À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’étude de Stéphanie Pernice et Marie Marquis, « Qualité ou quantité : des parents québécois lèvent le voile sur leurs stratégies déployées pour favoriser le ‘bien manger’ chez leurs enfants », publiée en 2014, dans Enfances, Familles, Générations, n°21, p. 176-196.

  • Faits saillants

  • Quatre parents sur dix tiennent compte de la valeur nutritionnelle des aliments dans leurs stratégies favorisant le « bien manger ».
  • Près d’un parent sur quatre fait participer l’enfant à la préparation des repas ou à la mise en place de la table.
  • Pour les participants, le « bien manger » s’exprime au travers de deux notions : qualité et quantité.

Chez les petits, le repas peut être un moment de découverte gustative mais aussi l’occasion d’affirmer son autonomie en disant : « non! ». Aux parents alors de convaincre leur progéniture de manger ce qu’il y a dans leur assiette… Cette étude propose de « lever le voile » sur les trucs et astuces des parents québécois pour « favoriser le ‘bien manger’ chez leurs enfants ». Les auteures ont volontairement évité de définir le terme « bien manger » afin de laisser les parents évoquer librement ce que cela signifie pour eux.

D’après la littérature, c’est pendant la petite enfance, avant l’âge de cinq ans, que se mettent en place les habitudes et comportements alimentaires. Les parents le savent bien; c’est une « période clé » pour apprendre à son enfant à bien manger pour bien grandir. Pour les auteures, « cet enjeu est d’autant plus d’actualité dans un contexte où la prévalence des taux d’embonpoint dès les premières années de vie ne cesse de croître ».

À la maison et à la garderie

Les milieux de vie de l’enfant jouent un rôle majeur dans l’apprentissage des bonnes habitudes alimentaires, en particulier la maison et le milieu de garde. Les facteurs individuels et le contexte socio-économique sont importants, mais les parents et les éducatrices demeurent les principaux acteurs dans le développement des comportements alimentaires sains de l’enfant.

Cette étude porte sur les stratégies et astuces employées par les parents lors des repas afin de favoriser de bonnes habitudes alimentaires. Des questionnaires, sous formes de cartes postales, ont été distribués dans 650 centres de la petite enfance au Québec. 1257 cartes ont été remplies et ensuite analysées par les chercheuses.

Du vert et de la couleur!

Quatre parents sur dix tiennent compte de la valeur nutritionnelle des aliments dans leurs stratégies favorisant le « bien manger », par exemple en portant attention à la présence de légumes dans l’assiette. Un parent sur trois (31%) mise sur la variété alimentaire. Et près du quart des parents (23,2%) mettent en valeur le contenu de l’assiette en jouant avec les formes et les couleurs des aliments ou des ustensiles.

Selon certains parents, l’acquisition de comportements alimentaires sains passe aussi par la manière dont se déroule le repas. On privilégie un environnement calme, sans télévision. Le fait de manger en famille est, parmi les composantes sociales de cette étude, la variable qui se démarque le plus.

Ruses et stratégies

Un parent sur trois (33%) utilise la ruse pour favoriser le « bien manger » de leur enfant, et les stratagèmes ne manquent pas! Camoufler les aliments sains que les enfants n’aiment pas, leur offrir de la trempette pour accompagner les légumes, faire l’avion, voler sa bouchée… Selon les auteures, « les exemples sont des plus variés ». Un parent sur quatre (23%) fait participer l’enfant à la préparation du repas ou à la mise en place de la table. Et une proportion semblable respecte « les préférences alimentaires de l’enfant », sans qu’il décide toutefois du menu.

Autres astuces : placer des aliments sains à la hauteur de l’enfant dans le frigo (9,9 % des répondants) et utiliser le « recours à la récompense », par exemple le dessert (7 %). Les parents peuvent aussi « [jouer] inconsciemment sur la culpabilité de l’enfant  » en lui demandant, par exemple, de « manger pour faire plaisir à maman » ou pour devenir aussi fort que Popeye.

D’après les auteures, l’objectif de ces stratégies est d’« augmenter l’apport d’un aliment spécifique ou de l’ensemble des aliments ».

Qualité ou quantité?

Pour bon nombre de parents, la croissance de leur enfant dépend à la fois de la qualité et de la quantité des aliments consommés. Pour les chercheuses, « ces réponses des parents expriment leur perception de ce que représente l’expression ‘manger bien’ ». Certains parents évoquent beaucoup la notion de quantité alors que d’autres insistent plutôt sur la qualité, par exemple la valeur nutritionnelle de l’aliment ou l’aspect visuel de l’assiette. Cependant, selon les chercheuses, il n’y a pas deux « catégories » de parents, pro-quantité ou pro-qualité : « un parent peut très bien souligner l’importance de l’aspect santé tout en ayant recours à des ruses exerçant de la pression sur l’enfant pour qu’il augmente ses apports ».

Les interactions parents-enfants sont au cœur de cette étude. À cet égard, les auteures rappellent que la participation de l’enfant à la préparation des repas devrait être encouragée. Des études antérieures suggèrent d’ailleurs que les enfants souhaitent cuisiner plus souvent avec leurs parents.

Les chercheuses insistent sur l’importance du rôle des parents dans l’acquisition de comportements et habitudes alimentaires sains. Or, moins d’un parent sur dix (8,6 %) affirment exercer un « rôle de modèle en donnant l’exemple pour favoriser la saine alimentation de leur enfant. »

Pour les auteures, des efforts doivent maintenant être faits pour « déterminer le meilleur canal de communication pour faire la promotion de concepts tels que le rôle de modèle ou encore la division des responsabilités entre les parents et les enfants ».