À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’étude de Lindsey McKay, Sophie Mathieu et Andrea Doucet, «Parental-leave rich and parental-leave poor : Inequality in Canadian labour market based leave policies» publiée en 2016 dans Journal of Industrial Relations, vol. 54, no 4,  p. 543-562.

  • Faits saillants

  • En 2015, les mères québécoises éligibles au Régime Québécois d’Assurance Parentale (RQAP) pouvaient recevoir jusqu’à 894 $ par semaine en congé de maternité. En comparaison, le maximum du régime du gouvernement fédéral était de 524 $.
  • Dans le reste du Canada (excluant le Québec), quatre mères sur dix ne sont pas éligibles aux congés de maternité ou parental.
  • Depuis 2007, la proportion de mères québécoises ayant accès au régime d’assurance parentale augmente tandis qu’elle diminue dans le reste du Canada.
  • Tant au Québec qu’au Canada, les familles les plus pauvres sont celles qui bénéficient le moins des régimes actuels.

Le modèle social québécois fait figure d’exception par rapport au reste du Canada, réputé moins généreux. L’accès aux congés payés, lors de la naissance ou de l’adoption d’un enfant, demeure néanmoins inégalitaire tant au Québec qu’au Canada. Devenir parent entraîne d’importants changements au chapitre des finances, dont une diminution du revenu familial pendant l’arrêt de travail. Dans cette étude, les chercheuses comparent l’accès aux congés de maternité et aux congés parentaux du RQAP et du régime fédéral d’assurance-emploi. Quelle est l’étendue des inégalités entre le Québec et le reste du Canada? À qui bénéficient le plus les allocations parentales?

Congé de maternité et congé parental

Les chercheuses ont utilisé les données de l’enquête nationale « Employment Insurance Coverage Survey » conduite par Statistiques Canada en 2013.

Elles ont comparé les modèles québécois et canadiens en prenant en compte de deux types de congé : le congé de maternité, qui s’applique aux mères biologiques, et le congé parental, qui peut être pris par les parents biologiques, les conjoints de même sexe ou les parents adoptants. Les données relatives aux pères étaient insuffisantes pour être analysées.

Le Québec plus inclusif et généreux

Au Canada, le congé de maternité et le congé parental sont des prestations qui remplacent un revenu de travail. Ce type d’allocation n’est donc pas universel. Il faut avoir travaillé au moins 600 heures dans un emploi assurable pour y avoir droit. Les travailleuses les plus précaires et les femmes sans emploi (travailleuses autonomes, salariées à temps partiel, étudiante, bénéficiaires de l’aide sociale) en sont donc exclues.

Depuis 2006, le Québec dispose de son propre régime d’assurance parentale (RQAP). Les conditions d’éligibilité au RQAP diffèrent de celles du régime fédéral. Au Québec, les mères dont le revenu annuel est supérieur à 2000 $ ont droit au congé de maternité et au congé parental.

Selon cette étude, la proportion de mères québécoises ayant bénéficié du RQAP a augmenté de 8,8 points, passant de 80,5 %, en 2007, à 89,3%, en 2013. Dans le reste du Canada, cette proportion, (déjà plus basse au départ), a même diminuée, passant de 59,7% à 58,9% pour la même période.

En 2015, les mères québécoises éligibles au RQAP pouvaient recevoir jusqu’à 894 $ par semaine. En comparaison, le maximum du régime du gouvernement fédéral est de 524 $.

Les plus pauvres, les plus défavorisées par les régimes

L’étude a également mis en évidence le fait que ce sont les mères les plus pauvres qui sont le plus défavorisées par les régimes actuels, surtout dans le reste du Canada. Moins de 40 % des mères dont le revenu annuel est inférieur à 30.000 $ ont droit au congé de maternité ou au congé parental au Canada.

Les chercheuses soulignent que ces deux systèmes de solidarité sociale sont en fait structurés autour d’inégalités sociales. L’éligibilité à ces programmes dépend avant tout de l’inclusion dans le marché du travail et du fait d’avoir un emploi assuré. Or, avoir un enfant représente un investissement financier important et s’accompagne d’un retrait du marché du travail ainsi que d’une diminution des revenus. Il est préoccupant que les femmes qui sont le plus précaires ne bénéficient pas autant de ces programmes que les plus favorisées.

Bien que le Canada soit un pays dont le système social est réputé, les chercheuses attirent l’attention sur la discrimination de classe en matière de congé de maternité et de congé parental. Malgré les différences entre les systèmes québécois et fédéral, ils soutiennent tous deux, en priorité, les familles les plus aisées financièrement et participent ainsi à la reproduction des inégalités sociales. Les chercheuses privilégient une redéfinition des critères d’accès aux régimes pour favoriser une plus grande équité sociale.