À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation est tiré de l’article de Isabel Côté, Claudia Fournier, Anna Aslett et Kévin Lavoie, « L’accès aux services de fertilité pour les femmes lesbiennes, bisexuelles ou pansexuelles et les personnes queer, trans ou non binaires : une revue rapide des écrits scientifiques », publié en 2024 dans Science of Nursing and Health Practices, vol. 7, no 1, p. 51-74.

  • Faits saillants

  • Afin de réaliser leur projet parental, les personnes de la diversité sexuelle et de genre peuvent recourir à des services de procréation médicalement assistée ou à des services de fertilité.
  • La procréation médicalement assistée est souvent la seule option pour les personnes de la diversité sexuelle et de genre pour fonder une famille. L’accessibilité à ce type de service est influencée par de nombreux facteurs : soutien de l’entourage et du personnel en santé, lois en place, organisation des services de fertilité ainsi que certaines normes sociales en vigueur.
  • L’idée selon laquelle l’hétérosexualité est la norme et celle affirmant que l’identité de genre doit correspondre au sexe assigné à la naissance peut influencer les façons d’agir. L’adhésion à ces croyances peut se manifester par des comportements peu soutenant de la part de certain·e·s proches ou des attitudes négatives de la part de membres du personnel de la santé. En ce sens, elle agit comme un obstacle à l’accès aux services de procréation médicalement assistée pour les personnes de la diversité sexuelle et de genre.
  • Pour plusieurs femmes lesbiennes, bisexuelles et pansexuelles et personnes trans, queers et non binaires, l’absence de jugement des professionnel·le·s et l’intérêt porté à leur projet parental contribuent à améliorer leur parcours.

En plus de l’adoption, les couples de la diversité sexuelle et de genre peuvent se tourner vers les services de procréation médicalement assistée (PMA) s’ils désirent fonder une famille. Nombreuses sont les femmes lesbiennes, bisexuelles, pansexuelles (LBP) et les personnes trans, queers et non binaires (TQNB) à opter pour cette solution. En effet, la PMA est parfois la seule option possible pour les personnes qui souhaitent donner naissance à un enfant. L’accessibilité à ces services est toutefois variable, en fonction de l’endroit où celles-ci résident et de plusieurs autres facteurs se situant à différents niveaux. Tout près d’elles se trouve le soutien reçu de leur entourage et du personnel médical. Plus loin, mais faisant toujours partie de leur environnement figurent les lois en place, la façon dont les services sont organisés ainsi que le coût de ces services. Et on ne peut passer sous silence la norme bien ancrée qui considère l’hétérosexualité comme la seule orientation acceptable et selon laquelle il n’existe que deux genres, le féminin et le masculin, correspondant au sexe assigné à la naissance. Comment ces différents éléments affectent-ils l’accès à la PMA? Comment permettre aux femmes lesbiennes, bisexuelles, pansexuelles et aux personnes trans, queers et non binaires de fonder une famille plus facilement?

L’équipe de la Chaire de recherche du Canada sur la procréation pour autrui et les liens familiaux de l’Université du Québec en Outaouais propose des pistes de réponses à ces questions. De quelle façon? En menant une revue de littérature sur l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les femmes lesbiennes, bisexuelles ou pansexuelles (LBP) et les personnes trans, queers ou non binaires (TQNB). Basée sur 22 études francophones et anglophones effectuées dans huit pays d’Amérique du Nord (dont le Canada), d’Europe et d’Océanie, cette recension permet d’identifier plusieurs facteurs qui influencent l’accès à ce type de services.

Procréation médicalement assistée : ouvrir plus grandes les portes de la parentalité

Qu’est-ce que la procréation médicalement assistée (PMA)? Elle consiste à utiliser un échantillon de sperme, un ovule, ou les deux pour rendre possible la création d’un embryon. L’insémination intra-utérine et la fécondation in vitro font partie des méthodes utilisées et s’accompagnent très souvent d’une stimulation hormonale. Ces procédures sont réalisées en clinique de fertilité, par le personnel infirmier et médical.

À la différence de l’adoption, la PMA offre aux parents la possibilité d’avoir un lien biologique avec l’enfant. Elle permet également de faire l’expérience de la grossesse et de l’allaitement si cela est souhaité. Pour les personnes de la diversité sexuelle et de genre, son utilisation se distingue de celle des couples hétérosexuels, puisqu’elle n’est pas nécessairement envisagée dans un contexte d’infertilité.

L’impact des ami·e·s, de la famille et du personnel médical dans l’accès à la PMA

L’entourage joue un rôle déterminant dans l’accès à la PMA pour les personnes de la diversité sexuelle et de genre. En effet, les ami·e·s et membres de la famille peuvent représenter une grande source de soutien, et peuvent même contribuer financièrement aux coûts élevés de la procédure. De plus, les femmes lesbiennes, bisexuelles et pansexuelles et personnes trans, queers et non binaires peuvent être une grande source de réconfort pour leurs pairs. Appui émotionnel, recommandations de cliniques et de professionnel·le·s, partage d’informations et d’expériences, conseils pour se préparer au processus ou pour faciliter son expérience; les apports sont nombreux.

Cela dit, bien qu’il puisse servir de pilier important, l’entourage des personnes concernées peut également nuire à leur expérience, notamment lorsqu’il entretient des préjugés sur leur orientation sexuelle, leur identité de genre, leur projet parental ou le choix de la méthode pour le concrétiser.

Les professionnel·le·s de la santé et des services sociaux ont également un impact important sur l’accès à la PMA des femmes lesbiennes, bisexuelles et pansexuelles et des personnes trans, queers et non binaires. Leur attitude, leur compréhension des différents enjeux et leur formation influencent directement le processus. En effet, dans leurs interactions avec le personnel de la santé, les personnes trans, queers ou non binaires peuvent être confrontées à un manque de reconnaissance de leur identité de genre. Les femmes LBP et les personnes TQNB doivent parfois composer avec des remarques inappropriées, une remise en question de leur orientation sexuelle ou de leur forme conjugale et tolérer des manifestations d’inconfort. En plus de teinter négativement leur démarche, ce type de comportement peut aussi conduire les personnes concernées à être orientées vers des ressources inadéquates ou à voir leur accès aux services compromis.

Le poids des lois, et de l’organisation des services

Les règles et les normes établies par les différentes instances (cliniques de fertilité, gouvernement, etc.) qui gravitent autour des femmes lesbiennes, bisexuelles et pansexuelles et des personnes trans, queers ou non binaires ont aussi un impact important sur leur accès aux services de procréation médicalement assistée. Et bien que plusieurs législations à travers le monde facilitent grandement l’accès, notamment par la reconnaissance légale de l’homoparenté et la légalisation de la PMA, d’autres l’entravent. Un exemple? Les cliniques de fertilité de certains pays n’autorisent pas le don de sperme d’une personne de l’entourage. Cela force les femmes LBP et les personnes TQNB à débourser des sommes supplémentaires, ce qui peut devenir un obstacle important pour plusieurs d’entre elles.

Le matériel informatif (dépliants et formulaires) non représentatif de leurs réalités agit également comme barrière. L’absence d’informations appropriées à leur situation, entraînant une impression de ne pas se reconnaître dans l’offre de services, peut en mener certaines à se tourner vers d’autres sources d’information provenant de livres ou encore de sites Internet.

Dans la même lignée, il y a les protocoles, élaborés pour les couples hétérosexuels infertiles qui ne sont pas adaptés aux personnes de la diversité sexuelle et de genre. En effet, ces derniers sont utilisés pour les couples de la diversité sexuelle et de genre, alors qu’ils ne sont pas forcément en situation d’infertilité. Un sentiment d’injustice peut naître chez ces couples devant alors se soumettre à des traitements douloureux, coûteux, invasifs et éprouvants émotionnellement alors que cela n’est pas forcément nécessaire. En conséquence? Certains peuvent choisir de quitter le milieu médical et d’opter pour une méthode d’insémination artisanale.

Enfin, le fait que les dépenses liées à la procréation médicalement assistée (PMA) ne soient pas entièrement couvertes par les assurances publiques (comme la RAMQ) et privées est aussi obstacle important. Ces coûts supplémentaires peuvent représenter une somme considérable. Les personnes trans, queers et non binaires qui souhaitent recourir à des traitements d’affirmation de genre peuvent être incapables de payer les deux, faute de moyens. L’impact peut se mesurer par le nombre d’enfants que le couple choisira d’avoir et sur le choix de la personne qui portera le ou les enfants. L’enjeu financier pèse à ce point lourd dans la balance décisionnelle, qu’il peut même mener à l’abandon du projet parental.

En toile de fond? Les normes sociales

L’idée selon laquelle le genre (masculin ou féminin) d’une personne doit être conforme à celui assigné à la naissance et que l’hétérosexualité est le seul modèle acceptable semble liée aux attitudes et comportements peu soutenants que l’on retrouve chez des membres de l’entourage. Ces croyances semblent également responsables, en partie, du manque de qualification et de connaissances de certain·e·s professionnel·le·s. Elles peuvent également contribuer à la mise de côté des besoins et réalités des femmes lesbiennes, bisexuelles et pansexuelles, et des personnes trans, queers et non binaires lors de l’élaboration des lois ou de l’organisation des services.

Dans ce contexte, comment rendre l’expérience de ces futurs parents plus positive? En sensibilisant et formant le personnel médical, infirmier et psychosocial aux différents enjeux les concernant. Plusieurs femmes lesbiennes, bisexuelles, pansexuelles et personnes trans, queers et non binaires qualifient leur expérience de positive lorsque les professionnel·le·s sont sans jugement et intéressé·e·s par leur projet parental. Une offre de documents inclusive de la diversité sexuelle et de genre peut également les amener à se sentir plus accueillies. Pour elles, la production de documentation pertinente à leur situation peut être perçue comme une marque d’ouverture et de compétence. Inclure, à part entière, le coparent – bien qu’il ne soit pas impliqué biologiquement dans la conception de l’enfant – est une autre façon de contribuer à améliorer l’expérience des couples.

Des barrières d’accès qui s’accumulent

Les barrières auxquelles sont confrontées les personnes de la diversité sexuelle et de genre s’ajoutent à celles que l’on retrouve aussi dans la population générale : vivre en région éloignée ou avoir des moyens financiers limités, par exemple. Outre les obstacles, cette revue des écrits permet d’identifier plusieurs éléments pouvant améliorer l’accès à la PMA pour les femmes LBP et personnes TQNB. Connaître ces leviers afin de favoriser la santé reproductive de ces dernières et de leur permettre une plus grande capacité d’agir dans la réalisation de leur projet parental est donc nécessaire. Toutes les personnes qui gravitent autour des femmes lesbiennes, bisexuelles, pansexuelles et des personnes trans, queers et non binaires et qui sont impliquées auprès d’elles jouent un rôle dans leur accessibilité aux services de fertilité.
Des organismes offrent différents types d’accompagnement. La Coalition des familles LGBT+ donne accès à de l’information sur les différentes manières de concrétiser un projet parental et des formations destinées aux professionnel·le·s de la santé et des services sociaux.