À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’essai de Johanne April : « Pension alimentaire pour époux : quel est ton signe? », publié en 2009 dans Développements récents en droit familial, Service de la formation continue du Barreau du Québec, vol. 308, p. 1-38.

  • Faits saillants

  • Le droit québécois présente des lacunes et des incohérences en matière de pension alimentaire pour l’ex-époux : il est difficile pour les époux en procédure de divorce et leurs avocats de savoir à quoi s’en tenir.
  • Le tribunal pourrait s’appuyer sur des lignes directrices pour fixer le montant de la pension alimentaire.
  • L’établissement d’une date limite à la durée de versement de la pension alimentaire pourrait favoriser l’autonomie économique des ex-époux.

On se marie « pour le meilleur et pour le pire », et le mariage vient avec son lot d’obligations. En vertu de la loi québécoise, les époux ont notamment un devoir de « secours » l’un envers l’autre: cela signifie qu’ils doivent s’aider financièrement. Mais lorsqu’ils divorcent, ils n’en sont pas forcément libérés: le tribunal peut exiger que l’un verse à l’autre une pension alimentaire, c’est-à-dire une somme d’argent pour l’aider à subvenir à ses besoins.

Cet essai discute des tendances du droit québécois en matière de pension alimentaire pour l’ex-époux et met en lumière certaines lacunes et incohérences. L’auteure est une avocate qui a étudié plus de 250 jugements publiés entre 2006 et 2009. Elle espère que son travail fasse état du besoin de revoir la manière dont certaines décisions judiciaires sont rendues dans ce domaine du droit.

Pas de lignes directrices

Il est souvent très complexe pour le tribunal de déterminer si l’ex-époux a droit à une pension alimentaire et, s’il y a droit, à quel montant elle s’élève. Il doit soupeser plusieurs éléments : les ressources et les besoins économiques des ex-époux, les fonctions remplies pendant le mariage, la présence ou non d’enfants, la durée du mariage, etc. En octroyant une pension alimentaire, le tribunal cherche à atténuer les difficultés économiques entrainées par le divorce. Mais il veut aussi favoriser l’autonomie économique des ex-époux : celui qui touche la pension alimentaire doit faire de son mieux pour ne plus dépendre de l’autre dans un délai raisonnable.

L’auteure pense que l’utilisation de lignes directrices pourrait aider le tribunal à fixer le montant de la pension alimentaire pour l’ex-époux. Un ensemble de lignes directrices a bien été créé il y a quelques années, mais le tribunal n’y a presque jamais recours. Un outil semblable est pourtant employé pour calculer le montant de la pension alimentaire pour enfants. Les parents doivent généralement remplir un formulaire dans lequel ils indiquent, entre autres, leurs revenus, leurs dettes et les frais relatifs aux enfants. Ce formulaire a fait ses preuves pour faciliter la tâche du tribunal.

L’autonomie économique : un flou juridique

La pension alimentaire peut être modifiée ou annulée au fil du temps si des changements importants surviennent dans la vie de l’un ou de l’autre des ex-époux. Par exemple, la personne qui paie la pension peut demander son annulation au tribunal si elle perd son emploi ou si la personne qui en bénéficie se remarie. Le tribunal effectue alors une nouvelle analyse du droit à la pension et de son montant.

Un manque d’efforts pour atteindre l’autonomie économique peut aussi être considéré comme un changement important. Dans un jugement (A. (J.) c. D. (S.)), le tribunal a annulé la pension alimentaire, parce que la personne qui en tirait avantage n’avait pas fait son possible pour améliorer sa situation économique. Le tribunal a critiqué le fait qu’elle n’avait pas véritablement essayé de se trouver un meilleur emploi durant plusieurs années.

Selon l’auteure, la notion d’autonomie économique baigne dans un flou juridique, ce qui nuit à l’atteinte de cet objectif. Elle suggère alors d’établir une sorte de date limite au versement de la pension alimentaire, afin qu’elle ne soit pas perçue comme une rente à vie ou une façon de vivre au-dessus de ses moyens. Une date limite pourrait pousser l’ex-époux qui reçoit la pension à faire des choix judicieux en vue d’accéder à l’autonomie.

La convention entre époux : des décisions contradictoires

Lorsqu’ils sont en procédure de divorce, les époux peuvent choisir de signer une convention qu’ils présentent au tribunal pour qu’il l’intègre à sa décision. Ils peuvent s’entendre sur des sujets comme la garde des enfants ou la pension alimentaire. Cette convention est très importante et ne doit pas être facilement contestée. Ainsi, lorsqu’il est saisi d’une demande de modification de la pension alimentaire, le tribunal ne réévalue normalement pas la situation des ex-époux au moment de la signature.

Or, dans un autre jugement (B. (P.) c. M. (F.)), il a procédé à un tel examen. L’auteure en conclut que les ex-époux ne sont pas à l’abri de ce genre de retour en arrière, même s’ils ont signé une convention dans le but de l’éviter. Elle déplore le fait qu’une décision comme celle-là, qui contredit la majorité des autres décisions, suscite de la confusion et empêche les avocats de bien informer leurs clients.

Pas de recette toute faite, mais…

L’auteure ne prône pas nécessairement l’élaboration d’une recette toute faite pour reconnaître le droit à la pension alimentaire et pour en calculer le montant. Mais elle est d’avis que le droit comporte actuellement trop d’incertitudes. Elle propose de mettre au point des critères plus précis pour aider le tribunal à traiter ces affaires avec uniformité et efficacité, et permettre aux avocats de donner des informations plus fiables à leurs clients.