À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation scientifique est tiré du chapitre de Marie-Christine Saint-Jacques, Arnaud Régnier-Loilier et Philippe Pacaut, « Diversité conjugale et familiale chez les parents québécois récemment séparés : aller au-delà du prisme de la cohabitation », publié en 2023 dans La séparation parentale et la recomposition familiale dans la société québécoise, p. 61-87. Canada: Presses de l’Université Laval.

  • Faits saillants

  • Après une séparation, certains parents demeurent célibataires alors que d'autres se remettent en couple. Ces derniers ont alors un choix à faire : cohabiter à temps plein, à temps partiel ou ne pas cohabiter avec leur nouveau ou nouvelle partenaire. Plusieurs facteurs influencent ce choix qui aura une grande influence sur l'environnement familial.
  • Avoir été marié avant de se séparer et être un père augmentent les probabilités qu’un parent cohabite avec son nouveau ou sa nouvelle partenaire. À l’inverse, avoir plus d’un enfant et détenir leur garde principale influencent plutôt les parents à opter pour la non-cohabitation dans le cas d’une remise en couple.
  • Plus de la moitié des parents qui sont dans une nouvelle union le sont avec un·e partenaire qui a déjà des enfants (1 en moyenne). Cela donne lieu à une nouvelle façon d’être « frère et sœur » et un autre modèle de fratrie fait son apparition : la quasi-fratrie.

Mariage, union libre, famille nucléaire, monoparentale, recomposée simple ou recomposée complexe  : les familles changent, leur structure aussi, et les formes s’additionnent. La multiplicité des façons d’être une famille offre aujourd’hui plusieurs options aux parents après une séparation. Certains choisissent le célibat, d’autres, la remise en couple. Plusieurs, parmi ces derniers, choisissent de réunir leurs deux familles respectives sous le même toit pour en former une nouvelle, alors que d’autres préfèrent cohabiter à temps partiel, voire jamais. Ainsi, il est possible que l’environnement familial d’un enfant se transforme et varie quotidiennement en fonction du jour de la semaine ou de la période de l’année. Qu’est-ce qui pousse les parents à opter pour l’une ou l’autre de ces structures? Le nombre d’enfants, leur âge et le fait de détenir leur garde principale font partie des éléments qui influencent leur décision.

Une équipe de recherche de l’Université Laval, de l’Institut national d’études démographiques et du ministère de la Famille identifie les caractéristiques des parents selon le modèle familial qu’ils choisissent d’adopter après une séparation. En la comparant avant et après la séparation, elle étudie comment la structure familiale se transforme. L’équipe ne se limite pas aux parents qui cohabitent et choisit plutôt d’y inclure tous les types d’unions. Ce faisant, elle élargit la définition de la famille recomposée. Dans les autres études, la cohabitation des membres est un critère essentiel pour qu’une famille soit considérée comme recomposée. La chercheuse et les chercheurs souhaitent offrir une meilleure connaissance de la diversité des familles et faire état des différentes configurations familiales présentes au Québec. Les données utilisées proviennent de l’Enquête longitudinale auprès des parents séparés et recomposés du Québec (ELPSRQ) et concernent 1549 parents québécois, dont 742 hommes et 807 femmes, séparé·e·s depuis moins de 2 ans et qui ont au moins un enfant de moins de 14 ans.

Remise en couple, oui? Non? … Pourquoi?

Se remettre en couple ou non, habiter dans la même maison ou pas : questions difficiles! Plusieurs facteurs influencent les parents dans les choix qu’ils font après une séparation.

Être celui ou celle qui a mis fin à la relation figure parmi les facteurs qui augmentent les probabilités de se remettre en couple chez les parents. Pourquoi? Il est possible que ce parent ait déjà rencontré une nouvelle personne alors que le parent qui subit davantage la rupture puisse avoir besoin d’une période de deuil et d’adaptation. Les hommes qui ont un revenu plus élevé ont également plus de chances de se remettre en couple que de demeurer célibataire. L’âge de l’enfant aîné influence aussi la situation, puisque si ce dernier a 7 ans ou plus, la remise en couple est plus probable que pour les parents d’enfants plus jeunes.

On retrouve l’âge des parents parmi les éléments qui influencent les probabilités d’une remise en couple après une séparation. Les chances de s’investir dans une nouvelle union diminuent à mesure que l’âge augmente, surtout après 40 ans. On observe également une proportion plus faible de nouvelles unions chez les personnes migrantes ainsi que chez les parents qui ont la majorité du temps parental (la garde principale). Il semblerait que ces personnes, plus occupées, aient moins de temps à mettre dans la recherche d’un nouveau conjoint ou d’une nouvelle conjointe.

Cohabiter ou ne pas cohabiter, telle est la question!

Qu’en est-il des parents qui se remettent en couple? Comment choisissent-ils de vivre en famille?

Deux facteurs augmentent les probabilités de cohabitation. Lesquels? Le fait d’avoir été marié dans la précédente union et d’être un homme. On observe que les pères ont une plus grande tendance à cohabiter avec leur partenaire. En ce qui concerne les parents mariés, le choix du mariage traduirait une vision plus conservatrice du couple et la cohabitation correspondrait davantage à cette vision.

Quant aux facteurs qui influencent négativement les couples à cohabiter, avoir plus d’un enfant et avoir eu des problèmes financiers à la suite de la séparation font partie de la liste. Ceux qui ont un revenu plus élevé sont également plus susceptibles d’opter pour la formule « deux maisons ». En effet, avec leurs plus hauts revenus, il leur est possible de conserver deux résidences. Mais ce n’est pas tout, l’âge des parents pèse également dans la balance. Les parents plus âgés sont moins enclins à choisir la cohabitation. Pour quelles raisons? Le projet d’avoir des enfants – ou non – y serait lié. Les couples vieillissent et leurs projets changent. Celui d’avoir des enfants n’occupe plus le même rang ou n’en est plus un du tout. Ne prévoyant pas avoir d’enfants communs à charge, la pression associée au fait d’habiter ensemble peut s’en trouver diminuée. Finalement, les parents qui ont la garde principale de leurs enfants sont moins nombreux à choisir la cohabitation. Il est possible que ces derniers préfèrent que leurs vies conjugale et familiale demeurent distinctes.

Ce que l’on remarque? Les responsabilités associées aux enfants exercent une influence sur la remise en couple des parents et, le cas échéant, sur la façon dont les pères et les mères choisissent de vivre leur conjugalité. Les parents qui ont une plus grande charge associée aux enfants – enfants plus jeunes, plus nombreux, temps parental majoritaire – ont moins tendance à se remettre en couple et lorsqu’ils le font, sont moins susceptibles de choisir la cohabitation. Qu’est-ce que cela semble indiquer? D’abord, un souci des parents de ne pas vouloir soumettre leurs enfants à trop de changements, ce qui pourrait être le cas si un nouveau ou une nouvelle partenaire faisait son entrée dans la maison. Pour le ou la partenaire, l’environnement peut également apparaître moins tentant puisqu’il ou elle aurait à partager un quotidien avec plusieurs enfants qui ne sont pas les siens.

Être, être à demi ou quasi-frères et sœurs

Bien que la monoparentalité demeure la structure la plus fréquente après deux ans de séparation (61 %), 35 % des parents sont dans des familles recomposées et de nombreuses configurations sont présentes. Plus de la moitié des parents qui sont dans une nouvelle union le sont avec un partenaire qui a déjà des enfants (1 en moyenne). Une nouvelle façon d’être « frère et sœur » fait son apparition; la quasi-fratrie.

Ce nouveau modèle peut venir bouleverser un ordre déjà établi. Pour un enfant, cela implique que son rang puisse changer, passant ainsi du plus jeune avant la séparation au plus vieux dans la famille recomposée. Cela peut également avoir un impact sur les relations entre les enfants.

Les différents modèles, notamment dans le cas d’une cohabitation partielle, peuvent venir avec beaucoup de mouvements. Les liens et les rôles peuvent changer constamment, selon le moment de la semaine ou de l’année. Et pour le parent? Il peut être difficile de diviser son temps et son attention parmi tous les enfants. Le fait de devoir créer de nouveaux liens avec les enfants de son ou sa partenaire peut demander beaucoup de temps et d’énergie.

Réalités multiples, défis différents, besoins spécifiques

Les familles québécoises se différencient des autres familles canadiennes, de celles des États-Unis et de celles de l’Europe. On observe, chez les Québécois·e·s, un plus haut taux d’unions libres et de naissances hors mariage. La remise en couple après une séparation est également plus fréquente et plus d’enfants québécois vivent dans « deux maisons ». Le nombre de familles intactes, c’est-à-dire constituées de deux parents et d’enfants issus de cette union, tend à diminuer. De nouvelles structures émergent. En ne se limitant pas aux parents et enfants qui cohabitent, l’équipe met en lumière une multitude de réalités familiales. Elle met sous la loupe les différents types de fratries et l’influence qu’elles exercent sur les dynamiques familiales et les relations qu’entretiennent les parents avec les enfants, puis les enfants entre eux.

Une meilleure connaissance des familles et de leur diversité permettra d’offrir à celles-ci des ressources et des services mieux adaptés à leurs défis. De nombreux organismes œuvrent déjà auprès de celles-ci. En plus d’offrir un dossier complet sur la famille recomposée, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec donne accès, sur son site internet, à un bottin de ressources par région. Au-delà des organisations, cette plus grande connaissance aidera certainement au développement de politiques familiales cohérentes avec ces nouvelles réalités.