À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Louise Picard, Patrick Villeneuve et Marie-Claude Blais, « L’arrimage entre les besoins d’intervention psychosociale des couples confrontés à l’expérience du cancer et l’offre de service », publié en 2020 dans la Revue canadienne de service social, vol. 37, n° 2.

  • Faits saillants

  • La priorité des couples touchés par le cancer ? Être informés ensemble de l’évolution de la maladie, des traitements disponibles et des impacts sur leur vie conjugale.
  • La majorité des couples confrontés au cancer souhaitent partager leur vécu autour de la maladie avec le personnel soignant, notamment celui concernant les défis de la vie quotidienne, la période des traitements et celle du rétablissement.
  • Le personnel de la santé peine à répondre aux besoins psychosociaux des couples qui font face au cancer en raison des contraintes budgétaires et de l’offre de service qui donne la priorité aux besoins de la personne atteinte.

Dominique et Patrick, ensemble depuis une dizaine d’années, subissent une onde de choc lorsqu’ils apprennent que Patrick est atteint d’un cancer. Ce diagnostic fait voler en éclats tous leurs projets d’avenir. Une fois la pilule avalée, plusieurs questionnements demeurent : quels seront les impacts de la maladie sur leur vie intime ? Comment traverser cette épreuve à deux ? 

Louise Picard, Patrick Villeneuve et Marie-Claude Blais, de l’Université Laval, se questionnent sur l’expérience des couples touchés par le cancer. À l’aide d’un questionnaire en ligne, l’équipe de recherche recueille les témoignages de 81 personnes ayant reçu un diagnostic de cette maladie au cours des trois dernières années ou dont le ou la partenaire a reçu un tel diagnostic. Par la suite, elle tient un groupe de discussion auprès de 18 personnes (couples touchés par le cancer, infirmières, travailleuses sociales, psychologues et médecins). L’objectif ? Brosser un portrait des besoins des couples et de l’offre de service qui leur est proposée. 

À deux, c’est mieux

Lorsque le cancer se pointe, c’est tout le couple qui est ébranlé. Comment aider les partenaires à traverser cet ouragan qui souffle sur leur vie ? Pour le savoir, l’équipe de recherche leur a demandé d’évaluer divers besoins par ordre d’importance. Au sommet des priorités des couples : recevoir de l’information entourant la maladie. 

Quels sont les soins à recevoir ou à donner ? Quelle est l’évolution à prévoir et quels sont les traitements possibles ? Quels sont les impacts sur la vie de couple et l’intimité ? Voilà les questions qui tiraillent la grande majorité des personnes interrogées. Celles qui ne sont pas atteintes souhaitent apprendre comment mieux jouer leur rôle de personnes proches aidantes, notamment les attitudes à adopter face à un ou à une partenaire en dépression ou en déni. 

« Je me demandais toujours si je fais ce qu’il faut pour l’aider. Est-ce que je suis adéquate ? » (Conjointe d’un homme atteint du cancer)

La plupart s’entendent sur l’importance d’avoir l’information disponible pour les deux partenaires, et ce, afin d’arriver à une compréhension commune et plus juste de la situation. Les professionnelles interrogées abondent en ce sens : les informer permet de leur « redonner du pouvoir » sur leur situation.

« Ils semblent vouloir être informés, aller chercher des outils, se débrouiller et régler ça entre eux autres. » (Professionnelle)

La priorité ? Communiquer !

Les nombreux traitements, le stress et l’incertitude peuvent creuser un fossé entre les partenaires qui font face au cancer. La clé pour éviter les tensions ? La communication ! 

La majorité des couples rencontrés soulignent l’importance d’apprendre à vivre l’expérience du cancer dans le présent, notamment en lien avec les défis de la vie quotidienne, la période des traitements, puis celle du rétablissement. Pour eux, les difficultés déjà existantes dans leur vie sont reléguées au second plan ; ils souhaitent avant tout partager leur vécu autour de la maladie avec le personnel soignant.

« Les gens ont l’air de nous dire que ce qu’ils veulent ce n’est pas de parler de leur vie [en général], ils veulent parler de ce qu’ils vivent en lien avec la maladie. » (Professionnelle)

Qu’en est-il de la manière d’agir avec les enfants, de l’implication des proches et de l’intimité sexuelle ? Les couples préfèrent aborder ces sujets de manière privée, plutôt qu’avec les professionnelles.

Quand les services psychosociaux brillent par leur absence

Si les personnes interrogées ont l’impression de recevoir suffisamment d’information sur la maladie (ex. : symptômes, traitements, etc.), elles déplorent toutefois la zone grise concernant les services psychosociaux disponibles. Elles ne savent pas vers qui se tourner en cas de crise, ou ne sont pas au fait de la gamme de services offerts. 

De leur côté, les professionnelles interrogées peinent à répondre aux besoins psychosociaux des couples. Non seulement les contraintes budgétaires réduisent leurs disponibilités, mais faire participer les deux partenaires aux rencontres représente tout un défi. La personne en santé peut souhaiter une rencontre individuelle pour décanter dans sa bulle ou bien ne pas vouloir d’aide, pour se montrer en contrôle et soutenir l’autre. D’autre part, l’offre de service actuelle comble davantage les besoins des personnes atteintes, laissant de côté l’entourage. 

« C’est sûr qu’on s’adresse davantage à la personne atteinte, et les proches effectivement sont les grands oubliés. » (Professionnelle)

Vers des services axés sur le couple

Si le cancer est une épreuve particulièrement éprouvante pour la personne atteinte, elle l’est aussi pour le couple et son entourage. Comment aider à surmonter cet obstacle à deux ? Les informer des ressources disponibles en début de parcours, préconiser une offre de service adressée aux couples et mettre en place des interventions brèves et ponctuelles pour les soutenir en temps de crise sont des avenues à privilégier, selon l’équipe. Autre piste de solution : pour mieux composer avec la maladie, la Fondation québécoise du cancer propose des services de soutien psychologique, dont un jumelage téléphonique permettant de discuter avec d’autres personnes ayant vécu une épreuve similaire. Autant de précieuses interactions qui permettent d’exprimer leurs émotions, de recevoir de l’encouragement et de discuter des répercussions de la maladie en toute confidentialité.