À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume la recherche de Carolyne Villeneuve, « La relation entre les enfants et leur beau-père dans les familles recomposées : Un regard rétrospectif sur l’expérience des jeunes adultes », publié en 2015, mémoire de maîtrise en service social, Université Laval, p. 61-71.

  • Faits saillants

  • La majorité des jeunes interrogés s’entendent bien avec leur beau-père, et ce, depuis le tout début de leur relation avec celui-ci.
  • Pour la plupart des participants, leur beau-père est un « membre de la famille », un « parent additionnel », ou même un « deuxième père ».
  • Soutien, autorité, protection : les beaux-pères peuvent remplir plusieurs rôles auprès des enfants de leur partenaire.

« Je pense que c’est la seule relation de ma vie que je ne peux pas décrire. Je ne peux pas la mettre en mots comme avec des amis ou ma mère. »

– Delphine, 20 ans, âgée de 9 ans lors de la recomposition familiale.

Tout comme Delphine, de nombreux jeunes qui vivent en famille recomposée ont de la difficulté à définir leur relation avec leur beau-père. C’est connu : les recompositions familiales exigent leur lot d’ajustements. Qui dit famille recomposée dit adaptation… de la part de tous les membres de la famille! Comment les enfants, une fois devenus adultes, perçoivent-ils leur beau-père? Plus particulièrement, entretiennent-ils une relation harmonieuse avec celui-ci? Dans la plupart des cas, il semble que oui!

C’est ce que conclut Carolyne Villeneuve dans le cadre de son mémoire de maîtrise en service social, qui traite de la relation entre les enfants et leur beau-père dans les familles recomposées. L’auteure donne la parole à quinze jeunes adultes (douze femmes et trois hommes) âgés entre 20 et 25 ans ayant vécu une recomposition familiale entre 5 et 17 ans. L’objectif : comprendre comment ces jeunes perçoivent leur beau-père et le rôle qu’il joue au sein de la famille.

Une relation majoritairement positive

La grande majorité des participants ont une bonne relation avec leur beau-père. Bien souvent, son arrivée dans la famille s’est faite naturellement et la qualité de la relation n’a pas changé avec le temps.

« Moi j’étais contente parce que je n’avais jamais été proche de mon père. […] Je m’entendais super bien avec lui. J’étais contente dans le fond parce que j’avais comme une présence masculine que je n’avais pas eue nécessairement avec mon père. »

– Mélodie, 24 ans, âgée de 5 ans lors de la recomposition familiale.

Seule une minorité dit ne pas bien s’entendre avec celui-ci. Par exemple, deux participants mentionnent que la relation avec leur beau-père s’est détériorée avec le temps.

« À l’adolescence, ç’a changé parce que là tu commences à t’affirmer un peu plus. […] Tsé, je le respecte, je l’aime quand même, mais ça ne marchait pas. C’était tout le temps tout le temps des chicanes. Tout le temps. »

– Florence, 23 ans, âgée de 5 ans lors de la recomposition familiale.

De « conjoint de maman » à « deuxième père »

Les jeunes perçoivent-ils leur beau-père comme un membre de la famille à part entière, ou simplement comme le conjoint de leur parent? Dans la plupart des cas, ils le considèrent comme un membre de la famille, voire comme un deuxième père. En fait, l’auteure constate que les jeunes peuvent percevoir leur beau-père de quatre manières distinctes.

Pour une minorité de jeunes, il est clair que leur beau-père est simplement le conjoint du parent. Autrement dit, ce dernier n’exerce pas un rôle parental auprès d’eux et n’est pas non plus considéré comme un membre de la famille.

« Je l’ai toujours plus perçu comme le chum de ma mère que comme un deuxième papa. Pour moi, c’était clair que Rémi, il n’aurait jamais ce rôle-là d’être comme un deuxième père. »

– Rosalie, 24 ans, âgée de 6 ans lors de la recomposition familiale.

Pour d’autres, le beau-père est véritablement un membre de la famille. Mais attention : malgré cette position plus valorisante, il n’a toujours pas de rôle parental.

« Pas forcément comme un de mes parents, mais en tout cas comme quelqu’un de ma famille. C’est quelqu’un de ma famille, mais je ne sais pas quel serait son statut. »

– Delphine, 20 ans, âgée de 9 ans lors de la recomposition familiale.

Parfois, les participants perçoivent leur beau-père comme un parent additionnel, c’est-à-dire une figure parentale, mais qui n’a pas la légitimité d’agir comme un père auprès d’eux.

« Je le considère comme un parent. Mais […] je l’ai rencontré, je pense, trop tard pour dire que c’est vraiment un deuxième père. Mais je le considère comme un de mes parents. Ce qui est assez complexe. »

– Muriel, 21 ans, âgée de 13 ans lors de la recomposition familiale.

De nombreux participants envisagent leur beau-père comme un véritable deuxième père. Le conjoint de leur parent est, à leurs yeux, une figure parentale tout aussi importante que leurs parents d’origine. Celui-ci est d’ailleurs très impliqué dans leur vie.

Notons que la perception des jeunes peut évoluer dans le temps. Ainsi, certains participants, qui considéraient leur beau-père comme le conjoint de leur parent au début de la relation, en sont venus à le voir comme un membre de la famille, un parent additionnel ou même un deuxième père au fil du temps.

Entre soutien et autorité

Peu importe leur statut, les beaux-pères peuvent s’impliquer de diverses manières auprès des enfants de leur partenaire. Quelles sont-elles?

La majorité des participants mentionnent que leur beau-père occupe un rôle de soutien, qui se décline sous plusieurs formes. D’abord, il peut aider financièrement l’autre parent, notamment pour le paiement des dépenses de la vie courante. Il arrive aussi qu’il apporte un soutien émotif au jeune, en l’écoutant ou en le conseillant, particulièrement lors de l’adolescence.

Certains participants soulignent que leur beau-père aidait leur mère avec la garde, l’éducation et les devoirs lorsqu’ils étaient plus jeunes. Un bénéfice concret qui permet aux mères monoparentales de souffler un peu.

« Ça permettait à ma mère d’être un peu plus libre. Parce que ma mère était toute seule à s’occuper de moi. »

– Sofia, 24 ans, âgée de 5 ans lors de la recomposition familiale.

Parfois, le beau-père occupait un rôle d’autorité auprès des participants lorsqu’ils étaient enfants, ce qui n’était pas nécessairement désiré. À l’inverse, ceux pour qui le beau-père n’était pas une figure d’autorité lui en sont reconnaissants, puisqu’ils préfèrent que ce rôle soit réservé à leurs parents d’origine.

« Il n’a jamais joué un rôle qui, à mon avis, ne lui revenait pas. Il n’a jamais essayé d’être une figure d’autorité auprès de moi pis mes frères. Ce qui aurait pu, je pense, être problématique. »

– Évelyne, 25 ans, âgée de 11 ans lors de la recomposition familiale.

Vers une reconnaissance des droits des beaux-parents?

Quel que soit l’âge qu’avaient les enfants au moment où leur beau-père est entré dans leur vie, la grande majorité d’entre eux ont créé un lien très fort avec celui-ci. La plupart des participants le considèrent comme un membre de la famille, un parent additionnel ou même un deuxième père.

Les réalités familiales ont beaucoup évolué dans les dernières décennies. Cependant, le droit de la famille n’a pas suivi cette évolution et ne reflète pas la toujours l’éventail des expériences vécues par les familles. Au Québec, par exemple, il n’existe aucun encadrement juridique concernant la relation entre un enfant et son beau-parent. En cas de rupture, l’enfant pourrait donc perdre subitement tout contact avec cette personne significative. Face à ce constat, le gouvernement du Québec a invité les citoyens à s’exprimer sur la réforme du droit de la famille, qui comporte notamment un volet sur la relation avec les beaux-parents.