À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation est tiré de l’article de Rachel Margolis, Youjin Choi, Anders Holm et Nirav Mehta, « The Effect of Expanded Parental Benefits on Union Dissolution », publié en 2021 dans la revue Journal of Marriage and Family, volume 83, n. 1.

  • Faits saillants

  • Le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) réduit la probabilité de séparation après cinq ans chez les couples qui en ont fait usage.
  • Parmi les pères qui utilisent le congé parental, ceux âgés entre 30 à 34 ans ou dont 40 à 60 % du salaire correspond au revenu familial, présentent une réduction plus importante de la probabilité de séparation dans les cinq ans suivant l’arrivée de bébé.
  • Quatre hypothèses expliqueraient l’effet positif insoupçonné du Régime québécois d’assurance parentale sur les séparations : la diminution de la tension économique au sein du couple, la possibilité pour les couples égalitaires de réduire les conflits liés aux contraintes de certains rôles traditionnels, l’accroissement du temps passé par le père avec les enfants accentuant l’attachement à la relation conjugale, et l’augmentation du pouvoir de négociation des mères à l’égard de la prise en charge du travail domestique.

Le Québec, précurseur en matière de politique familiale ? C’est ce que suggère l’ajout du congé parental non transférable de cinq semaines aux pères par le gouvernement du Québec à sa politique en 2006, alors que les autres provinces canadiennes conservent la politique familiale fédérale qui se caractérise par un congé de maternité de 15 semaines, 35 semaines additionnelles à partager entre les parents ainsi qu’un taux de revenu de remplacement inférieur au Québec. Le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) ainsi remanié offre aux pères la chance de s’impliquer davantage dans la vie familiale… Et dans leur relation de couple !

C’est d’ailleurs ce dernier point qui suscite la curiosité des chercheuses et chercheurs de l’University of Western Ontario qui s’intéressent aux effets à long terme de cette politique québécoise sur les familles. Pour ce faire, l’équipe de recherche analyse les données tirées des déclarations d’impôts et de Statistiques Canada des personnes qui sont devenues pères entre janvier 2005 et décembre 2006 et, ce, sur une période de sept ans. Leurs constatations ? La politique familiale québécoise surpasse les attentes!

RQAP et longévité amoureuse, des atomes crochus ? 

Loin de se douter que la politique familiale influencerait à ce point la vie de couple, force est de constater que le Régime québécois d’assurance parentale a bel et bien un effet sur la longévité amoureuse ! Sa mise en place a entraîné une probabilité de réduction des séparations de 6 % (sur l’ensemble de la population canadienne) après cinq ans suivant la naissance. Voici un résultat surprenant !

Mais plus encore : les pères qui utilisent les mesures prévues au RQAP voient une diminution de 1,3 % de leur probabilité de se séparer dans les cinq ans suivant la naissance de l’enfant comparativement à leurs homologues qui n’en font pas la demande.

Qui qui bénéficient le plus du RQAP?

Bien que l’effet de la politique familiale sur les ruptures semble bénéficier à une grande proportion de papas, l’impact n’est pas le même pour tous ! En effet, certaines caractéristiques sociodémographiques des pères qui utilisent le congé parental annoncent une réduction plus importante de la probabilité de séparation dans les cinq ans suivant l’arrivée de bébé. C’est d’ailleurs le cas pour les pères qui sont âgés entre 30 à 34 ans ou dont 40 à 60 % du salaire correspond au revenu familial.

C’est tout ? Et bien non ! Les bénéfices de la politique familiale ne se limitent pas aux séparations. Autonomie, maturité émotionnelle et militantisme : ce ne sont que quelques exemples énoncés par les pères ayant utilisé le RQAP.  

Des pistes d’explications

L’équipe de recherche émet quatre hypothèses pour expliquer la diminution des séparations chez les couples qui utilisent le Régime québécois d’assurance parentale.

  1. L’augmentation du revenu familial ainsi que le partage du travail rémunéré et non rémunéré permettraient de diminuer les tensions économiques au sein du couple. 
  2. Malgré la volonté de certains couples de préconiser un modèle familial égalitaire, la naissance d’un bébé s’accompagne généralement d’une division des tâches traditionnelle selon laquelle la mère s’occupe des enfants alors que le père travaille pour subvenir aux besoins financiers de la famille. Le Régime québécois d’assurance parentale permettrait ainsi de rééquilibrer les rôles grâce à la présence accrue des pères à la maison et d’éviter que les familles soient confinées à un modèle familial qui ne leur correspond pas.
  3. De plus, l’augmentation du temps passé à la maison par le père renforcerait la relation avec son enfant, ce qui contribuerait également à son attachement à la relation amoureuse. 
  4. Finalement, la politique transformerait les normes sociales entourant la paternité grâce à la promotion des congés parentaux pour les pères. Ainsi, les mères verraient augmenter leur pouvoir de négociation vis-à-vis du travail domestique et du soin des enfants.

Bien, mais peut mieux faire 

Le Régime québécois d’assurance parentale a des effets non négligeables sur les couples bien au-delà de la stabilité relationnelle. Pourtant, il n’en demeure pas moins qu’en 2019, 28 % des pères au Québec ne l’utilisent pas et parmi eux, bon nombre font partie des ménages à faible revenu. Une question demeure : comment rendre le RQAP accessible et profitable pour tous ? La réponse se trouve peut-être dans sa constante mise à jour par le gouvernement, dont celle de 2021 qui offre une bonification des prestations aux parents ayant un faible revenu et un assouplissement des critères d’éligibilité visant à inclure les emplois atypiques. Or, près de 20 ans après la mise en place du Régime québécois d’assurance parentale, serait-il le temps que le Québec se penche à nouveau sur sa politique familiale afin de l’adapter davantage au contexte actuel ?