À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation est tiré de l’article de Sylvain Bourdon, David Baril, Isabel Desroches et Anne Lessard, « Les défis de la transition à la vie adulte de jeunes en situation de handicap », publié en 2021 dans la Revue Jeunes et Société, vol. 6, no 1, p. 3-26.

  • Faits saillants

  • De tous les aspects de la vie adulte abordés dans cette étude, la réussite professionnelle occupe une place centrale pour les jeunes en situation de handicap.
  • Malgré des aspirations bien définies en matière d’emploi, beaucoup de ces jeunes éprouvent de la difficulté à se projeter dans l’avenir, ce qui rend les projets liés au couple et à la parentalité plus abstraits.
  • La situation financière est souvent le principal obstacle à l’autonomie résidentielle des jeunes en situation de handicap.
  • La poursuite des études est l’une des principales raisons qui poussent les jeunes en situation de handicap à continuer d’habiter sous le même toit que leurs parents.
  • Le programme de soutien à la transition de l’école vers la vie active (TEVA) vient en aide à des jeunes qui présentent une large gamme de conditions et des degrés d’autonomie tout aussi divers.

Si vous pensez que le handicap est uniquement une question de limitations, notamment physiques ou cognitives, détrompez-vous! En fait, les défis rencontrés par une personne peuvent aussi être amplifiés par le contexte dans lequel elle évolue. Un environnement peut soit ouvrir des portes, soit en fermer. Pour les jeunes Québécois·e·s en situation de handicap, cette interaction complexe entre des facteurs individuels et environnementaux est susceptible de jouer un rôle de premier plan dans leur transition vers la vie adulte.

Dans l’optique de comprendre ce que ces jeunes vivent, leurs rêves et leurs obstacles, une équipe de recherche de l’Université de Sherbrooke s’intéresse aux principales dimensions qui caractérisent leur parcours vers l’autonomie. Pour ce faire, elle analyse l’expérience de la transition à la vie active de 32 jeunes Québécois·e·s en situation de handicap de différents types recueillie grâce à des entrevues semi-dirigées. Parmi les personnes interrogées, 17 étudient toujours au secondaire et ont en moyenne 18 ans, tandis que les 15 autres, âgés de 22 ans en moyenne, ont terminé leurs études depuis deux à quatre ans. Tous les participant·e·s ont cependant une chose en commun : ils et elles profitent ou ont pu profiter d’une démarche de soutien à la transition de l’école vers la vie active, la TEVA.

La clé d’une transition réussie vers l’âge adulte? Une job!

Ah! L‘entrée dans l’âge adulte : un nouveau chapitre prometteur dans la vie de chaque individu, où une multitude de possibilités peuvent converger! Pour les jeunes en situation de handicap, le chemin qui mène à cette transition est pavé d’aspirations nourries par la volonté de s’intégrer professionnellement. Plus qu’un simple gagne-pain, le travail se dresse comme un pivot central dans leur quête d’autonomie et de réalisation personnelle. En occupant un poste valorisant, ils et elles peuvent non seulement avoir un revenu, se tailler une place dans la société, mais aussi briser le cycle de l’inactivité susceptible de les isoler.

Les résultats de la présente recherche montrent également que l’emploi agit comme le combustible du moteur à ambitions des jeunes adultes en situation de handicap. En ouvrant la voie à une forme d’autonomie financière, le salaire peut effectivement être un tremplin vers l’acquisition d’une voiture ou d’un logement. À eux seuls, ces éléments peuvent offrir la liberté et la mobilité que ces jeunes espèrent trouver en intégrant le monde des adultes.

Rêver grand, une petite étape à la fois

Accordant une grande importance à la dimension professionnelle de leur vie d’adulte, plusieurs jeunes en situation de handicap s’impliquent avec sérieux dans leurs études. Beaucoup sont d’ailleurs très lucides quant à la valeur de l’éducation pour obtenir un bon emploi ou accéder à une formation plus spécialisée. En ce sens, la plupart des participant·e·s détiennent ou poursuivent une formation préparatoire au travail tandis qu’une certaine proportion, souhaitant s’ouvrir plus de portes, vise le diplôme d’études secondaires.

Bien que souvent envisagée comme un projet de longue haleine, l’idée de quitter le nid familial fait également son chemin dans la tête de quelques jeunes de l’étude, à l’approche de la vie adulte. En attendant d’acquérir leur autonomie résidentielle, ceux et celles qui envisagent de s’installer ailleurs profitent de l’environnement encadrant du foyer parental pour économiser, continuer d’étudier et développer des compétences nécessaires pour vivre seul·e·s. D’autres, en raison de leur incapacité, sont dans l’impossibilité d’habiter en solo, mais peuvent potentiellement bénéficier de logements supervisés.

Aspect non négligeable de la quête d’autonomie des jeunes interrogé·e·s, la capacité de se déplacer par ses propres moyens joue un rôle qui va au-delà de la simple mobilité. S’il s’agit parfois d’un prérequis pour décrocher un emploi, l’achat d’un véhicule facilite l’épanouissement social des jeunes qui vivent en région éloignée ou mal desservie par les transports en commun.

Pour leur part, les ambitions que nourrissent les participant·e·s à l’égard du couple et de la parentalité sont celles qui semblent les plus abstraites. L’idée de fonder une famille est, par exemple, rarement évoquée, les jeunes souhaitant davantage miser sur des objectifs plus immédiats. Les témoignages recueillis laissent penser que ces adultes en devenir cherchent d’abord à affirmer leur autonomie et à bâtir une vie stable pour eux-mêmes avant de pouvoir se projeter dans des relations amoureuses ou des projets de parentalité.

Cap sur l’avenir : une transition chaotique à la vie active

Pouvoir savourer pleinement sa transition vers la vie adulte, n’est-ce pas là le rêve de tout·e jeune? Or, pour ceux et celles en situation de handicap, les défis spécifiques qui émergent en cours de route font souvent bifurquer leur trajectoire. Véritable rite de passage, l’entrée sur le marché du travail entraîne parfois un dur retour à la réalité pour les jeunes aux besoins particuliers. Beaucoup se retrouvent dans des postes peu valorisants, sous-rémunérés ou sont confrontés à des quotas difficiles à remplir… en raison de leur handicap.

« Mon garçon, c’est pas parce qu’il a une déficience puis qu’il a un problème de santé qu’il doit être exploité. Moi, je n’accepte pas ça. Mon gars, c’est la prunelle de mes yeux, puis j’aime pas que le monde l’exploite. Fait que je veux pas qu’il soit exploité. […] Quand c’est un stage, t’es pas obligé d’être rémunéré. Mais quand ils trouvent un travail en entreprise, qu’il soit rémunéré au salaire qu’il doit être rémunéré. »

– Parent de Jonathan, 19 ans

Dans ces conditions, s’émanciper financièrement peut-être compliqué et pour plusieurs, risque de représenter un frein pour atteindre leurs objectifs liés à la mobilité et à l’autonomie résidentielle. D’autres entraves en matière d’accessibilité, comme l’examen théorique nécessaire à l’obtention d’un permis de conduire, représentent un obstacle de plus dans le cheminement de certains jeunes vers leurs idéaux d’adulte.

La démarche TEVA : des défis aux solutions

Comme la plupart des Québécois·e·s de leur âge, les jeunes en situation de handicap veulent mener une vie d’adulte active et enrichissante. Toutefois, ils et elles doivent souvent naviguer dans des contextes qui amplifient l’impact de leurs particularités. Heureusement, des solutions innovantes leur sont offertes pour faciliter la concrétisation de leurs objectifs. Outre l’aide apportée par leur entourage, ces jeunes peuvent notamment compter sur une démarche de soutien à la transition de l’école vers la vie active (TEVA). Cette initiative gouvernementale vise à accompagner chaque adulte en devenir dans les sphères de sa vie où les besoins sont les plus criants. Que ce soit pour soutenir un jeune dans ses études ou encore faciliter son insertion en milieu professionnel, la démarche TEVA s’amorce environ trois ans avant la fin anticipée des études secondaires d’une personne. Grâce à un suivi assidu et à des interventions ciblées comme c’est le cas avec le projet Carte routière, ce processus permet de moduler l’environnement dans lequel le jeune évolue pour alléger le poids des obstacles qu’il rencontre. Ultimement, la recherche montre que, lorsqu’on mise sur l’inclusion et qu’on favorise la participation de ceux et celles qui vivent avec un handicap, c’est toute la société québécoise qui en bénéficie.