À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation est tiré de l’article de Claudia Turcotte, Jeanne Guillemette et Kévin Lavoie, « Séparés, mais toujours connectés? Exploration des usages des technologies de l’information et de la communication entre parents et enfants de familles séparées », publié en 2022 dans Intervention [En ligne], no 165, p. 167-177. 

  • Faits saillants

  • Les parents séparés utilisent de plus en plus les technologies de l'information et de la communication (TIC) – comme les textos, appels vidéo ou courriels – pour maintenir une communication entre eux et entretenir une relation avec leurs enfants.
  • La qualité de la relation parentale influence l’efficacité des outils de communication numérique dans les familles séparées.
  • Les technologies de communication offrent des avantages pour maintenir le lien familial, mais elles présentent aussi des risques d’accentuer les tensions.
  • Pour maximiser leur efficacité, les technologies de communication doivent s’intégrer à la dynamique familiale existante, en respectant les besoins et les réalités spécifiques de chaque famille séparée.

Un courriel pour organiser une visite, un appel vidéo pour partager un moment spontané, ou un message texte pour s’assurer que tout va bien… À l’ère numérique, les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont devenues un moyen de communication privilégié pour plusieurs familles séparées. Mais elles ne sont ni une panacée ni sans risques : leur impact dépend de la manière dont elles sont intégrées dans la dynamique familiale. Alors, quelles conditions favorisent leur utilisation constructive en contexte post-séparation? Comment les individus œuvrant auprès des familles peuvent-ils soutenir ces dernières pour maximiser les liens entre parents et enfants à l’aide de ces outils de communication, tout en tenant compte les réalités uniques de chaque situation? 

Une équipe de recherche de l’Université Laval s’est penchée sur l’impact des technologies de l’information et de la communication au sein des familles séparées en s’attardant à huit études. Ces dernières, qui se basent principalement sur des entrevues réalisées avec des parents, et, dans certains cas, avec des enfants, sont très révélatrices : si ces technologies  offrent des moyens innovants pour maintenir le contact familial, elles peuvent aussi compliquer les relations en créant de nouvelles tensions entre les parents. Entre promesses et complications, les familles naviguent à travers des usages qui ne sont ni tout noirs ni tout blancs. Reste à savoir comment ces technologies peuvent devenir de véritables alliées, lorsqu’elles sont bien utilisées!  

Maintenir le lien… autrement!  

Une séparation lorsqu’on est parent, ce n’est jamais simple. Mais dans un monde où les technologies évoluent sans cesse, garder le contact entre les membres de la famille est plus facile que jamais. Qu’il s’agisse de textos, d’appels vidéo ou de courriels, ces outils permettent aux parents et aux enfants de rester connectés, peu importe la distance. Y a-t-il des préférés? Tout dépend de l’objectif de leur utilisation et des besoins de chaque famille. 

En tête de liste : les textos et les courriels. Pratiques et rapides, ils permettent aux parents de communiquer sans friction. Les courriels sont souvent le moyen de communication préféré des enfants et des parents n’ayant pas la garde, offrant une manière simple et efficace de maintenir un lien. Moins personnels, ces échanges réduisent aussi les risques de conflits. Pour les parents et les enfants, les textos deviennent même des petits rendez-vous du quotidien, leur permettant de maintenir une communication constante. 

Et les appels vidéo? Ils font toute la différence. Plus engageants qu’un simple coup de fil, ils prolongent les conversations : en moyenne 22 minutes contre seulement 8 pour un appel classique. Pourquoi? Parce qu’un sourire, un regard, ou une expression faciale valent parfois plus que mille mots. Ces moments de connexion visuelle rapprochent et humanisent la communication, même à distance. 

Bien sûr, rien ne remplace le contact en personne, mais les nouvelles technologies de communication ne sont pas là pour le remplacer. Elles le complètent et enrichissent, voilà tout! Elles permettent à un parent de continuer à raconter des histoires, à voir les progrès d’un dessin ou à écouter les rires à travers un écran. Dans le contexte de la séparation, un simple écran peut devenir un pont, donnant aux parents et aux enfants la chance de rester connectés et de nourrir leur relation. 

La communication numérique, miroir de la relation entre les parents  

Les outils de communication numérique, une opportunité à saisir pour les familles séparées? Ce n’est pas si simple… Tout dépend d’un élément clé : la qualité de la relation entre les parents. Harmonieuse ou tendue, cette dynamique façonne la manière dont les technologies de communication sont utilisées. 

Quand les relations parentales sont harmonieuses, les outils numériques deviennent de véritables alliés. Ils facilitent les échanges pratiques autour des besoins de l’enfant : coordonner les horaires, organiser les allées et venues entre foyers, ou encore partager des moments importants malgré la distance. En bref, ils soutiennent un objectif commun : le bien-être de l’enfant. 

Mais lorsque la relation est plus orageuse, ces modes de communication peuvent se transformer en un terrain glissant. Au lieu de favoriser la collaboration, ils sont parfois détournés en tactiques de contrôle, comme lorsque des informations importantes sont retenues ou transmises à des moments où l’autre parent ne peut pas réagir ni participer adéquatement aux décisions. Par exemple, ne pas mentionner une activité scolaire à venir ou attendre tard le soir pour laisser un message concernant un rendez-vous important. Ces pratiques renforcent souvent les tensions déjà existantes et montrent que, dans de tels contextes, la technologie peut compliquer davantage la communication plutôt que de la simplifier. 

Les tribunaux ne sont pas étrangers à cette réalité. De plus en plus, ils intègrent les plateformes de communication numérique dans les plans parentaux pour structurer les échanges ou maintenir un lien entre parents et enfants. Dans les situations plus tendues, comme lors de conflits sévères, leur utilisation peut être encadrée par des règles précises afin de limiter les dérapages.  

Reste une vérité fondamentale : les outils numériques prolongent souvent une dynamique de communication existante. Elles ne réparent pas les relations tendues, elles amplifient plutôt celles déjà présentes. En fin de compte, leur pouvoir repose sur leur utilisation. Outil de rapprochement ou catalyseur de tensions? Il s’agit de comprendre l’intention du parent derrière l’écran.

Quand le numérique connecte… ou complique! 

Tout rose ou tout noir? Pas vraiment. Les technologies transforment les échanges dans les familles séparées, apportant à la fois des avantages importants et des limites non négligeables, selon le contexte.  

Côté avantages, leur utilité est indéniable. Elles permettent de maintenir un lien affectif entre parents et enfants, même à distance. En réduisant les contacts directs, les échanges numériques protègent parfois les enfants des tensions parentales. Autre atout? Les applications technologiques rendent possibles des activités interactives, comme jouer ensemble à des jeux en ligne ou regarder un film simultanément, offrant des moments partagés malgré la séparation physique. 

Mais ces technologies ont aussi leurs limites. D’abord, rien ne remplace le contact humain pour transmettre les émotions profondes. Par exemple, les appels téléphoniques et les textos, bien qu’ils établissent un contact, sont souvent perçus comme artificiels, car ils ne permettent pas de voir l’expression du visage de l’autre. Cela rend les interactions moins naturelles et peut freiner l’expression d’affection ou d’émotions sincères. De plus, des obstacles techniques, comme une connexion Internet instable ou un accès limité aux outils numériques, peuvent entraver les communications. Parfois, elles deviennent même source de tensions : des disputes peuvent éclater autour des coûts liés aux technologies, comme les forfaits mobiles ou les caméras web, ou encore sur l’âge adéquat pour accorder à l’enfant une autonomie technologique. 

La communication numérique : une stratégie qui se réfléchit!  

Les outils numériques, un pont entre deux foyers? Certainement! Mais pour en faire une véritable force, il faut poser les bonnes bases et adopter une approche réfléchie et adaptée. Dans les contextes complexes, comme les conflits sévères ou la violence conjugale, ces technologies peuvent être redoutables. C’est pourquoi la sensibilisation et la formation des professionnel·le·s du psychosocial et du droit sont absolument essentielles. Comprendre les risques, repérer les dérives et élaborer des interventions adaptées à l’ère numérique sont des étapes clés pour protéger les familles vulnérables. Avec des intervenant·e·s bien outillés, les moyens de communication numérique pourraient non seulement favoriser des usages sécuritaires et respectueux des besoins des enfants, mais aussi préserver, même dans les situations tendues, des espaces d’échanges constructifs entre parents et enfants. 

Lorsque les rencontres en personne ne sont pas toujours possibles, ces outils prennent tout leur sens pour maintenir le lien familial. Bien sûr, pour les familles où les interactions en face-à-face restent envisageables, ces moments doivent rester prioritaires. L’idéal? Trouver un équilibre entre les rencontres physiques et les échanges numériques, où ces derniers complètent, ou renforcent, les moments partagés.

L’écran au service des familles? Avec précaution… 

Sans remplacer le contact humain, les communications numériques savent se rendre indispensables pour maintenir les liens familiaux en contexte post-séparation. Leur force réside dans leur flexibilité : ils répondent aux besoins pratiques, soutiennent les moments de complicité et, dans certains cas, protègent des tensions inutiles. Mais attention, elles ne sont pas infaillibles : mal utilisées, elles peuvent attiser les conflits dans des relations déjà fragiles. Alors, comment en tirer le meilleur parti tout en limitant les risques? Avec des pratiques réfléchies et l’accompagnement par des intervenant·e·s, elles peuvent être adaptées aux réalités uniques de chaque famille. Finalement, ces outils ne remplacent pas la relation parent-enfant; elles la prolongent et l’enrichissent, offrant une nouvelle manière de maintenir le contact et de préserver les liens, même à travers un écran.