les couples ont l’impression qu’ils sont les seuls à pouvoir se comprendre, ce qui renforce leur sentiment d’unité.

C’est comme si tout s’alignait contre nous et qu’elle est la seule personne sur qui je peux compter. (Traduction libre des propos de Paul, 38 ans, infertile)

À deux, on va plus loin

Prise d’hormones, relations sexuelles calculées, échec de la fécondation… Les difficultés que doivent affronter les couples infertiles sont multiples. Or, elles permettent également de mettre en place ensemble des outils de gestion du stress et de conflits. Les partenaires relèvent n’avoir aucun doute sur leur capacité à surmonter les défis de la vie de couple. À travers cette épreuve, ils développent une confiance mutuelle ainsi que des habiletés relationnelles telles que la communication, le respect et l’ouverture à l’autre.

Avec chaque défi ou situation, nous devenons plus proches. Nous devenons en quelque sorte une seule personne. Je sens qu’il y a davantage […] davantage de communication. Nous sommes proches. Peut-être que nous faisons aussi davantage attention à l’autre. (Traduction libre des propos de Nick, 28 ans, raison de l’infertilité inconnue)

Nous regardons les événements avec un peu plus de distance et pensons : « Mon Dieu, ce que nous vivons est insensé! Et notre relation est incroyable. Je suis impressionnée par ce que nous sommes capables d’affronter ensemble. » (Traduction libre des propos de Kate, 26 ans, raison de l’infertilité inconnue)

Malgré les hauts et les bas vécus durant leur traitement de fertilité, les couples donnent un sens à cette épreuve à travers la valeur accordée à leur relation. 

Au-delà de l’infertilité

Que ce soit par la certitude de l’engagement du ou de la partenaire, par les habiletés communicationnelles ou par la force du couple face aux difficultés, l’infertilité entraîne plusieurs conséquences positives insoupçonnées. Néanmoins, elle reste un moment difficile qui chamboule la vie amoureuse et cause une détresse importante. Comment offrir davantage de soutien? Valoriser l’accès à l’accompagnement psychologique et émotionnel par le réseau de la santé aux couples, et informer la population aux enjeux touchant l’infertilité via des journées de sensibilisation telle que celle sur les fibromes (21 juillet) sont sans doute des pistes à exploiter pour améliorer le bien-être de ces couples.