Une nouvelle mission bouleverse la routine : les plans changent, l’uniforme est enfilé, les sacs alignés dans l’entrée, et les au revoirs marquent un instant de transition pour toute la famille. Le parent militaire part, tandis que l’autre, resté au nid familial, doit non seulement réorganiser le quotidien, mais aussi s’adapter à une nouvelle dynamique. C’est le quotidien de nombreuses familles avec un parent militaire. En 2021, 97 625 militaires en activité des Forces armées canadiennes, dont plusieurs ont des enfants, jonglent avec des déploiements soudains, des relocalisations imprévues et des absences répétées. Comment réussir à coordonner la vie de famille dans ces conditions? Quels obstacles se présentent sur leur chemin? Quelles sont les stratégies déployées pour s’adapter à l’imprévu?
La coparentalité impliquant un parent en milieu militaire est un exercice délicat pour ces familles. C’est la réalité qu’une doctorante de l’Université Laval a voulu explorer en donnant la parole à 15 pères militaires et 15 mères civiles. Dans son analyse, trois grands thèmes se dégagent : les enjeux spécifiques auxquels ces familles doivent faire face, les solutions adoptées pour gérer les absences prolongées, et les différences de perspectives entre les parents militaires et civils. Les témoignages recueillis mettent en lumière une résilience remarquable et une adaptation quotidienne, révélant des réalités complexes souvent méconnues.
Quand la vie militaire brasse la cabane…
La réalité des familles militaires est-elle comparable à celle des familles civiles, ou fondamentalement différente? La réponse n’est pas si simple . Ces familles font face à des défis communs à tant d’autres, mais amplifiés par les spécificités de la vie du parent militaire. On peut les diviser en deux catégories : les défis directs et les défis indirects.
Les défis directs découlent directement du statut militaire, comme les absences répétées, les relocalisations fréquentes ou l’influence de la culture militaire. Les absences prolongées, souvent des déploiements, sont un terreau fertile au bouleversement de la coparentalité. « Toute la routine… c’est moi qui dois la gérer seule », confie Layla, une mère civile, soulignant le poids des responsabilités qu’elle assume en l’absence de son conjoint. Et lorsque ce parent revient, il faut réapprendre à cohabiter, ce qui peut créer des tensions. Reprendre le contrôle et se réhabituer à la vie à la maison devient un exercice complexe. Les relocalisations chamboulent la vie émotionnelle et logistique : trouver une nouvelle école, recréer un réseau de soutien… un fardeau de plus pour la mère qui reste au foyer. Ces déménagements fréquents, combinés aux absences de l’un des parents créent des défis supplémentaires, notamment le maintien d’un emploi stable pour le parent restant auprès des enfants. Déjà un enjeu considérable, cette situation devient encore plus exigeante lorsqu’amplifiée par les contraintes propres à la vie des familles militaires.
Par ailleurs, la vie militaire ne s’arrête pas aux portes du foyer : elle s’impose dans la culture familiale, apportant avec elle discipline, rigueur et règles strictes, ce qui peut susciter des frictions, notamment autour de l’éducation des enfants. Katherine, une mère civile, constate que la discipline militaire de son conjoint, plus rigide, entre parfois en conflit avec sa propre vision éducative. Sans compter les horaires imprévisibles du parent militaire qui ajoutent une couche de complexité au quotidien. « Je me fais appeler le soir pour partir le lendemain matin », raconte Samuel, un père militaire, illustrant l’imprévisibilité du métier. Ces absences répétées réduisent souvent l’implication active dans la routine familiale, laissant au parent civil le fardeau principal de la gestion quotidienne.
Et les défis indirects ne manquent pas! Ils s’infiltrent dans tous les aspects de la vie de famille dont l’un des parents est militaire, qu’il s’agisse de l’emploi du parent civil, de la santé du parent militaire, ou de la gestion des finances. Ce qu’il faut retenir? Que ces défis soient directement liés au mode de vie militaire ou qu’ils en découlent de manière indirecte, ils façonnent chaque dimension du quotidien des familles comptant un parent militaire.
Bien que ces défis soient associés aux familles militaires, ils trouvent aussi écho dans d’autres foyers. Les personnes aux horaires atypiques, celles qui voyagent fréquemment, celles issues des familles monoparentales : tous ces parents vivent des réalités similaires — absences répétées, horaires décalés, etc. — qui compliquent la gestion familiale.
Mère civile/père militaire : la coparentalité sous deux angles
Pour le père militaire, partir en mission, c’est répondre à ses devoirs loin du foyer. Pendant ce temps, la mère civile, restée à la maison, jongle avec les responsabilités du quotidien. Ces réalités éloignées façonnent des expériences et priorités bien différentes. Mais comment ces deux visions influencent-elles la perception de la coparentalité?

Stratégies activées! Quand la vie militaire impose de s’adapter
Les familles des militaires font face à des défis que peu de personnes peuvent imaginer. Comment gèrent-elles tous les aléas? Au milieu de cette instabilité, elles développent des stratégies ingénieuses pour garder le cap! Mieux encore, elles réinventent la coparentalité, même à des milliers de kilomètres.
La première clé est de préserver le lien entre le père et ses enfants malgré la distance. Vidéos, messages, discussions régulières… tout est mis en œuvre pour nourrir cette connexion. Les familles rapportent qu’elles veillent à ce que le père reste présent dans l’esprit des enfants, en parlant souvent de lui et en l’incluant dans le quotidien, même lorsqu’il n’est pas là.
Autre stratégie : la gestion proactive des imprévus. Ces familles anticipent constamment et planifient pour parer aux difficultés. Un plan B est souvent en place bien avant qu’un problème n’apparaisse. Afin de prendre des décisions ensemble malgré la distance, les parents peuvent également miser sur des méthodes simples mais efficaces. Par exemple, faire des listes énonçant à l’avance les avantages et inconvénients d’une décision, en vue du moment où elle devra être prise.
La flexibilité familiale s’avère également essentielle. Quand le père est absent, la mère endosse souvent davantage de responsabilités, les rôles se modifiant selon les besoins du moment. Cette souplesse permet de maintenir un équilibre familial.
Et puis, le changement de perspective devient une véritable force. En se concentrant sur les aspects positifs de la vie de militaire, les parents trouvent un sens à leurs sacrifices, se disant que si l’absence temporaire existe, c’est « pour le bien de la famille ». De leur côté, les mères civiles réaffirment leur priorité en consacrant plus de temps à leurs enfants.
Un coup de main bienvenu? Le soutien extérieur peut vraiment faire la différence! Qu’il s’agisse de responsabilités quotidiennes ou de tâches ponctuelles, du renfort des proches ou de professionnel·le·s est souvent d’une aide précieuse.
Revenir, repartir, et toujours tenir bon!
Et ainsi le cycle recommence : des retrouvailles pleines d’émotion, une routine à se réapproprier, et déjà, un autre départ à l’horizon. Au cœur de ces allers-retours, les familles de militaires font preuve d’une impressionnante capacité d’adaptation. Leur secret? Une résilience solide, une adaptation rapide et une bonne gestion du stress! Bien que le père militaire et la mère civile puissent parfois voir leur réalité à travers des perspectives différentes, les mêmes objectifs sont partagés : préserver l’équilibre familial et surmonter les défis avec flexibilité et force. Pour faire face aux changements constants, ils et elles mettent en place des stratégies jugées efficaces pour maintenir le lien malgré la distance. Cela implique notamment de planifier l’imprévu et, lorsque nécessaire, de solliciter de l’aide. Plus que de simples ajustements pratiques, cette capacité d’adaptation les aide à traverser les incertitudes tout en préservant leur unité. En fin de compte, la coparentalité évolue et montre que le changement n’est pas toujours synonyme d’adversité : faire équipe devient la réponse pour maintenir l’harmonie familiale, même au cœur des défis de la vie militaire.