À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation est tiré de l’article de Christine Gervais, Isabel Côté, Sophie Lampron-deSouza, Flavy Barrette, Sarah Tourigny, Tamarha Pierce et Vicky Lafantaisie, « The COVID‑19 Pandemic and Quality of Life: Experiences Contributing to and Harming the Well‑Being of Canadian Children and Adolescents », publié en 2022 dans International Journal on Child Maltreatment: Research, Policy and Practice, vol. 6, p. 453-475.

En collaboration avec l’Université Laval.

  • Faits saillants

  • La pandémie de COVID-19 a démontré à quel point, pour les jeunes, être entouré·e·s par sa famille est essentiel pour se sentir bien.
  • Durant la pandémie, les jeunes qui se sont engagé·e·s dans des activités avec les membres de leur famille, en particulier avec leurs frères et sœurs, ont eu tendance à avoir un niveau de bien-être plus élevé que ceux et celles qui s'adonnaient principalement à leurs passe-temps en solo.
  • Les enfants qui ont maintenu des liens étroits avec leurs grands-parents, malgré les mesures sanitaires en vigueur durant la pandémie, ont rapporté un meilleur bien-être durant cette période.
  • Pendant la pandémie, la peur de contaminer des êtres chers a eu un impact significatif sur le bien-être des jeunes qui se percevaient comme un danger pour leurs proches, en particulier pour leurs grands-parents.
  • Le soutien émotionnel continu des parents, apporté sous forme d’écoute attentive, d’espace de discussion, d’encouragements réguliers et de manifestations de tendresse, a été essentiel pour aider les enfants à gérer le stress et l’anxiété causés par la pandémie.

La pandémie a bouleversé nos vies, mais qu’en est-il de son impact sur nos jeunes? Confinement, isolement, masques : les enfants et les ados ont dû faire preuve d’une bonne dose de résilience pour faire face à ces nouvelles réalités. Une chose est sûre, en termes d’adaptations, ils et elles ont réagi de différentes manières.

Dès le début de la pandémie, la société s’est inquiétée de la situation des jeunes et de leur façon de vivre ces changements. En utilisant une approche centrée sur l’enfant, Christine Gervais et ses collègues de l’Université du Québec en Outaouais, de l’Université de Montréal et de l’Université Laval ont rencontré 149 jeunes âgé·e·s de 7 à 17 ans, afin d’explorer leur réalité et d’identifier les expériences qui ont contribué positivement ou négativement à leur bien-être tout au long de la pandémie. Quels moyens ont été utilisés pour surmonter ces temps difficiles? Quel rôle a joué la famille pour les aider à se sentir mieux?

Du bon même en temps de crise

À l’émergence de la pandémie, cours en ligne, contacts restreints avec les proches, inquiétudes sur la santé, ennui et parfois tensions et conflits à la maison sont devenus des plaies quotidiennes pour les jeunes. Et dans un tel contexte, pas le choix de s’adapter rapidement aux changements! Malgré ces défis, au cours de la première année de pandémie, une grande majorité, soit environ 78 % des jeunes interviewé·e·s, rapportait un niveau élevé de bien-être comparable ou supérieur à la moyenne de la population. Comment cela est-il possible? Trouver du bon dans ce chaos, voilà la stratégie développée : avoir plus de temps avec la famille, découvrir de nouvelles passions et développer des talents cachés. Cet évènement a aussi renforcé leur appréciation des petits bonheurs simples avec leurs proches, comme des promenades en plein air, soulignant ainsi l’importance des expériences quotidiennes dans le maintien de leur bien-être.

En famille ou en solo, des moments qui ont fait du bien

Se changer les idées et garder le moral à travers des activités? Tout simplement essentiel pour les jeunes durant la pandémie! Pour certain·e·s, ce sont les activités partagées en famille, principalement avec la fratrie, qui les aidaient dans les moments plus difficiles. Jeux de société, sports ou même interactions en ligne, comme cuisiner à distance avec grand-papa et grand-maman : ces moments partagés pouvaient prendre différentes formes.

« Pour aller mieux, je pense que c’est vraiment le fait de passer du temps avec les gens, ma famille, jouer à des jeux de société. Parce que ça semble être se concentrer sur une activité spécifique avec d’autres personnes, […], tout le monde oublie un peu ce qui se passe, on a l’impression de vivre une vie normale, et ça fait du bien. »

Hayden, 17 ans (traduction libre)

D’autres ont cherché du réconfort à travers des activités effectuées seul·e·s. La marche, simple, mais efficace, s’est révélée être très bénéfique pour se changer les idées. Elle a été adoptée pour diverses raisons, que ce soit comme une échappatoire au sein du foyer familial, pour atténuer le stress ou tout simplement pour prendre l’air. Parallèlement, dans le creux de la vague, les jeunes se sont aussi tourné·e·s vers des loisirs autres, comme faire des jeux Lego, écouter de la musique, visionner des vidéos ou regarder la télévision. Enfin, l’expression des émotions à travers l’art et la recherche de réconfort auprès d’un animal de compagnie ont aussi été des moyens utilisés pour aller mieux.

Rapprochement, tensions et équilibre retrouvé : la vie de famille pendant la pandémie

Dire que la pandémie a été une épreuve pour les interactions familiales est un euphémisme! Au début, le confinement a favorisé le rapprochement des membres de la famille, créant des occasions de partager plus de moments ensemble. Mais cette proximité constante a aussi eu son lot de défis. Avec le temps, le besoin d’espace personnel est devenu évident, entraînant parfois des tensions et des conflits entre la fratrie ou avec les parents. Cela a souligné l’importance de trouver un juste milieu entre vivre 24 heures sur 24 avec sa famille et avoir sa propre bulle. Lorsque les restrictions ont commencé à s’assouplir, les tensions présentes dans les familles se sont apaisées. Et bonne nouvelle : bien que les jeunes aient commencé à passer moins de temps avec leur famille, les activités extérieures familiales débutées pendant le confinement sont tout de même restées ancrées dans leur quotidien.

Entre câlins manqués et précautions nécessaires

Au début de la pandémie, les enfants et les ados ont été confrontés à des changements majeurs dans le maintien des relations avec leurs proches. Les rencontres avec ami·e·s et famille, et les câlins, ont dû être mis sur pause. Pour rester proches de leurs grands-parents, il a fallu redoubler d’efforts, en multipliant les appels téléphoniques et virtuels ou en trouvant des méthodes alternatives pour les voir de manière sécuritaire. Ces solutions n’ont toutefois pas suffi à combler le vide émotionnel laissé par l’absence de contact physique. Avec l’assouplissement des restrictions, les réactions des jeunes ont été partagées. Pour certain·e·s, retrouver leurs proches a été un moment de pur bonheur. Quel plaisir de pouvoir briser la distance, en prenant tout de même des précautions comme le lavage des mains! D’autres, par crainte de transmettre le virus, ont continué à privilégier la sécurité, surtout avec les grands-parents, malgré le désir de les serrer dans leurs bras. Une dualité qui illustre bien la complexité des émotions et des décisions auxquelles les jeunes ont été confrontés.

« J’essaie de les serrer le moins possible, surtout ma grand-mère. Et ma grand-mère vient nous donner des câlins, mais ma mère a dit de ne pas lui en donner. Ça me faisait mal de ne pas pouvoir la serrer dans mes bras, mais je faisais attention parce que je ne voulais vraiment pas lui transmettre (la COVID). »

Amber, 10 ans (traduction libre)

Soutien et disponibilité des parents, les éléments clés

Le télétravail ou la suspension des activités professionnelles de certains parents a eu bien des bénéfices sur le moral des jeunes! Avec plus de temps passé à la maison, ces parents ont pu offrir plus de soutien et d’attention à leurs enfants. Quand les choses devenaient difficiles, plusieurs étaient présents pour les écouter et les réconforter. Des différences ont été identifiées au niveau du bien-être des jeunes en fonction du soutien parental offert. Les jeunes qui présentaient un bien-être élevé ont bénéficié d’un soutien émotionnel varié de la part de leurs parents, allant des mots encourageants aux câlins réconfortants. Ces gestes d’affection ont renforcé leur sentiment de sécurité et d’amour. Les discussions ouvertes sur les défis posés par la pandémie ont également permis à ces jeunes de partager leurs craintes, tandis que les parents apportaient écoute et conseils, atténuant les inquiétudes et renforçant le sentiment de protection chez leurs enfants. Cependant, pour ceux et celles qui ont éprouvé un bien-être plus faible, le soutien reçu de leurs parents était beaucoup plus limité. Préoccupés par leurs responsabilités professionnelles, les parents n’étaient pas toujours disponibles pour discuter des préoccupations liées à la COVID-19, les poussant à trouver seul·e·s des stratégies pour gérer leur bien-être. Avec le retour au travail, les jeunes ont constaté que leurs parents avaient plus de difficultés à concilier l’aspect famille-travail. Cette transition a suscité une déception chez certain·e·s et a intensifié le sentiment de solitude chez d’autres, bien qu’ils et elles comprennent que leurs parents ont des obligations professionnelles.

La force de la famille face à la pandémie

La pandémie a été difficile pour tout le monde, mais elle a aussi démontré combien le cocon familial pouvait être fort. Les activités en famille et le soutien que certains parents ont donné à leurs enfants ont été des points lumineux dans cette période difficile. Alors que l’étude fournit un bilan plutôt positif de jeunes qui ont pu trouver de l’espoir et de la force dans leur famille, il ne faut pas oublier que tous les enfants n’ont pas eu la même expérience. Certain·e·s viennent de milieux aux prises avec des difficultés, et, pour eux et elles, la pandémie a pu avoir un tout autre impact sur leur bien-être. Plusieurs jeunes et leur entourage ont pu voir leur santé mentale mise à rude épreuve et peuvent encore éprouver de la détresse psychologique. Dans ce contexte, il importe de chercher de nouvelles façons de soutenir les jeunes moins privilégié·e·s et de faire de leur bien-être et de leur santé mentale des priorités. Heureusement, divers organismes – comme Jeunesse, J’écoute ou la Fondation Jeunes en Tête – sont disponibles pour offrir un soutien adapté à ceux et celles qui en ressentent le besoin.