À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Raymonde Gagnon et Olivier Champagne-Poirier, « Giving Birth to Another Child: Women’s Perceptions of Their Childbirth Experiences in Quebec », publié en 2021 dans Qualitative Health Research, vol. 31, n° 5, p. 955-966.

  • Faits saillants

  • Pour les mères interrogées, l’accouchement idéal se fait par voie vaginale, sans épidurale et avec le moins d’interventions possible.
  • Les mères ont parfois l’impression que le personnel médical prend peu leurs besoins en compte et souhaitent donc se sentir plus en contrôle lors d’un deuxième accouchement.
  • À l’inverse du personnel soignant à l’hôpital, les mères ont l’impression que les sages-femmes en maison d’accouchement respectent davantage leur bulle et leurs souhaits.

« C’est triste à dire, mais le jour où ma première fille est née est l’une des pires journées de ma vie. À l’inverse, la naissance de mon deuxième enfant est parmi les plus belles journées de ma vie », raconte Isabelle, qui s’est sentie bousculée par le personnel médical lors de son premier accouchement. Comme Isabelle, certaines femmes ont l’impression que leur avis et leur confort passent à la trappe pendant cet évènement aussi nouveau qu’inquiétant. Comment les mères entrevoient-elles leur deuxième accouchement ? Certaines mères choisissent une approche moins « médicalisée » et souhaitent être plus en contrôle lorsqu’elles donnent naissance à leur deuxième enfant.  

C’est ce que remarquent Raymonde Gagnon et Olivier Champagne-Poirier, respectivement professeure à l’Université du Québec à Trois-Rivières et professeur à l’Université de Sherbrooke. Les chercheurs donnent la parole à 20 femmes âgées de 26 à 41 ans ayant au moins deux enfants et ayant accouché dans les six derniers mois. Leur objectif ? Comprendre en quoi leur expérience d’accouchement diffère entre le premier enfant et les suivants.

Vivre l’accouchement, plutôt que l’endurer

L’accouchement idéal ? Exit les surdoses de procédures médicales ! Les participantes sont unanimes : une naissance par voie vaginale, sans épidurale et avec le moins d’interventions possible. Pourtant, leur première expérience est souvent loin de cet idéal ! Comme elles ne savent pas à quoi s’attendre, la peur et l’anxiété se mettent de la partie. L’hôpital leur semble alors l’endroit le plus sécuritaire pour donner naissance. Pour plusieurs, le vent tourne au deuxième enfant : plutôt que de simplement « endurer » leur accouchement et tenter de réduire la douleur au maximum, elles souhaitent le vivre pleinement, par exemple en refusant l’épidurale pour mieux sentir le passage de leur bébé. 

« [Il y a une différence entre] vivre ou endurer l’accouchement. Quand tu es à l’hôpital et que tu ne sais pas ce qui va arriver, tu endures ton accouchement de manière passive […], alors qu’au deuxième accouchement, j’avais l’impression d’avoir un plus grand rôle. » (Traduction libre des propos d’une mère)

Certaines mères font une nette distinction entre les interventions médicales (ex. : épidurale, césarienne) et la « normalité », et vont jusqu’à se sentir coupables d’y avoir eu recours durant leur premier accouchement. 

« C’est de là que provient ma déception face à ma césarienne. Je sais que c’est vraiment de la psychologie « amateur », mais j’étais déçue de ne pas avoir été capable de donner naissance à ma fille par moi-même… » (Traduction libre des propos d’une mère)

S’ouvrir à d’autres manières d’accoucher

Livres, documentaires, réseaux sociaux, proches : les sources d’informations sur la grossesse et l’accouchement ne manquent pas ! Si les futures mères absorbent toutes les informations qui leur sont transmises, elles sont plus sélectives sur les sources qu’elles consultent pour leur second bébé. Elles s’ouvrent aussi à la possibilité d’accoucher ailleurs qu’à l’hôpital (ex. : en maison de naissance ou à domicile), malgré les peurs ou le jugement de leurs proches. 

« Mon conjoint a peur des maisons de naissance. Il est un peu hypocondriaque. Finalement, quand j’ai donné naissance à notre deuxième enfant, il m’a dit « oh mon Dieu, c’est définitivement mieux qu’à l’hôpital, où les pères sont presque dans le chemin. » » (Traduction libre des propos d’une mère)

De spectatrices passives à participantes impliquées

Spectatrices : voilà la place que les mères ont l’impression d’occuper lors de leur premier accouchement. Elles sentent parfois que l’équipe soignante prend peu en compte leurs choix personnels, et souhaitent donc se sentir plus en contrôle lors de leur second accouchement. Comment ? Plusieurs restent à la maison beaucoup plus longtemps avant de se rendre au lieu où elles accoucheront, puisque le déroulement du travail ne les inquiète plus. Elles prennent aussi une part plus active : marcher pour stimuler le travail, prendre des bains pour réduire la douleur associée aux contractions, changer de position pour faciliter le passage du bébé, tenter de percevoir les contractions de manière positive, etc.  

« Comme nous l’a dit la doula [femme qui accompagne la mère lors de l’accouchement] : toutes les contractions sont importantes. Chacune d’entre elles aide à faire sortir le bébé. Donc à chaque fois que j’avais une contraction, je me disais que c’était une de moins. […] Ce qui m’a le plus aidée, c’était de voir les contractions comme ce qui me rapprochait du résultat [avoir le bébé dans mes bras]. » (Traduction libre des propos d’une mère)

La « bulle » : partagée, mais pas éclatée 

La « bulle » : cet espace si personnel et confortable que plusieurs mères ne sont pas prêtes à sacrifier, même pour le personnel médical ! Les mères qui accouchent auprès d’une sage-femme en maison de naissance racontent s’être senties davantage respectées qu’à l’hôpital. 

« C’est une expérience qui m’a laissé un goût amer. J’avais l’impression d’être bousculée et qu’on ne m’écoutait pas. […] C’est censé être une expérience positive, c’est la naissance d’un bébé. Mais on dirait que le personnel médical s’est mis ensemble pour faire éclater ma bulle et ruiner ce beau moment. » (Traduction libre des propos d’une mère)

Si, au premier accouchement, la bulle de la mère est individuelle, elle inclut souvent l’autre parent lors des naissances suivantes. Le ou la partenaire n’est plus une source de distraction ou d’inquiétudes, et s’investit davantage dans l’accouchement.

« Pendant mon deuxième accouchement, mon conjoint protégeait ma bulle, parce que je n’étais pas en maison de naissance. J’étais à l’hôpital et je ne voulais pas que le personnel fasse éclater ma bulle. […] J’ai trouvé ça intéressant ; il mettait des mots sur ce dont j’avais besoin. Je voulais sa présence auprès de moi. » (Traduction libre des propos d’une mère)

Écoute et respect, la clé d’une expérience positive

Si le premier accouchement est synonyme d’inconnu et d’anxiété, les accouchements suivants sont, pour plusieurs mères, l’occasion de s’affirmer et de faire entendre leurs besoins. Les auteurs soulignent l’importance, pour le personnel médical, de les écouter et de leur offrir un soutien personnalisé. Le respect de la fameuse bulle personnelle est également essentiel. C’est à cette condition que les mères se sentent suffisamment en confiance pour se laisser complètement aller lors de l’accouchement. 

Pour aider les futurs parents à se préparer à l’accouchement, le centre de ressources périnatales Les Relevailles de Montréal offre des rencontres prénatales à leur intention. Le volet « Comprendre l’accouchement » aborde notamment les différents stades du travail, l’importance de l’accompagnement par le ou la partenaire et les différentes positions pouvant faciliter l’accouchement.