À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation est tiré de l’article d’Audrey Brassard, Marc-Antoine Pétrin, Caroline Loisel, Rosalie Lapierre, Marie-France Girard et Catherine de Pierrepont, « Rôle médiateur de la sursexualisation dans les liens entre l’attachement et l’engagement conjugal des jeunes adultes », publié en 2021 dans la Revue canadienne des sciences du comportement, vol. 53, n° 4, p. 391-400. 

  • Faits saillants

  • Les conduites sursexualisées peuvent prendre plusieurs formes : surinvestissement de l’apparence sexuelle, objectification sexuelle, discours sexualisé, sexualité axée sur la performance et attitude séductrice.
  • Les jeunes adultes ayant un style d’attachement insécurisant vivent davantage de difficultés d’engagement dans leur couple, notamment car ils ont davantage tendance à adopter des conduites sursexualisées.
  • Afin d’apaiser les doutes sur leur valeur et d’être rassurées quant à l’amour de leur partenaire, les personnes qui présentent de l’anxiété d’abandon utilisent davantage leur corps comme un objet sexuel et investissent beaucoup de temps sur leur apparence.
  • Les personnes qui ont un style d’attachement évitant sont davantage disposées à adopter une attitude séductrice envers les autres et à accorder peu d’importance à l’intimité dans leurs relations sexuelles.

Même s’il est en couple, Raphaël, 21 ans, agit en Don Juan envers la plupart des jeunes femmes, au grand désespoir de sa copine. Aurélie, 19 ans, s’habille de manière osée pour se sentir plus appréciée par les autres. Tommy, 25 ans, ne se concentre que sur sa performance lorsqu’il a des relations sexuelles avec sa copine, en oubliant de vivre le moment présent. Quels effets ces comportements, qualifiés de « sursexualisés » par certains chercheurs, ont-ils sur le couple ? Tout dépend du lien d’attachement entre les partenaires !  

Une équipe de chercheurs et chercheures en psychologie et en sexologie veut connaître les effets des conduites sursexualisées sur la relation de couple des jeunes adultes. À l’aide de questionnaires en ligne, l’équipe explore l’attachement amoureux, l’engagement conjugal et les conduites sursexualisées de 722 personnes en couple (591 femmes et 131 hommes) âgées de 18 à 30 ans. 

Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis 

En fonction du style d’attachement des partenaires, les relations amoureuses peuvent être harmonieuses… ou explosives ! Qu’est-ce que l’attachement ? C’est une manière de se percevoir soi-même et les autres, qui demeure stable au cours de la vie, et qui se fonde sur la qualité des interactions avec les parents durant l’enfance. À l’âge adulte, ces représentations définissent la manière avec laquelle une personne s’attache à son ou sa partenaire.  

Les personnes ayant grandi avec des parents moins disponibles peuvent développer un style d’attachement insécurisant, caractérisé soit par une anxiété d’abandon ou un évitement de l’intimité. Par exemple, celles présentant de l’anxiété d’abandon peuvent avoir un besoin intense de proximité et chercher constamment à être rassurées par leur partenaire. De l’autre côté, celles qui évitent l’intimité ont un grand besoin d’indépendance, font difficilement confiance aux autres et s’impliquent peu sur le plan émotionnel. 

Quand le besoin de plaire tourne à l’obsession 

Se donner corps et âme à son partenaire, au point de s’oublier soi-même : voilà la réalité de plusieurs personnes ayant un style d’attachement anxieux. Par peur de perdre leur douce moitié, elles s’engagent excessivement dans leur relation amoureuse, parfois au point de sacrifier leurs amitiés, leurs loisirs ou leur travail.  

Pour apaiser les doutes sur leur valeur et combler leur besoin de réassurance, ces personnes adoptent davantage de conduites sursexualisées. Par exemple, elles utilisent leur corps comme objet sexuel, ou encore axent leur sexualité sur la performance. Comme elles ont une vision négative d’elles-mêmes, elles ont tendance à investir beaucoup de temps et d’énergie sur leur apparence pour obtenir l’approbation des autres ou être rassurées quant à l’amour de leur partenaire. Certaines vont même jusqu’à prioriser les besoins de celui-ci au détriment des leurs et à accepter à contrecœur des relations sexuelles, dans l’espoir de préserver leur relation.  

Exit l’intimité, place à la séduction et à la performance! 

Pourquoi m’engager dans ma relation si elle est vouée à l’échec? À quoi bon m’investir dans une relation à long terme ? Ce type de questionnements tiraille plusieurs personnes ayant un style d’attachement évitant. Comme elles s’attendent à ce que leur relation ne fonctionne pas et qu’elles doutent des avantages d’une relation à long terme, elles gardent leur partenaire à distance et évitent toute forme de proximité émotionnelle.  

À l’inverse des personnes « anxieuses » qui s’investissent intensément dans leur relation, les « évitantes » s’engagent le moins possible. En plus d’adopter une attitude séductrice, ces personnes tendent à accorder peu d’importance à l’intimité lorsqu’elles ont des relations sexuelles avec leur partenaire. Autrement dit, plus ces jeunes adultes évitent l’intimité, plus ils sont disposés à séduire les autres, et moins ils accordent d’importance à la sexualité dans un cadre intime.  

Pour réduire leur inconfort face à l’intimité, ils ont eux aussi tendance à axer leur sexualité sur la performance. Fait surprenant : cette attitude pourrait les amener à mieux combler les besoins sexuels de leur partenaire. En retour, les commentaires positifs de la part de leur partenaire peuvent nourrir leur enthousiasme face à la relation de couple… comme quoi certains comportements « sursexualisés » peuvent avoir des effets là où on ne les attend pas!

Vers un meilleur bien-être conjugal et sexuel 

Les jeunes adultes ayant des insécurités d’attachement sont plus susceptibles de vivre des difficultés d’engagement, notamment en raison des conduites sexualisées qu’ils adoptent. Comme la présente étude s’est concentrée sur un seul partenaire, il serait intéressant d’interroger les deux membres du couple pour explorer le rôle de la dynamique conjugale sur le plan de l’engagement et des conduites sursexualisées.  

Pour outiller les intervenants et intervenantes qui travaillent auprès des couples, le Laboratoire de recherche sur le couple et la sexualité, dirigé par la chercheuse principale de cette étude, vise à mieux comprendre le bien-être conjugal et sexuel des couples au travers de sujets variés, comme les comportements et les émotions dans le couple, ou encore le lien entre l’attachement amoureux, la coercition sexuelle et les styles de communication.