À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Maryam Dilmaghan et Vurain Tabvuma, « Fragile Families in Quebec and the Rest of Canada: A Comparison of Parental Work-Life Balance Satisfaction », publié en 2021 dans la revue Population Research and Policy Review.

  • Faits saillants

  • Le profil des parents en union libre au Québec et au Canada? Bien différent! Ceux du Québec ont des niveaux de scolarité et de revenus plus élevés et un plus haut taux de fécondité.
  • Contrairement au reste du Canada, le Québec a misé sur des mesures permettant aux parents d’être plus satisfaits de leur conciliation famille-travail.
  • Les mères québécoises sont toutes aussi satisfaites de leur conciliation famille-travail, peu importe leur statut matrimonial.

Union libre, centres de la petite enfance, congé de paternité : le Québec se distingue toujours du reste du Canada sur les questions familiales! À travers les différences entre le statut matrimonial et la satisfaction des parents face à la conciliation famille-travail, on se rend vite compte qu’il n’y a pas que la langue qui fait du Québec une société distincte.

Maryam Dilmaghan et Vurain Tabvuma, de l’Université Saint Mary’s en Nouvelle-Écosse, s’interrogent sur la satisfaction des parents face à la conciliation famille-travail à travers le Canada. Avec les données de l’ESG de 2010 à 2016, les deux spécialistes comparent les réponses des mères et des pères en fonction de leur statut matrimonial. Leurs résultats soulignent que sur les questions familiales, la Belle Province se distingue du reste du pays. 

Union vs mariage : deux chemins différents

Les liens sacrés du mariage? Pour le reste du Canada, peut-être, mais pas autant au Québec. En plus d’être la province avec la plus grande proportion d’union libre, le Québec se distingue aussi par le statut socioéconomique de ces personnes. Au Québec, les parents en union libre ont de meilleurs revenus que leurs homologues canadiens, de même qu’un plus haut niveau de scolarité. Le taux de fécondité de ces mères et de ces pères est aussi plus élevé. Conclusion : l’union libre à la québécoise n’est pas plus fragile que le mariage. Au contraire, c’est une option valable pour de nombreux couples qui souhaitent bâtir leur famille. Le portrait est bien différent – et plus traditionnel – dans le reste du Canada, où le mariage est toujours garant d’un taux de fécondité plus élevé et d’un meilleur statut socioéconomique.

Les spécialistes concluent que la province francophone est à un stade différent de ses voisins face à la popularité grandissante de l’union libre. Si ce type d’union est normalisé dans le reste du Canada, elle est plutôt une alternative au mariage pour la population québécoise. 

Cette division est sans doute liée – du moins en partie – à l’histoire, avancent les chercheurs. Lorsque le Québec catholique a peu à peu coupé les ponts avec la religion, il a aussi délaissé l’option du mariage qui lui était liée. La table était mise pour la montée en flèche de l’union libre. Une cassure nette, qui ne s’arrête pas là… 

Des décisions qui font bouger les choses

L’État québécois a marqué le coup en matière de conciliation famille-travail avec des décisions audacieuses. À la fin des années 1990, le Québec se dote d’une nouvelle politique familiale visant non seulement le bien-être des enfants, mais aussi l’employabilité des mères. Les centres de la petite enfance à contribution réduite et le régime québécois d’assurance parentale, avec son congé exclusif aux pères, font désormais partie du quotidien des familles.

Et ces politiques portent leurs fruits : les parents québécois sont globalement plus satisfaits de leur conciliation famille-travail que ceux des autres provinces. Si elles les aident à préserver l’équilibre entre vie familiale et professionnelle, l’impact se fait aussi sentir du côté des attentes entretenues envers les mères et les pères.

Deux parents, mêmes responsabilités?

Ces politiques axées sur la famille permettent aux parents québécois de développer de nouvelles attentes face au rôle des mères et des pères. Encouragées à travailler, les femmes ne sont plus autant cantonnées au foyer, et la province avance vers une plus grande égalité des genres. 

Qu’elles soient mariées, séparées ou en union libres, les mères québécoises se montrent assez satisfaites de leur conciliation famille-travail. Chez les autres Canadiennes, les mères mariées sont significativement plus satisfaites que leurs consœurs. 

Pourquoi le statut matrimonial importe peu au Québec contrairement au reste du Canada? Selon les chercheurs, il est possible qu’au Québec, les familles s’attendent à une répartition plus égalitaire des responsabilités. Les mères sont donc plus en mesure de déléguer à leur partenaire ou leur ex-partenaire des tâches liées au travail domestique. 

Satisfaction atteinte, on s’arrête?

Si socialement, l’union libre a trouvé sa place dans le cœur des familles québécoises, il reste encore du chemin à faire pour que cela se reflète dans les lois. Plusieurs voix s’élèvent pour demander un traitement plus équitable entre les conjoints mariés et ceux en union libre. Pour l’instant, peu importe le nombre d’années de vie commune, les conjoints de fait sont considérés comme des étrangers aux yeux du Code civil. La réforme du droit de la famille au Québec offre une occasion en or de réfléchir à la place de l’union libre dans la vie des familles d’ici. Alors que le reste du Canada s’inspire de la politique familiale du Québec, la province pourrait-elle s’inspirer de ses voisins pour mieux encadrer l’union libre?