À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Andrea McCarthy, Mireille Cyr, Mylène Fernet et Martine Hébert, « Maternal Emotional Support following the Disclosure of Sexual Abuse : A Qualitative Study », publié en 2019, dans la revue Journal of Child Abuse, vol. 28, no. 3, p. 259-279.

  • Faits saillants

  • Le soutien émotionnel des mères est un élément clé pour amoindrir les impacts des abus sexuels chez les enfants.
  • Pour secourir leur enfant victime d’abus sexuel, les mères utilisent plusieurs stratégies : l’élaboration, l’apaisement et l’orientation.
  • Dans le contexte d’un abus sexuel, la participation à une thérapie conjointe pour la mère et l’enfant contribue à développer des outils pour comprendre leurs émotions mutuelles.

La mère d’un enfant victime d’agression sexuelle expérimente un bouleversement d’une grande intensité. Tous deux se trouvent durement affectés par cet événement traumatisant. Le soutien émotionnel empathique de la mère agit alors comme un phare pour guider l’enfant afin qu’il recouvre un certain bien-être. Julie, parent d’une enfant agressée, témoigne : « Je l’ai encouragée pour lui prouver qu’elle était capable de continuer à vivre, à être heureuse, de s’aimer et d’être aimée ». Comment cette mère éprouvée est-elle parvenue à soutenir sa fille ? Malgré l’intensité du choc, elle élabore des stratégies pour l’aider, la réconforter et lui offrir du soutien dans sa démarche de guérison.

Voilà l’objet d’étude de Andrea McCarthy, psychologue clinicienne diplômée de l’Université de Montréal, avec l’apport de Mireille Cyr, professeure à l’Université de Montréal, ainsi que de Mylène Fernet et Martine Hébert, toutes deux professeures à l’UQAM. Leur objectif : documenter les stratégies mises en place par les mères pour soutenir émotivement leurs enfants victimes d’agression sexuelle. Elles présentent le témoignage de 22 mères d’enfants âgés de 6 à 12 ans, toutes bénéficiaires des services du Centre d’expertise Marie-Vincent. Les chercheures réalisent les entrevues au moins un an après la révélation de l’agression, afin que les mères aient le recul nécessaire pour en parler. Leurs réponses permettent de brosser un portrait détaillé de l’expérience maternelle dans une telle situation.

Dépasser le choc : les mères au front

L’engagement et la douceur des mères sont des atouts indéniables pour encourager l’enfant à parler de son expérience. Entre sécurité et protection, l’atmosphère bienveillante qu’elles créent permet de réduire les doutes, l’anxiété et le sentiment de culpabilité de l’enfant. À plus long terme, on observe aussi une réduction de la colère et des symptômes de dépression. Mais si solides soient-elles, ces mères font également face à des défis… à plus forte raison si elles sont en lien avec la personne abusive.

En dépit du choc, les chercheures expliquent que près de la moitié des mères parviennent à offrir ce soutien émotionnel. Comment y arrivent-elles ? Tout comme dans le cas de Julie, la majorité s’adapte en trois étapes. D’abord, elles comprennent que leur enfant développe des besoins face à leur situation d’abus. Ensuite, elles se sentent émotivement submergées et ne savent plus comment offrir du soutien. Puis, une thérapie individuelle ou conjointe les aide à développer des compétences pour accompagner leur enfant, pour comprendre ses émotions et les leurs.

« La thérapie avec ma fille m’a fait beaucoup de bien, j’ai eu des outils, j’ai pu exprimer mes émotions et on a parlé de sexualité normalement. »

– Suzie, mère participante (Traduction libre).

Les mères au cœur du rétablissement de l’enfant

La capacité d’adaptation des mères apparaît dans leur façon de fournir du soutien à leur enfant. Les autrices qualifient leurs comportements de « stratégies », qu’elles classent selon trois fonctions distinctes : l’élaboration, qui a pour but de soutenir l’enfant dans son expérience, l’apaisement, qui vise à le calmer et le réconforter, et l’orientation qui lui offre du soutien dans la démarche de guérison. L’objectif ? Verbaliser une méthode de soutien psychologique par l’écoute des émotions, inspirée par l’attitude des mères. Si elles sont au départ des compétences parentales normales et saines, ces stratégies s’avèrent essentielles pour aider l’enfant à reconnaître ses besoins et cheminer sur la voie de la guérison.

« Je comprends mieux ses changements d’humeur […]. Ainsi, j’ai commencé à réagir de différentes façons en prenant le temps de m’asseoir et de discuter avec elle afin de comprendre pourquoi elle en est arrivée là […] Ça m’a aidé à mieux la comprendre. »

– Helen, mère participante (Traduction libre).

Cette écoute, combinée à des gestes d’affection, contribue au réconfort et à la compassion nécessaires à l’entraide mutuelle. Elle permet, par exemple, de fournir un cadre propice aux échanges respectueux, et d’aborder des sujets plus délicats comme les relations intimes et la saine sexualité. Ainsi, les mères soutiennent la reconstruction et le sentiment de sécurité chez leur enfant.

Tableau 1. Le cheminement vers la guérison : les stratégies de soutien émotionnel des mères

Aider les enfants, c’est aussi soutenir les adultes

Soutenir l’enfant en tenant compte de l’état émotionnel du parent : voilà qui montre l’importance de mettre à la disposition des parents un espace pour ventiler ou même partager leur expérience avec d’autres personnes sensibles à leur vécu difficile. La présente recherche ouvre également la voie à l’élaboration d’une étude similaire pour les pères. L’abus sexuel chez l’enfant peut en effet être traumatisant pour tout parent. Des ressources de soutien, telles que le Centre d’intervention en abus sexuels pour la famille (CIASF), la Fondation Marie-Vincent et le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVACS) entre autres, visent à prévenir et à surmonter les difficultés vécues par les familles, dans une telle situation.