À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Vanessa Lecompte et Cécile Rousseau « Determinants of Child Attachment in the Years Postpartum in A High-Risk Sample of Immigrant Women », publié en 2018 dans le Journal of Immigrant and Minority Health, vol. 20, n° 5, p. 1166‑1172.

  • Faits saillants

  • Les mères immigrantes en situation de pauvreté ont tendance à présenter des niveaux d’anxiété et de dépression plus élevés que la population générale.
  • Un sentiment d’isolement ou des difficultés lors de l’accouchement peuvent engendrer des signes d’anxiété clinique chez les mères immigrantes.
  • La santé mentale postpartum des mères immigrantes peut affecter le lien d’attachement de l’enfant, qui devient insécurisant, anxieux ou désorganisé, plutôt que sécurisant et stable.

Précarité financière, barrières linguistiques et culturelles, traumatismes prémigratoires et manque de soutien des proches : le moins que l’on puisse dire, c’est que le parcours migratoire des mères immigrantes est dur pour le moral. Quelles sont les répercussions sur leur état de santé mentale et leur relation avec leur nouveau-né ? Des signes importants d’anxiété et de dépression, qui en retour peuvent affecter le lien d’attachement de l’enfant. 

C’est ce qui ressort d’une étude de Vanessa Lecompte et Cécile Rousseau, respectivement chercheuses en psychiatrie à l’Université McGill et à l’Hôpital de Montréal pour enfants. Elles analysent comment la santé mentale des femmes immigrantes en situation de vulnérabilité peut influencer le lien affectif de l’enfant avec sa mère dans les premières années de sa vie. À l’aide de questionnaires, elles évaluent le niveau d’anxiété, de dépression et de soutien social de 27 mères immigrantes, recrutées par l’entremise d’un CLSC de l’arrondissement Parc-Extension à Montréal. Elles font également appel à des enregistrements vidéo de l’interaction de 17 mères avec leur enfant, afin d’étudier le lien d’attachement de celui-ci. 

Isolement et difficultés à l’accouchement : terreaux fertiles à l’anxiété et la dépression 

L’accouchement, un événement difficile en soi. Conjuguez-le avec des complications à la naissance ou de l’isolement : mélange parfait pour engendrer de l’anxiété et des symptômes dépressifs. En effet, plus de la moitié des femmes de l’étude (54 %) présentent des signes d’anxiété ou de dépression, une proportion largement supérieure à la population générale (10 %). Un résultat qui confirme des constats bien connus : les mères immigrantes sont plus à risque de développer des problématiques de santé mentale dans les années postpartum que les femmes non-immigrantes.

Comment expliquer cette plus grande détresse ? L’isolement, tout d’abord, qui caractérise le contexte migratoire. Après l’accouchement, ces nouvelles mères ne peuvent souvent pas compter sur l’aide et les conseils des femmes de leur entourage. Le soutien social, que ce soit de la part du partenaire, de la famille et des amis, est un facteur de protection important contre les enjeux de santé mentale postpartum. De fait, les mères de l’étude qui présentent des signes d’anxiété clinique estiment avoir moins de soutien de la part de leurs amis que les autres mères. 

De plus, comme pour les mères non immigrantes, une naissance prématurée ou un faible poids du nourrisson à la naissance créent un stress supplémentaire, qui fait lui aussi pencher la balance du mauvais côté. Toutes les mères d’un enfant prématuré – cinq dans l’étude – montrent des signes d’anxiété ou de dépression. 

Anxiété, dépression : freins à la relation mère-enfant

Un postpartum difficile pour les mères… et qui peut l’être aussi pour leur enfant ! Aux yeux de l’enfant, les signes de dépression peuvent s’apparenter à des soins incohérents et insensibles à son endroit. Ainsi, il peut avoir de la difficulté à considérer sa mère comme une source de réconfort en cas de besoin. Résultat ? L’enfant peut développer un lien affectif instable et insécurisant avec sa mère, plutôt que sécurisant. Selon les enregistrements vidéo, douze enfants semblent avoir un attachement insécurisant de type anxieux ambivalent, c’est-à-dire qu’ils désirent et craignent à la fois la présence de leur mère, et cinq ont un attachement désorganisé, caractérisé par des comportements contradictoires ou incohérents. Au contraire, seulement neuf enfants semblent avoir un attachement sécurisant. 

Types d’attachement et leurs effets sur les interactions mère-enfant (source : Lecompte et Rousseau, 2018, p. 1167)

Pour une périnatalité médicale, mais aussi sociale 

Préserver la santé mentale, briser l’isolement et encourager les mères immigrantes en situation de pauvreté dans leur rôle de soutien : voilà des actions à mettre en place par les services de périnatalité, concluent les chercheuses. Des responsabilités non seulement médicales donc, mais sociales. C’est d’ailleurs dans cette optique que travaillent plusieurs initiatives communautaires, telles que la clinique La Maison Bleue ou Médecins du Monde. Leur mission ? Soutenir les nouvelles mères récemment immigrées, grâce à des services accessibles, variés et adaptés à leurs réalités.