À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation est tiré du chapitre d’Océane Perona, Geneviève Lessard, Marie-Christine Saint-Jacques et Josée Turbis, « Les violences entre parents après une séparation : qu’en est-il lorsque la coparentalité est dégradée? », publié en 2023 dans La séparation parentale et la recomposition familiale dans la société québécoise, p. 439-455. Canada : Presses de l’Université Laval.

  • Faits saillants

  • La violence entre ex-partenaires est complexe, s’inscrit dans un processus qui débute avant la rupture et qui se continue après celle-ci.
  • En 2014, au Canada, 41% des personnes ayant subies des violences physique ou sexuelle de la part de leur partenaire affirmaient qu’elles s’étaient produites en contexte de séparation. Près de la moitié d’entre elles affirmaient que les violences s’étaient aggravées après la rupture.
  • Chargé en émotions et en tension, le contexte de séparation est un terreau fertile à la manifestation de comportements violents. En 2014, au Canada, la moitié des victimes de violence post-séparation ont subi cette violence pendant plus de 6 mois après la fin de la relation.
  • Les mères dont le conjoint utilisait la violence pour les contrôler affirment très fréquemment que la qualité de la relation coparentale s’est détériorée après la séparation.
  • Le terrorisme intime, la résistance violente et la violence situationnelle sont 3 dynamiques de violence que l’on peut observer entre partenaires intimes. Dans les deux premières, la violence est utilisée par le ou la partenaire afin de contrôler l’autre personne. Il y a présence d’une inégalité au sein des rapports de pouvoir. Dans la violence situationnelle, ce sont plutôt des désaccords et l’escalade des conflits qui amènent un·e partenaire (ou les deux) à recourir à la violence.

Au Canada, en 2014, 41% des personnes victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire intime attestaient avoir subi ces agressions en contexte de séparation. Alors que 49% d’entre elles affirmaient que la violence s’était aggravée après la rupture, 51% précisaient qu’elle s’était maintenue pendant plusieurs mois après la fin de la relation. Chargée en émotions et en tension, la séparation est une transition complexe pour les victimes, notamment pour les mères, parfois forcées de maintenir des interactions fréquentes avec leur ex-partenaire parce qu’elles partagent avec lui des responsabilités liées aux enfants. Quels types de violence peut-on observer entre les parents séparés? Quatre profils se dessinent.

Océane Perona, postdoctorante à l’Université Laval, ses collègues de l’École de travail social et de criminologie de la même université et une intervenante de l’organisme Violence Info se sont intéressées aux violences entre parents séparés. Première étude au Québec à mettre des chiffres sur la violence post-séparation, elle se penche sur les caractéristiques associées aux différentes formes de violences que l’on peut observer entre les parents séparés. À partir des données de l’Enquête longitudinale auprès des parents séparés et recomposés du Québec, les chercheuses ont retenu la participation de 323 parents (188 mères et 135 pères). Ces parents ont été sélectionné·e·s parce qu’ils ont subi ou exercé de la violence et ont affirmé être dans une relation coparentale de mauvaise qualité. Pourquoi considérer l’état de la relation coparentale? Bien que la détérioration de cette relation ne permette pas de mesurer directement la présence d’une inégalité dans les rapports de pouvoir entre les parents, elle apparaît, pour les chercheuses, comme un indice de la présence d’une certaine forme de contrôle.

La violence post-séparation, un processus

Bien qu’elle tire son nom du contexte de rupture lui-même, la violence post-séparation n’est pas une situation qui apparaît subitement au moment où les conjoint·e·s décident de rompre. Elle renvoie plutôt à un processus , une dynamique qui commencerait à s’élaborer bien avant la séparation, et qui se poursuivrait après celle-ci.

Cette violence prend de multiples formes et s’organise de plusieurs façons. Le terrorisme intime, la résistance violente et la violence situationnelle sont trois dynamiques dans lesquelles une ou les deux personnes du couple ont recours à la violence pour différentes raisons. Quel élément permet de les distinguer? Une inégalité de pouvoir dans la relation. Ce déséquilibre s’observe dans les relations où l’une des deux personnes du couple utilise la violence afin de contrôler l’autre. On parle alors de contrôle coercitif. Ce type d’emprise est présent dans le terrorisme intime et la résistance violente.

Quand la coparentalité se dégrade

En contexte de violence, les mères se retrouvent dans une situation particulière. Le fait d’avoir un ou des enfants avec leur partenaire les oblige souvent à maintenir le contact avec lui. Celles dont le conjoint cherchait à exercer un contrôle sur elles reconnaissent que la qualité de la relation coparentale s’est détériorée après la séparation. Il semble donc que la présence de violence avant la rupture ait un impact sur la qualité de cette relation une fois le couple séparé. Ces mères disent vivre plus de conflits avec leur ex-partenaire et être davantage victimes de harcèlement que celles ayant vécu dans une dynamique de violence sans contrôle coercitif. Elles affirment recevoir moins de soutien de la part de leur ex-conjoint dans l’exercice des responsabilités liées aux enfants. Il semble que cette relation qui unit encore les parents devienne un lieu où la violence peut s’exercer.

Des expériences qui se ressemblent?

Bien que les violences post-séparation subies par les parents diffèrent en plusieurs points, 3 classes se distinguent selon certains éléments qu’ils et elles partagent dans leur expérience. Les caractéristiques des violences subies, leur fréquence et le fait que les parents aient eu recours (volontairement ou par contrainte) aux services de protection de l’individu (protection de la jeunesse, hébergement, hospitalisation, police ou supervision des droits d’accès) agissent comme point de rencontre et de différenciation.

Pourquoi les classer? Regrouper les parents selon différents profils de violence permet de recueillir des informations sur leur situation socio-économique . Les parents appartenant à la classe « violences et services de protection de l’individu », par exemple, ont une situation plus précaire que les autres parents de l’étude. En effet, lors de la séparation, ces parents étaient moins nombreux à occuper un emploi salarié, et deux fois plus à recevoir des prestations d’aide sociale, à être au foyer ou en congé de maternité. La plus grande présence de violence a également mené plus de parents à recourir (de façon volontaire ou non) un ou des services de protection. Les chiffres sont révélateurs : le service de police est intervenu auprès des deux tiers du groupe. Le recours à ces services est donc plus fréquent lorsque des violences physiques ou sexuelles s’ajoutent aux violences psychologiques et qu’elles se reproduisent plusieurs fois.

Des violences qui se répètent? Un plus grand danger

Le désir de mettre en évidence les contextes de séparation dans lesquels les violences s’apparentent à celles que l’on pourrait observer dans le terrorisme intime a mené l’équipe de recherche à créer un sous-groupe de parents. Ce groupe est composé de celles et ceux qui ont vécu de la violence avant et après la séparation. Ainsi, les parents qui ont affirmé que la violence avait été un motif de séparation, celles et ceux qui ont mentionné que la police était intervenue ou qui ont révélé avoir utilisé des services d’hébergement après la séparation constituent ce dernier groupe. Pourquoi ces critères? Selon les chercheuses, ils sont associés à la possibilité de la présence d’une violence plus grave ou dangereuse dans la relation.

Un plan, du soutien et de l’accompagnement

Les données permettent de confirmer une chose : la séparation expose les parents à un risque de vivre des violences. Les mères courent un plus grand danger, alors que 5% de celles qui ont été interrogées subissent des violences qui ressemblent au terrorisme intime contre 0,1% des pères. Le risque semble encore plus grand pour les mères qui se séparent et qui sont dans une situation économique difficile ou dans une situation qui contribue à les isoler (sans emploi ou en congé de maternité par exemple). La présence et le soutien des proches peuvent faire une réelle différence dans la vie de ces mamans, alors qu’elles désirent se libérer de la violence et retrouver une certaine autonomie. Plusieurs organismes comme Violence info et SOS violence conjugale donnent accès à une ligne d’écoute, un espace pour clavarder avec une intervenante, ainsi qu’à des outils en ligne et à de la documentation sur les différents types de violence. Les intervenantes peuvent accompagner ces femmes dans une démarche leur permettant de quitter la relation avec un plan clair et des options qui voient à leur sécurité.