À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Sarah Martin-Roy et Francine Julien-Gauthier, « Accompagner les élèves ayant des incapacités intellectuelles lors de la transition de l’école à la vie active », publié en 2017 dans la revue INITIO, no 6.

  • Faits saillants

  • La transition de l’école à la vie active représente un défi majeur pour les enfants qui vivent avec une DI, tout comme pour leur famille.
  • Du soutien et des outils : voilà ce dont les jeunes adultes qui vivent avec une DI et leur famille ont besoin pour faciliter la transition vers la vie active.
  • Donner des responsabilités à son enfant ayant une DI, comme des tâches à accomplir à la maison : un excellent moyen de le préparer à la vie active.
  • Comme n’importe quel ado, les jeunes vivant avec une DI doivent découvrir ce qu’ils aiment et acquérir des compétences de travail pour faciliter leur entrée dans la vie adulte.

Maxime, 17 ans, a grandi avec une déficience intellectuelle (DI). Pour lui, plus difficile de comprendre certains concepts abstraits, d’exprimer ses pensées et de rencontrer de nouvelles personnes. Tout se passe bien dans sa classe spécialisée, mais l’école est presque finie et bientôt il faudra faire sa place sur le marché du travail. Sa famille est préoccupée : comment assurer une bonne transition entre l’école et la vie active? Cette étape, stressante pour plusieurs ados, peut devenir difficile à surmonter si l’enfant et sa famille sont peu préparés. Comment accompagner ces jeunes adultes? La famille peut aider… À condition d’être bien outillée!

Sarah Martin-Roy et Francine Julien-Gauthier, respectivement doctorante et professeure à l’Université Laval, procèdent à l’inventaire des écrits scientifiques pour comprendre quelles sont les difficultés majeures lors du passage à la vie active des enfants présentant des incapacités intellectuelles. Cette recension leur permet également d’évoquer les bonnes stratégies d’accompagnement à mettre en place à l’âge scolaire pour une meilleure insertion dans la vie professionnelle. L’étude se concentre sur des études qui concernent des jeunes de 16 à 21 ans vivant avec une DI légère à moyenne, scolarisés au Québec dans des classes spécialisées au sein d’écoles secondaires régulières.

Encourager l’autonomie

Avant le milieu scolaire, la famille joue un rôle central dans le parcours d’un enfant vivant avec une DI. Son soutien est primordial pour l’aider à mener à bien son projet de vie. Pour cela, pas de secret : malgré les limitations intellectuelles, les parents croient au potentiel de leur enfant.

Encourager l’autonomie de l’enfant ou assurer sa sécurité? Certaines familles optent pour la deuxième option. Mais attention! Même si ces jeunes sont souvent plus vulnérables, la surprotection peut nuire au développement du jeune. Il faut trouver un juste milieu. Autrement dit, à force de vivre dans de la ouate, l’enfant perd des occasions de développer son autonomie. Comment casser cette habitude? Pourquoi ne pas montrer aux parents des exemples d’adultes vivant avec une déficience semblable qui s’épanouissent dans un emploi qu’ils aiment? Les cas concrets apaisent le cœur des parents, selon les auteures.

Comment faire pour encourager l’autonomie? Qu’on les aime ou qu’on les déteste, les tâches ménagères sont un excellent moyen de l’encourager. Le jeune apprend le sens des responsabilités à la maison et travaille certaines habiletés pratiques et sociales, comme écouter les consignes et réaliser des actions concrètes. D’ailleurs, une étude constate que les élèves à qui les parents donnent des tâches ménagères gagnent généralement mieux leur vie à l’âge adulte[1].

Les familles aident leurs enfants, mais qui aide les familles?

Pour que les familles accompagnent leur enfant lorsqu’il entre dans la vie adulte, encore faut-il qu’elles se sentent en mesure de le faire! La transition peut être un véritable défi pour ces familles qui pallient les besoins particuliers de leur petit depuis son plus jeune âge. Implanter une nouvelle routine peut s’apparenter à une montagne, et certaines ignorent si elles ont l’énergie pour la gravir. La fatigue, l’appréhension, le stress, voire l’inquiétude se pointe alors le bout du nez : Comment puis-je aider mon enfant? Va-t-il réussir? Quelles sont mes ressources?

Pas de doute, des familles bien outillées et informées sont des familles plus conscientes et prêtes à vivre cette nouvelle étape soudée. Les auteures proposent plusieurs pistes d’information, à commencer par le Guide pour ma vie de tous les jours[2], destiné aux personnes avec des limitations cognitives et sociales. Il présente de façon simplifiée comment un jeune vivant avec une DI peut faire face aux situations de la vie courante. L’Office des personnes handicapées du Québec possède également plusieurs guides disponibles en ligne , dont un destiné spécifiquement aux familles.

Lecture par-dessus lecture : toute cette information peut rapidement devenir accablante! Au-delà des écrits, le travail d’équipe devrait être au cœur du processus pour accompagner l’enfant le mieux possible. Les auteures suggèrent pour cela de rassembler périodiquement tous les intervenants qui sont autour de l’enfant et ses parents pour faire le point sur la situation : l’école, les services sociaux, les différents organismes communautaires et les employeurs. Afin de rendre ces rencontres encore plus cohérentes, un intervenant pivot faisant le relais entre les différentes parties serait une solution à évaluer. En s’intéressant au ressenti du jeune, il pourrait avoir un portrait global de la situation, ce qui lui permettrait de faire le pont entre les différents services pour que tous travaillent en concertation.

Recette gagnante : des ingrédients simples et efficaces


Préparer le terrain : la clé du succès lors de la transition vers la vie adulte. Comment? En aidant le jeune à trouver ce qu’il veut faire plus tard, et en lui donnant de l’expérience en emploi. Pour cela, mieux vaut s’y prendre tôt : dès 14 ans, les auteures suggèrent de commencer des rencontres d’orientation avec l’enfant et sa famille. Le but : laisser du temps au jeune pour apprendre de nouvelles compétences liées au marché du travail.  

Comme n’importe quel adolescent, ces jeunes doivent d’abord mettre le doigt sur ce qui les intéresse dans la vie. Mais entre la réalité et ce qu’on s’imagine comme emploi, il peut y a un monde! Les auteures suggèrent d’utiliser l’Inventaire visuel d’intérêts professionnels[3] pour en connaître davantage sur différentes professions. Même s’il n’est pas spécifique aux enfants vivant avec un handicap, il peut être d’un outil précieux pour les intervenants. Par exemple, pour travailler dans une animalerie, il ne faut pas seulement aimer les animaux, mais être prêt à laver les cages! Les exigences réelles des emplois sont illustrées dans ce guide, ce qui permet de prendre des décisions plus éclairées.

Pour devenir bon dans quelque chose, pas de secret : il faut pratiquer! Pour les auteures, cela signifie que les jeunes adultes devraient acquérir tôt des expériences de travail. Les jeunes et leur famille peuvent chercher un emploi d’été ou à temps partiel, ou encore se tourner vers le bénévolat. Elles peuvent organiser des simulations d’entrevue d’embauche ou des mises en situation, afin de présenter au jeune ce qui l’attend.

Aux yeux des parents, une insertion en milieu de travail est plus facile lorsque le jeune continue de pratiquer certaines habiletés qu’il apprend à l’école. Il devrait continuer de travailler la lecture, l’écriture, les mathématiques et sa condition physique. Pourquoi? Des parents rapportent qu’« au quotidien, occuper un emploi peut être beaucoup plus exigeant physiquement que d’aller à l’école ». Fréquenter une salle d’entraînement peut être une bonne façon de le préparer aux exigences d’un emploi tout en développant ses habiletés motrices.

Au tour des patrons

Si la famille, entourée de professionnels, peut aider les jeunes vivant avec des incapacités intellectuelles à entrer dans la vie active, les employeurs et leur équipe peuvent aussi s’impliquer. Rien de tel que de sensibiliser à l’avance les patrons et leurs équipes à côtoyer un nouveau collègue aux besoins différents. Comment? Le programme pancanadien Prêts, disponibles et capables, chapeauté à l’échelle provinciale par la Société québécoise de la déficience intellectuelle, peut aider. Il soutient les personnes vivant avec une DI dans leur recherche d’emploi et, en parallèle, il sensibilise et aide les employeurs à instaurer un milieu de travail inclusif. Au Québec, 50 entreprises participent au programme, pour plus de 150 personnes embauchées. Pour les auteures, rien de tel qu’une approche comme celle-ci pour valoriser les compétences de ces employés. Après tout, malgré le handicap avec lequel ils vivent, ces jeunes adultes sont souvent des employés assidus, fidèles à l’entreprise, enthousiastes au travail, qui respectent la hiérarchie et les consignes… On serait fou de s’en passer!


[1] Carter, E. W., Austin, D., et Trainor, A. A. (2011). Foctors associated with the early work experiences of adolescents with severe disabilities. Intellectual and Developmental Disabilities, 49 (4), 233-247.

[2] Burke, J., Charron, C., et Steinkamp, B. (2011). Guide pour ma vie de tous les jours. Gatineau: Traduit par le Pavillon du Parc.

[3] Dupont, P., Gingras, M. et Tétreau, B. (2010). Inventaire visuel d’intérêts professionnels (IVIP). Université de Sherbrooke et Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ).