De nos jours, le web offre la possibilité d’accéder à une panoplie de données rapidement et en un simple clic. Il en va de même pour la pornographie, gratuite et disponible sur de multiples plateformes en ligne. Finie l’époque où il fallait s’abonner à des chaînes télévisées ou louer des films au club vidéo pour y avoir accès!
Loin d’être une activité marginale, l’usage de pornographie est très répandu, que ce soit chez les personnes célibataires ou en couple. Dans le cadre de cette étude, 98 % des hommes et 73 % des femmes en couple disent en avoir visionné dans les six derniers mois.
Si certaines personnes regardent de la pornographie de manière récréative, d’autres, en revanche, finissent par développer une véritable dépendance. Qu’est-ce qui amène une personne en couple à perdre le contrôle? La qualité de la vie conjugale et sexuelle a-t-elle un lien avec ce sentiment?
Afin de répondre à ces questions, une équipe de chercheurs en psychologie a demandé à 1036 personnes en couple (565 femmes et 471 hommes) de remplir un questionnaire en ligne abordant la fréquence à laquelle ils regardent de la pornographie, ainsi que leur niveau de satisfaction conjugale et sexuelle. Les chercheurs ont également voulu savoir si d’autres facteurs (genre, durée de la relation, cohabitation et parentalité) ont un impact sur le sentiment de perte de contrôle. Les participants sont âgés de 18 à 55 ans et la plupart d’entre eux sont en couple depuis plus d’un an. Le questionnaire utilisé ne permet toutefois pas de déterminer si les participants regardent de la pornographie seuls ou avec leur partenaire.
Usage fréquent ou usage compulsif?
Les chercheurs établissent une distinction entre un usage fréquent et un usage compulsif. En fait, l’impression de développer une dépendance à la pornographie est un sentiment subjectif, qui n’est pas nécessairement lié à la fréquence d’utilisation. Par exemple, certaines personnes passent beaucoup de temps à regarder de la pornographie tout en se sentant en contrôle, alors que d’autres en regardent rarement, mais ont l’impression que leur comportement est compulsif.
Dans le cadre de cette étude, les participants devaient indiquer à quel point ils avaient l’impression d’être en contrôle, selon une échelle allant de « Complètement en contrôle » à « Pas du tout en contrôle ». D’après les résultats obtenus, les hommes regardent de la pornographie plus fréquemment que les femmes, et sont aussi plus nombreux à avoir le sentiment d’être dépendants et de ne pas être en contrôle.
Un phénomène répandu
Au total, plus de huit participants sur dix admettent avoir regardé de la pornographie dans les six mois précédents. Parmi ceux-ci, huit hommes sur dix et une femme sur quatre le font au moins une fois par semaine. Fait surprenant : un homme en couple sur quatre regarde de la pornographie plus de cinq fois par semaine. Les femmes, en revanche, sont très peu nombreuses à en visionner à cette fréquence (1 %).
Graphique 1. Fréquence de consommation de pornographie chez les hommes et les femmes (%)
À quel moment l’usage devient compulsif?
Sans surprise, plus les individus consomment de la pornographie, plus ils ont l’impression de ne pas avoir de contrôle sur leur comportement. Une observation encore plus vraie chez ceux qui vivent de l’insatisfaction conjugale ou sexuelle. Comment l’expliquer?
Chez les participants qui rapportent une vie conjugale et sexuelle épanouie, l’utilisation de la pornographie semble plutôt récréative, et peu susceptible de devenir problématique. À l’inverse, chez les personnes insatisfaites, regarder de la pornographie peut constituer une manière de gérer cette insatisfaction et devenir difficilement contrôlable.
Les chercheurs émettent plusieurs hypothèses pour expliquer les raisons qui poussent un individu à se sentir dépendant de la pornographie.
Pour fuir la réalité
La première hypothèse veut que, lorsque la relation de couple n’est pas harmonieuse, la pornographie peut aider une personne à relâcher ses tensions et ses frustrations. Les personnes qui ne se sentent pas épanouies dans leur relation de couple peuvent alors recourir à la pornographie pour s’échapper ou ignorer cette difficile réalité. Lorsque la relation est particulièrement tendue ou conflictuelle, la pornographie peut servir à exprimer, de manière plus ou moins consciente, de la colère envers son ou sa partenaire, particulièrement s’il ou elle rejette cette pratique.
Une source de satisfaction sexuelle
Une deuxième hypothèse avancée par les auteurs est que, pour les personnes qui ne sont pas satisfaites de leur vie sexuelle, la pornographie peut servir à combler des besoins inassouvis, à rendre la vie sexuelle plus stimulante ou à « remplacer » un partenaire qui est perçu comme étant sexuellement frustrant ou décevant. L’usage de la pornographie peut alors être plus difficile à contrôler, puisqu’il constitue la principale, voire la seule, source de satisfaction sexuelle. Pour les personnes aux prises avec des dysfonctions sexuelles, la pornographie peut servir à se rassurer quant à ses capacités sexuelles, à améliorer son estime personnelle ou encore à gérer la détresse associée à la dysfonction.
Quel impact sur le couple?
La majorité des gens qui regardent de la pornographie n’ont pas de difficulté à contrôler leur comportement. Cependant, les résultats de cette étude montrent que certaines personnes, notamment celles qui vivent des difficultés au niveau conjugal et sexuel, sont plus susceptibles de développer un comportement compulsif.
Sachant que l’usage de pornographie est un phénomène répandu chez la majorité des individus, il serait intéressant de connaître son impact sur la vie conjugale. Ce type de contenu, de plus en plus accessible et diversifié, peut favoriser les rapprochements entre les partenaires et pimenter leur vie sexuelle. En revanche, il peut aussi donner lieu à des situations conflictuelles au sein du couple, notamment lorsque l’un des conjoints perçoit son utilisation comme une forme d’infidélité. Interroger les deux membres du couple pour mieux comprendre leurs perceptions et leurs sentiments pourrait permettre d’avoir un portrait plus global de la situation.