Quelques repères sur la région

Différents peuples autochtones habitent le territoire de Chaudière-Appalaches avant la colonisation française, laquelle débute en 1636 dans cette région. Le territoire est le théâtre des guerres iroquoises et de la guerre de Conquête. Le XIXe siècle marque l’essor de l’industrie forestière qui entraîne un développement économique et une croissance démographique importante. La croissance est telle, qu’à partir des années 1950, de nombreux Beaucerons décident d’émigrer au Maine (États-Unis), car l’espace est insuffisant dans les seigneuries et les cantons. Les années 1930 témoignent de la naissance d’industries manufacturières à Lévis, Montmagny et dans la Beauce. De par sa proximité avec la ville de Québec, une partie de Chaudière-Appalaches vit une seconde moitié du XXe siècle sous le signe de l’étalement urbain, dont l’ouverture du pont Pierre-Laporte (1970) accélère le rythme. Une partie de la région se transforme en banlieue pour les travailleurs de la Rive-Sud de Québec. Le développement domiciliaire de la MRC de Lévis est particulièrement marquant alors que celle-ci devient un important centre de services. La région, caractérisée par des paysages urbains, banlieusards, mais également agricoles, industriels et forestiers, abrite donc des familles aux réalités diverses. 

Portrait de population

Jeunes… et moins jeunes

La population de Chaudière-Appalaches est assez âgée, mais en regardant de plus près, certaines MRC sont plus vieilles que d’autres. L’âge médian y est de 44,5 ans, contre 42,4 ans pour l’ensemble de la province. Par contre, on note d’importantes différences au sein des MRC : l’âge médian est d’environ 40 ans dans la Nouvelle-Beauce et grimpe au-dessus de la barre des 50 ans dans les MRC de L’Islet, Montmagny, les Etchemins et les Appalaches.

Croissance ou décroissance : difficile de caractériser la région 

En 2017, Chaudière-Appalaches est la 7e région la plus populeuse du Québec. En un quart de siècle (entre 2011 et 2036), sa population croîtra de 8,8 %. Cette croissance est moindre que celle prévue pour le Québec :  la population de la province augmentera de 17,3%. Par contre, le portrait est loin d’être homogène : l’axe de la Chaudière, bordant Lévis, est marqué par une hausse de la population (Chutes-de-la-Chaudière, Desjardins, La Nouvelle-Beauce, Lotbinière, Bellechasse) et l’axe des Appalaches comprend quatre MRC en décroissance (Les Appalaches, Montmagny, L’Islet et Les Etchemins).  

Pour illustrer ces différences en chiffres, la croissance sera, entre 2011 et 2036, de plus de 20% dans Lotbinière (22,6 %), alors que d’autres MRC connaîtront une décroissance, comme Les Etchemins (-9,0 %). 

Portrait de familles  

Les deux font la paire  

Proportionnellement, les familles monoparentales sont peu présentes dans Chaudière-Appalaches. En 2016, chez les familles avec enfants, une sur quatre est monoparentale (25,1%), la plus basse proportion à l’échelle de la province. Toutefois, malgré qu’elle ait la plus faible proportion, entre 2006-2016, la monoparentalité demeure en hausse dans la région (+2 %), un constat applicable à l’ensemble de la province. 

La monoparentalité au féminin en perte de vitesse 

Les femmes sont majoritairement à la tête des familles monoparentales, mais Chaudière-Appalaches se démarque tout de même de la province à ce chapitre. Alors qu’au Québec, un peu plus de trois quarts (75,3 %) des familles monoparentales sont dirigées par une femme, cette proportion baisse à 69,8 % pour Chaudière-Appalaches, la deuxième plus basse au Québec après l’Abitibi-Témiscamingue (69,1 %). 

L’union libre a la cote !  

Le déclin de l’institution du mariage se fait particulièrement sentir auprès des couples de Chaudière-Appalaches, bien plus que dans l’ensemble de la province. En effet, en 2016, 56,9% des couples de la région vivent en union libre, alors que cette proportion est de 42,7% au Québec. 

Où sont les enfants ? 

Les familles avec enfants sont de moins en moins nombreuses dans la région. En dix ans (2006-2016), leur nombre chute de 4,4 %, alors qu’il augmente de 1,6% pour l’ensemble de la province. Ici aussi, le portrait est loin d’être uniforme, et des disparités entre les différentes MRC apparaissent. Le nombre de familles avec enfants grimpe de 7,7 % dans  la MRC de Lotbinière, alors qu’il chute de près de 20% dans contre des baisses qui frôlent le 20 % dans les MRC de l’Islet, Montmagny et Les Etchemins.  

Conditions de vie

Un portefeuille familial garni 

Lorsqu’il est question de revenus, plusieurs familles de Chaudière-Appalaches se portent bien. En effet, en 2016, la région compte 5,1% de familles à faible revenu, la plus petite proportion à l’échelle du Québec. Mais, encore une fois, le portrait montre des disparités entre les MRC. Le taux de familles à faible revenu avoisine les 4% dans Lévis, alors qu’il approche les 7% dans Montmagny (6,6%). 

Même les familles monoparentales s’en tirent mieux que celles de la province. La région compte le plus faible taux de familles monoparentales à faible revenu du Québec (18,5%), une proportion qui atteint 27,2% à l’échelle de la province. 

En fait, le revenu médian des familles monoparentales est supérieur à celui de l’ensemble du Québec, soit 47 820 $ contre 44 370 $. À titre de comparaison, le revenu médian des familles monoparentales de la région de la Capitale-Nationale, le plus élevé au Québec, est de 49 540$. 

Richesse matérielle : disparités internes 

Comment les habitants de la région s’en tirent-ils sur le plan matériel? La région fait bonne figure : seule une personne sur cinq est jugée très défavorisée. Sans surprise, toutes les MRC ne sont pas logées à la même enseigne. Dans certaines MRC, comme Les Etchemins, la proportion de la population considérée très défavorisée au plan matériel est de 65%, alors qu’elle est de 1,6% dans Le Littoral. 

Profitant du dynamisme de l’agglomération urbaine de Québec, la MRC de Lévis est très peu touchée par la défavorisation matérielle. On y trouve, selon le niveau des responsabilités attribuées, des emplois de complexité supérieure, de grands fabricants, des entreprises de services spécialisés et des sièges sociaux. En revanche, le déclin de l’industrie forestière et du secteur de la transformation du bois entraîne des difficultés économiques importantes à Lac-Etchemin. 

Chaudière-Appalaches et la recherche

Grâce aux deux universités qui la bordent (l’Université Laval et l’Université du Québec à Rimouski), Chaudière-Appalaches peut compter sur un bassin d’étudiants et d’étudiantes à la maîtrise et au doctorat qui s’intéressent aux familles de la région. Cependant, comme c’est le cas pour plusieurs autres régions administratives du Québec, peu d’études abordent les réalités familiales en prenant en compte les particularités locales qui influencent leur quotidien. Également, si quelques étudiants et étudiantes des cycles supérieurs s’intéressent aux familles de Chaudière-Appalaches, on trouve en revanche peu de chercheurs ou chercheuses qui font de ces questions leur champ de compétence.   

Cap sur la jeunesse !  

L’efficacité et la pertinence des services de santé et sociaux offerts aux jeunes de Chaudière-Appalaches fait l’objet d’une étude.  

La portée d’un modèle d’intervention de type « médiation » implanté dans trois Centres jeunesse du Québec, dont celui de Chaudière-Appalaches, est le sujet de recherche de Gabus (2016). Cette chercheure présente ce modèle qui vise à prévenir la criminalisation des adolescents ayant des troubles de comportement sérieux. Sa valeur ajoutée ? Il réunit la famille de l’adolescent et des représentants des autorités, tels que les intervenants, dans une approche consensuelle. Les résultats de l’étude montrent que le modèle profiterait davantage aux adolescents plus âgés et de sexe masculin. De plus, le niveau de revenu, de richesse et de scolarité des parents, ainsi que la dynamique familiale, laisseraient présager l’évolution des difficultés des adolescents. 

Les enfants en famille d’accueil : une réalité bien présente  

Des recherches sur les enfants en famille d’accueil dans Chaudière-Appalaches font état de l’importance de l’engagement du parent biologique et du parent d’accueil dans le développement des enfants. 

L’une de ces recherches s’intéresse aux facteurs nécessaires au déploiement des comportements sociaux et aux capacités émotionnelles des jeunes enfants placés en famille d’accueil. Les résultats montrent que la sensibilité du parent d’accueil est cruciale pour que l’enfant se sente en sécurité (Saint-Pierre, 2016). 

La contribution du parent biologique envers son enfant placé en famille d’accueil est aussi très importante. C’est ce que révèle l’étude de Poitras et Tarabulsy (2017), réalisée en collaboration avec les Centres jeunesse de Québec, Chaudière-Appalaches et Lanaudière. Les chercheurs montrent que le maintien des contacts entre l’enfant et ses parents biologiques augmenterait les chances d’une réunification familiale. 

Des parents responsables   

Pas facile d’être parents! D’autres études veulent développer les ressources qui soutiennent les parents dans leurs responsabilités. Le programme Mieux intervenir auprès de mon enfant avec un diagnostic de TDA/H, élaboré par deux psychologues de la Commission scolaire des Navigateurs, a été implanté dans la MRC de Lévis. Une étude (Bernier, 2009) aborde l’efficacité d’un programme d’intervention pour parents d’enfants avec un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H). Bernier rapporte que, selon les parents, les effets du programme ont été limités. Les parents auraient peu intégré les moyens et outils inculqués par la formation dans leur quotidien, entraînant par leur fait même, des changements minimes de comportements chez certains enfants. Néanmoins, la participation au programme a permis aux parents de se sentir entourés et soutenus. Ils affirment également qu’une attitude plus sereine et positive leur permet d’améliorer la relation qu’ils entretiennent avec leur enfant.  

Qu’en est-il du rôle des parents dans une situation plus délicate, lorsqu’un enfant est victime d’une agression sexuelle par exemple? Voilà le genre de questionnement qui anime l’étude de Tremblay (2016). L’auteure révèle que, pour le bien-être de l’enfant, les différences de réaction entre les mères et les pères doivent être prises en considération lorsqu’une telle situation se produit. En effet, les mères auraient un comportement empathique et altruiste, alors qu’à l’inverse, les pères démontreraient plus de colère et d’hostilité envers l’agresseur au moment du dévoilement. Les participants à l’étude ont été référés par le Centre d’aide et de lutte aux agressions à caractère sexuel (CALACS) de Chaudière-Appalaches.  

L’allaitement maternel : l’éternel débat

Le discours entourant l’allaitement repose sur les bienfaits de cette pratique, tant pour la mère que l’enfant. Pourquoi alors, certaines femmes décident-elles d’arrêter d’allaiter? Des chercheures se penchent sur la problématique.  

Couture (2013) montre la nécessité des approches de soutien à l’allaitement, en comparant la sensibilité et l’anxiété des mères desservie par le Centre de santé et de services sociaux du secteur du Grand Littoral qui poursuivent l’allaitement et celles qui l’ont cessé. Il est, selon elle, important de connaître les facteurs qui influencent l’allaitement, tels que le revenu, l’anxiété de la mère ou le suivi de cours prénataux, afin d’offrir un soutien adéquat aux mères plus portées à arrêter l’allaitement. 

En accord avec une autre étude, plusieurs facteurs peuvent expliquer ce choix. Ainsi l’intention d’allaiter, les difficultés d’allaitement et les problèmes de tétée, la sensibilité maternelle et le contact physique sont tous associés à l’arrêt de l’allaitement (Ferland, 2011). En revanche, un seul de ces facteurs serait prédictif de la poursuite de l’allaitement : l’intention ferme d’allaiter. 

 Quel accueil pour les personnes immigrantes ? 

Des chercheuses décident également d’adresser la problématique de l’inclusion des personnes immigrantes hors des grands centres urbains, constatant que leur réalité demeure peu documentée.   

Comment les nouveaux et nouvelles arrivantes dans Chaudière-Appalaches vivent-ils la distance géographique avec leur pays d’origine? Pour répondre à cette question, une étudiante-chercheuse s’intéresse au quotidien des personnes immigrantes de première génération (Garant, 2010). En utilisant le cas des nouveaux arrivants dans la région de Thetford Mines, elle se penche sur la façon dont ils vivent la distance géographique qui les sépare de leur famille. Le maintien des liens avec la famille dans le pays d’origine procure un soutien émotionnel et facilite la transition, ce qui contribue à leur bien-être. 

Qu’en est-il des services sociaux qui s’adressent aux familles immigrantes? Dans sa recherche, Hinse (2018) constate que ceux offerts dans les régions rurales du Québec sont souvent inadéquats. Elle remarque également que la plupart des travailleuses sociales interrogées dans Chaudière-Appalaches n’interviennent que rarement auprès de personnes immigrantes. Cette lacune s’explique par le fait qu’elles ne bénéficient d’aucune formation liée à l’intervention interculturelle. D’un point de vue pratique, l’auteure recommande que les professionnels du réseau aient accès à une formation ou à des conseils spécifiques sur les lois qui encadrent l’immigration, et qu’ils soient mis au courant des différentes ressources et services auxquels les immigrant.es ont accès en fonction de leur statut. De meilleurs services sociaux pour les familles immigrantes qui habitent en région passeraient donc par une meilleure connaissance de leur situation. 

Une région hétéroclite, dans l’ombre de la Capitale  

Banlieue aux abords de la capitale nationale, mais aussi région rurale, Lévis comme centre des services, mais Les Etchemins comme terreau de l’industrie forestière : Chaudière-Appalaches est une région diversifiée et les écarts de croissance démographique et économique entre ses MRC en sont le reflet.  

De nombreuses réalités familiales doivent être défrichées, puisque la plupart des études ne traitent pas nécessairement les réalités propres à la région. Puisqu’une partie de la région est une banlieue de la ville de Québec, et qu’une autre est plutôt rurale, les réalités familiales y varient probablement beaucoup. Le quotidien des familles de Lévis n’est probablement pas représentatif du quotidien d’une famille qui vit dans les Etchemins ou à l’Islet. Si un portrait général des réalités familiales de la région est possible, et souhaitable, il y a fort à parier qu’il faudrait, en plus, aborder les différentes réalités et conditions de vie des familles à une échelle encore plus petite. Si deux universités bordent Chaudière-Appalaches, il faut maintenant que ces particularités régionales soient à l’ordre du jour des recherches scientifiques futures. 

Bibliographie par section

Quelques repères sur la région

Portrait de population  

Institut de la statistique du Québec. (2020). Âge moyen et âge médian de la population, selon le sexe, Chaudière-Appalaches et ensemble du Québec, 2001, 2006, 2011 et 2015-2019.

Institut de la statistique du Québec. (2014). Perspectives démographiques des MRC du Québec, 2011-2036.

Bourassa, A., Laplante, O. (2015). Des avancées et des défis en Chaudière-Appalaches : Pour une région en santé. Québec : Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches.

Portrait de familles  

Ministère de la Famille. (2018). « Coup d’œil régional sur les familles. Les régions administratives et les MRC du Québec qui se distinguent sur le plan sociodémographique en 2016 », Bulletin Quelle famille?,  vol. 6, no 3.

Conditions de vie  

Gravel, M.-A., et collab. (2016). Le positionnement de la région et des territoires de centres locaux d’emploi d’après l’indice de défavorisation matérielle et sociale, 2011 -Chaudière-Appalaches. Québec : Institut de la statistique du Québec.  

Institut de la statistique du Québec. (2019). Panorama des régions du QuébecÉdition 2019.

Institut de la statistique du Québec. (2015). Coup d’oeil sur les régions et les MRC : La Chaudière-Appalaches ainsi que ses municipalités régionales de comté (MRC).  

Chaudière-Appalaches et la recherche 

Basile, S. (2017). Le rôle et la place des femmes Atikamekw dans la gouvernance du territoire et des ressources naturelles (Thèse de doctorat). Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Département des sciences de l’environnement, Rouyn-Noranda (Québec). 

Bernier, C. (2009). Évaluation d’un programme pour parents d’enfant(s) présentant un déficit de l’attention/hyperactivité (Essai doctoral). Université du Québec à Trois-Rivières, Département de psychologie, Trois-Rivières (Québec).

Couture, M.-E. (2013). Étude descriptive de la sensibilité et de l’anxiété de la mère primipare selon la poursuite de l’allaitement maternel jusqu’à six mois (Mémoire de maîtrise). Université du Québec à Rimouski, Département des sciences infirmières, Rimouski (Québec).  

Ferland, M. (2011). Les facteurs associés à l’arrêt de l’allaitement maternel avant trois mois chez des mères de la région de Chaudière-Appalaches (Mémoire de maîtrise). Université de Sherbrooke, Faculté de médecine et des sciences de la santé, Sherbrooke (Québec).  

Gabus, J. (2016). Modérateurs de l’efficacité d’une approche de médiation auprès de jeunes suivis pour troubles de comportement en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse (Essai doctoral). Université Laval, Département de psychologie, Québec (Québec).

Garant, M. (2010). L’expérience du transnationalisme dans un contexte de régionalisation de l’immigration au Québec : le cas des immigrants à Thetford Mines (Mémoire de maîtrise). Université Laval, Département d’anthropologie, Québec (Québec).  

Hinse, S. (2018). L’intervention sociale auprès des familles immigrantes de Québec et Chaudière-Appalaches (Mémoire de maîtrise).  Université Laval, Département de service social, Québec (Québec).  

Laliberté, C. (2015). Les perceptions d’adolescents à haut potentiel intellectuel à l’égard des pratiques d’enseignement en milieu défavorisé (Mémoire de maîtrise). Université du Québec à Rimouski, Unités départementales des sciences de l’éducation, Rimouski (Québec).

Poitras, K., & Tarabulsy, G. M. (2017). Les contacts parent-enfant suite au placement en famille substitut : Liens avec la stabilité du placementEnfances Familles Générations. Revue interdisciplinaire sur la famille contemporaine28, Article 28.

St-Pierre, A. (2016). Attachement des enfants en famille d’accueil : contribution de la santé mentale et de la sensibilité interactive du parent d’accueil ainsi que des caractéristiques du placement (Essai doctoral). Université Laval, Département de psychologie, Québec (Québec).