À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Mélanie Vachon, « ‘‘It Made Me More Human’’: Existential Journeys of Family Caregivers from Prognosis Notification Until after the Death of a Loved One », publié en 2020 dans la revue Journal of Palliative Medecine, vol. 23, no 12.

  • Faits saillants

  • Se questionner sur le sens de la vie : un passage obligé pour le partenaire d’une personne aux soins palliatifs.
  • Pour les proches d’une personne en fin de vie, la perception de la mort évolue : d’abord évitée pour se protéger soi et l’être cher, elle est peu à peu intégrée à la vie.
  • Dans un contexte de soins palliatifs, le vide et la souffrance peuvent devenir si forts que les femmes choisissent de donner un nouveau sens à cette épreuve.
  • Les femmes qui ont vécu la mort d’un proche aux soins palliatifs se sentent transformées – plus humaines et plus empathiques – à tel point que plusieurs cherchent à partager leur expérience.

Les soins palliatifs : un espace où les proches d’une personne en fin de vie traversent toute une gamme d’émotions. Quel est le sens de la vie? Pourquoi cette épreuve arrive-t-elle? Du diagnostic jusqu’au décès et même après, ils font face à de nombreuses questions sur l’existence. Ces dernières les aident à cheminer d’un sentiment de vide intérieur, jusqu’à un goût renouvelé pour la vie.

La professeure au département de psychologie de l’UQAM, Mélanie Vachon, s’intéresse au parcours des proches des patients aux soins palliatifs au sujet du sens qu’ils donnent à la vie. Elle-même psychologue en soins de fin de vie, elle s’entretient avec 22 femmes ayant perdu un être cher. En retraçant leur parcours, de l’annonce de la maladie jusqu’au décès, la chercheuse constate que ces femmes voyagent entre différents états d’âme.

Repousser la mort, puis l’intégrer à sa vie

D’abord, le choc : le proche tant aimé n’en a plus pour longtemps. Confrontées à cette mort imminente, plusieurs femmes évitent de se laisser emporter par leurs émotions. C’est une façon pour elles de mieux soutenir l’être cher, mais aussi de garder espoir.

Pourtant, la mort se trouve toujours au détour de leurs pensées. Telle une épée de Damoclès, elle pèse sur leurs moindres faits et gestes, et ce, même si elles essaient de se concentrer sur autre chose.

« Oh oui j’y pensais [à la mort]. Ça me paralysait. Complètement. C’est comme si toute ma vie a soudainement changé. C’était irréel. Mais ensuite, me concentrer sur les traitements m’aidait à me préparer, je suppose. » – Deborah, proche d’une personne aux soins palliatifs [traduction libre]

C’est après le décès qu’elles commencent à intégrer la mort à leur réflexion. Cette dernière, désormais bien réelle, palpable, amène les répondantes à réfléchir sur leur propre mortalité.

« Tout peut arriver tellement vite. Une journée tout va bien, et le lendemain tu te fais dire que tu as le cancer et qu’il t’en reste pour trois à six mois. Ça m’a fait prendre conscience de ce genre de chose et on pourrait dire que ça m’a changée. » – Emma, proche d’une personne aux soins palliatifs [traduction libre]

Déprimante, cette confrontation? Pas nécessairement. Pour certaines, la vie leur a semblé plus précieuse à partir de cette réflexion.

Un vide qui se remplit d’un nouveau sens

À quoi rime la vie si, du jour au lendemain, tout peut disparaître? Cette question difficile, plusieurs femmes se la posent lorsque l’être aimé entre aux soins palliatifs. 

« Quand c’est arrivé, c’est comme si tout ce qui semble important ou même pertinent a disparu. Je ne me souciais de rien d’autre que de lui. Tout le reste, le travail, la maison, les choses que j’aimais, plus rien n’avait de sens. Qui s’inquiète pour une maison quand on peut mourir à tout moment? » – Joanna, proche d’une personne aux soins palliatifs [traduction libre]

Ce vide, combiné à la douleur qu’elles observent chez leur proche, crée chez elles une intense souffrance. Comment surmonter l’épreuve alors? En la transformant en expérience positive.  

Cette lumière, plusieurs la trouvent en donnant les soins apportés à l’être aimé. C’est dans cet ultime geste d’amour et d’intimité qu’elles construisent une planche de salut et donnent un nouveau sens à l’adversité. Vivre une telle épreuve, à la fois intense et riche, les amène à éprouver un sentiment d’accomplissement et de dépassement de soi. Certaines découvrent même en elles une force jusqu’alors insoupçonnée.

« Oui c’était difficile, très difficile, mais mon rôle était de prendre soin de lui jusqu’à la fin. Prendre soin de mon mari et de personnes aînées était ma mise, qui est désormais accomplie. » – Diane, proche d’une personne aux soins palliatifs [traduction libre]

Passer à autre chose ou partager?

Au-delà du deuil et de la perte, un cadeau surprenant attend ces femmes après ce long voyage. Malgré la tristesse et l’épuisement, une transformation s’opère : elles sentent qu’elles se connaissent mieux et qu’elles sont plus conséquentes avec leurs valeurs profondes.

« Hé bien, dans un sens, ça m’a rendue plus humaine, comme une meilleure version de moi-même, plus compatissante et plus sensible. » – Patricia, proche d’une personne aux soins palliatifs [traduction libre]

Pour certaines, c’est seulement plusieurs mois après le départ de l’être cher qu’elles remarquent leur évolution. Partager, échanger et communiquer – que ce soit avec des proches ou des professionnels en santé mentale – est la formule gagnante qui leur a permis de les remarquer. Plusieurs souhaitent maintenant transmettre leurs expériences, comme autant de témoignages et d’apprentissages à enseigner aux autres.

« Grâce à de l’aide professionnelle, j’ai… donné un sens à ce qui est arrivé. J’ai même donné un sens… au fait d’être sereine face à la mort et d’en parler. Ça rend l’expérience encore plus réelle, mais, je me disais que mon histoire pourrait aider d’autres personnes. Je souhaite pouvoir aider les autres. » – Kista, proche d’une personne aux soins palliatifs [traduction libre]

Des soins pour toute la famille… et pour tous les genres?

Si les soins palliatifs sont un espace pour les patients en fin de vie et leurs proches, ces derniers complètent ce voyage existentiel des mois après le décès de l’être cher. Comment accompagner ces familles au-delà du dernier repos, notamment les hommes aidants, plus difficiles à rejoindre? Pour la chercheuse, les soins palliatifs devraient assurer un soutien psychologique pour les familles de l’annonce du diagnostic, jusqu’au décès, et même après la maladie. En attendant cette prise en charge plus complète, des alternatives existent au sein du milieu communautaire partout dans la province pour offrir soutien et écoute aux personnes proches aidantes et endeuillées.