À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume le mémoire de Pauline Rochette, « Vivre en complexes résidentiels à Saguenay : choix et motivations des personnes âgées », publié en 2014 à l’Université du Québec à Chicoutimi, Département des sciences humaines et sociales.

  • Faits saillants

  • Les aînés recherchent un environnement sécuritaire, qui leur permet de prendre soin de leur santé et de maintenir une vie sociale active. La résidence privée répondrait à ces besoins.
  • Même s'ils se considèrent en bonne santé, les principales motivations des aînés pour déménager en résidence sont liées à la crainte d'une détérioration de leur état de santé dans le futur.
  • Dans la grande majorité des cas, les enfants n’ont joué qu’un rôle d’accompagnants dans la prise de décisions de leurs parents.
  • « Bien vieillir » est étroitement lié à l’autonomie. Les aînés ne veulent pas devenir une charge pour leur famille.

Mis à part ceux de Tanguy, la plupart des parents voient leurs enfants quitter le nid un jour ou l’autre! Si autrefois il était commun de partager le même toit avec tous les membres de sa famille, aujourd’hui, rares sont les nouvelles générations qui cohabitent avec leurs aînés.

Alors que certaines personnes âgées choisissent de rester à leur propre domicile, d’autres se tournent vers des logements sociaux. Ceux qui en ont les moyens déménagent plutôt dans des résidences privées. Malgré leur coût élevé, de plus en plus d’aînés optent pour cette formule. Pourquoi choisissent-ils de payer pour ces services, plutôt que d’engager une assistante à domicile ou de retourner vivre avec leurs enfants?

Cette recherche propose des pistes de réponses. Elle a été réalisée par l’entremise d’un questionnaire, distribué à des personnes vivant dans des résidences privées des arrondissements de Chicoutimi et de Jonquière de la ville de Saguenay. Les répondants sont considérés comme « autonomes » ou « semi-autonomes » (ayant besoin d’aide pour certaines activités quotidiennes). La grande majorité (76 %) a plus de 80 ans. Ils présentent des profils socioéconomiques assez variés : leurs revenus personnels vont de moins de 17 000 $ à plus de 35 000 $ par année. Quatre-vingt questionnaires ont été analysés pour tenter de mieux comprendre les raisons qui orientent les personnes âgées vers le choix d’une résidence privée.

Se sentir vulnérable

Le besoin de se sentir en sécurité fait partie des raisons prioritaires du choix de logement des aînés. En effet, ils ont souvent peur de vivre seuls et se sentent vulnérables en cas de maladie ou d’accident. Ils souhaitent être entourés au quotidien, notamment par un personnel soignant présent sur place, qui les rassure et les soutient. Plus les résidents sont âgés, plus ils disent ressentir ce besoin; 84 % des plus de 85 ans ont sélectionné ce critère, contre 68 % chez les 80-84 ans. L’importance accordée à la sécurité semble présente quelles que soient les caractéristiques socioéconomiques des personnes.

Prévoir les risques

Les personnes âgées autonomes et semi-autonomes sont, à priori, plutôt en bonne santé. Les participants se considèrent effectivement comme tel. Pourtant, ils invoquent les inquiétudes liées à leur santé comme principale motivation de leur choix d’habiter en résidence. Selon l’auteure, les aînés prévoient le risque d’une détérioration éventuelle de leur santé et souhaitent s’assurer que leur milieu de vie réponde à leurs futurs besoins.

Par ailleurs, certaines personnes peuvent nécessiter de l’aide pour accomplir des tâches quotidiennes, tout en se considérant en bonne santé. Près de 3 participants sur 4 (70 %) ont besoin d’aide pour effectuer certaines tâches quotidiennes, comme se laver ou s’habiller. Pourtant, seulement le tiers des répondants  se disent  limités dans leurs activités à cause de leur état de santé.

Le rôle des enfants

Près de 80 % des participants ont au moins un enfant avec lequel ils entretiennent des contacts réguliers (au moins une fois par semaine). Dans la grande majorité des cas, les enfants n’ont joué qu’un rôle de soutien dans la prise de décision de leurs parents, en les aidant,  principalement, à trouver le lieu adéquat et en les accompagnant lors des visites. Tous les répondants avaient une image positive des résidences privées avant d’y emménager.

Bien que la solidarité intergénérationnelle soit encore une valeur importante de nos jours, la cohabitation entre les aînés et leurs enfants n’est plus la norme. Peu de répondants veulent habiter avec un de leurs enfants, la plupart préférant avoir leur propre appartement en résidence.

Bien vieillir

Pour « bien vieillir », les aînés considèrent important de ne pas devenir une charge pour leurs proches. D’autres critères entrent en jeu, notamment liés à l’état de santé, comme le fait de ne pas être malade, de ne pas avoir de problèmes de mémoire ou encore d’avoir une bonne qualité de sommeil.

Un peu plus de la moitié des participants souligne aussi l’importance de maintenir une vie sociale dynamique : avoir des contacts réguliers avec sa famille, participer à des activités culturelles ou être bénévole pour des associations.

Le fait de « bien vieillir » est donc étroitement lié à l’autonomie, à la santé et aux relations humaines. En ce sens, les services proposés en résidence semblent répondre à leurs attentes.

Le privé, un véritable choix?

D’après l’auteure, il serait aujourd’hui de plus en plus difficile d’avoir accès à des résidences ou à des services à domicile publics, lesquels sont de moins en moins financés, et ce, au profit  des ressources privées. Selon elle, l’État transfère ainsi la responsabilité des soins à la famille et aux proches. Pris par leurs propres exigences familiales et professionnelles, les enfants n’ont pas toujours les ressources nécessaires pour maintenir leurs parents à domicile. Un nombre croissant de personnes âgées se tournent alors vers l’hébergement privé.

Cette recherche permet de revenir sur  un enjeu important : le vieillissement de la population. Les transformations familiales des dernières décennies ont conduit à la disparition du modèle intergénérationnel; les plus âgés doivent maintenant trouver le moyen d’assurer leur autonomie. Puisque ni la famille, ni les politiques publiques ne prennent en charge les aînés, c’est donc le privé qui prend le relais. Bien que l’offre soit apparemment adaptée aux besoins, peut-on réellement parler d’un choix? L’auteure pose la question. Le recours aux ressources privées et lucratives ne deviendrait-il pas un « passage obligé »?