À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’essai de Stéphanie-M. Fecteau, Louise Boivin, Marcel Trudel, Blythe A. Corbett,Frank E. Harrell Jr, Robert Viau, Noël Champagne et Frédéric Picard, « Parenting stress and salivary cortisol in parents of children with autism spectrum disorder: Longitudinal variations in the context of a service dog’s presence in the family », publié en 2017, dans Elsevier, Psychoneuroendocrinology, volume 35, numéro 8.

  • Faits saillants

  • Les parents d’enfants diagnostiqués autistes présentent un niveau élevé de stress, que l’on peut qualifier de chronique. Ils sont plus fragiles mentalement et manquent souvent de confiance en eux.
  • Un chien d’assistance, compagnon affectueux et entraîné à rester toujours calme, rend les difficultés quotidiennes moins menaçantes.
  • La présence à long terme du chien d’assistance aide à créer une routine de vie et réduit considérablement le niveau de stress de la famille.

Être parent d’un enfant qui présente un trouble du spectre autistique (TSA) peut constituer un véritable défi. Nombreux sont ceux qui témoignent d’un stress chronique dû à leurs responsabilités parentales. Obtenir un diagnostic, gérer des comportements parfois imprévisibles, accéder à des services et des traitements font partie de leurs tribulations quotidiennes pour assurer les besoins de leurs enfants. Selon certaines études qualitatives[1], la présence d’un animal de compagnie peut contribuer à apaiser les esprits, aussi bien chez l’enfant que chez les parents.

Pour vérifier cette hypothèse, les chercheurs ont mesuré l’effet de la présence d’un chien d’assistance sur le niveau de stress des parents d’enfants présentant un TSA. Ils ont observé les variations d’un biomarqueur, le cortisol, à différents moments de la journée, durant plusieurs mois. Le cortisol est produit par le corps lorsque la personne est soumise à un évènement stressant et il est également associé au cycle de réveil-endormissement. Normalement élevé au réveil, il aide à sortir de l’engourdissement du sommeil. Sa production diminue tout au long de la journée et est au plus bas lors de l’endormissement. Pour une personne souffrant de stress chronique, on constate une production déréglée de cortisol, par rapport à un individu typique.

Les chercheurs ont recruté près de 100 familles comptant des enfants diagnostiqués TSA, âgés entre 5 et 10 ans. La moitié de ces familles (49) ont reçu un chien d’assistance entraîné[2] (le groupe expérimental); l’autre moitié (49) a constitué le groupe de contrôle. Des échantillons de salive des parents ont été prélevés, trois fois par jour, pour analyser le taux de cortisol, avant et après l’arrivée du chien.

Un stress chronique

Selon une étude de 2005[3], près d’une mère sur cinq (17 %) avec un enfant présentant un « développement typique » se dit particulièrement stressée. Chez les mères d’enfants présentant un TSA, cette proportion est triplée : plus de la moitié (60 %) vivent un stress au-dessus de la normale. Ces mères ont souvent peu confiance dans leurs capacités parentales, sont plus fatiguées et ont une santé mentale plus fragile.

D’après les tests, les chercheurs constatent que le groupe de contrôle, soit les familles vivant sans chien, présente une faible production de cortisol au réveil. Ces personnes étant constamment stressées, leur cerveau s’accoutume au cortisol. Elles présentent donc une forme d’insensibilité des récepteurs qui sont sensés réagir rapidement aux évènements ponctuels (par exemple, la phase de réveil).

En regardant la courbe du groupe expérimental dans le graphique 1, on peut voir les effets de l’arrivée du chien (semaines 4 à 15) dans la famille. La production de cortisol au réveil est plus élevée que celle du groupe de contrôle.

Dans le second graphique, on peut voir que le taux de cortisol du groupe expérimental est beaucoup plus faible en fin de journée que le groupe contrôle

Les chercheurs constatent donc une réduction générale du stress des parents, avec une régularisation de la production de cortisol qui reprend les variations typiques attendues.

Une présence réconfortante

La présence du chien d’assistance semble être un facteur clé de réduction du stress chez les parents. Ces chiens sont entraînés à toujours rester calmes et cette attitude aide à dédramatiser les situations difficiles.

Les parents témoignent également des bénéfices reliés au fait de devoir prendre soin du chien au quotidien, i.e. l’établissement d’une routine, d’un rythme de vie plus conventionnel. Ils focalisent ainsi beaucoup moins sur les difficultés de leurs enfants et les nombreuses rencontres avec les médecins.

Un autre point important : de nombreux parents d’enfants avec un TSA disent avoir des nuits difficiles à cause du sommeil perturbé de leurs enfants. Au cours de l’expérience, les enfants ont apparemment passé des nuits plus paisibles grâce à la présence du chien. Par ricochet, cela améliore grandement le sommeil des parents et les aide à réduire leur niveau de stress.

Apaiser toute la famille!

Cette étude fait suite à une autre recherche datant de 2009, par les mêmes auteurs, qui s’intéressait aux effets de la présence d’un chien d’assistance sur la production de cortisol chez les enfants diagnostiqués TSA[4]. Ils avaient déjà remarqué une baisse du niveau de stress de ces enfants.

Les chiens d’assistance, avec un entraînement propice, aide à rendre les difficultés quotidiennes moins angoissantes à la fois pour l’enfant et ses parents. L’affection, la distraction et l’effet protecteur offerts par le chien permettent aux enfants d’interagir avec leur environnement en se sentant plus en confiance, ce qui facilite leur adaptation.

Les chercheurs expliquent que le stress chronique vécu par les parents peut être présent à n’importe quel stade du développement de leurs enfants. Selon eux, la présence d’un chien d’assistance, dès leur plus jeune âge, favorise à long terme le bien-être de toute la famille.

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[1] Cox, 1993 , Berry et al., 2012, Guéguen & Ciccotti, 2008, McNicholas & Collis, 2000, Messent, 1985 Triebenbacher, 2000

[2] Tous les chiens ont été formés par l’école de chiens-guides de la fondation MIRA.

[3] Baker-Ericzén,Brookman-Frazee, & Stahmer, 2005

[4] Effect of service dogs on salivary cortisol secretion in autistic children 2009, Robert Viau, Geneviève Arsenault-Lapierre, Stéphanie Fecteau, Noël Champagne, Claire-Dominique Walker, Sonia Lupien