À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Nancy Couture et Sophie Éthier, « L’impact de la maladie d’Alzheimer sur la participation sociale des personnes qui en sont atteintes et leurs proches. Une fatalité ? » publié en 2020, dans Loisir et Société / Society and Leisure, vol. 43, n° 1, p. 16-35.

  • Faits saillants

  • Chez les personnes atteintes d’alzheimer, l’apathie, l’agressivité et les difficultés de concentration sont des obstacles qui les amènent à se désengager peu à peu de leurs activités sociales.
  • Certains membres de l’entourage, par méconnaissance ou tristesse, s’éloignent de la personne aux prises avec l’alzheimer, ce qui limite ses occasions de socialiser.
  • Les personnes proches aidantes jouent un rôle central pour favoriser la participation sociale d’un proche atteint de la maladie d’Alzheimer : l’accompagner à ses activités, coordonner son emploi du temps, lui offrir un environnement stimulant, etc.

Pertes de mémoire, altération du jugement, troubles du langage : les difficultés cognitives liées à la maladie d’Alzheimer ne font pas bon ménage avec les activités sociales. Or, ces activités ont un impact important sur les personnes vivant avec de tels troubles : elles leur apportent du plaisir, une meilleure estime de soi, le sentiment d’être comprises, comme autant de baumes au cœur et à l’âme. Comment et dans quelles conditions est-il possible pour elles de maintenir une vie sociale active ? Chose certaine, les personnes proches aidantes jouent un rôle clé.

C’est l’un des constats de Nancy Couture et Sophie Éthier, respectivement professeure en art-thérapie à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et professeure en travail social à l’Université Laval. Grâce aux témoignages de 26 personnes proches aidantes (majoritairement des femmes), elles déterminent les facteurs qui facilitent ou qui freinent la participation sociale des personnes aînées atteintes de la maladie d’Alzheimer.

Qu’entend-on par participation sociale ? L’éventail des activités est beaucoup plus vaste que ce que l’on imagine : ce sont des rôles (parent, enfant, travailleur, etc.), des relations (avec les proches, les amis, etc.), mais aussi des actions (activités de groupe, loisirs, bénévolat, etc.).


Figure 1. Les éléments constituant la participation sociale selon les aidantes

Aidantes investies, personnes aînées épanouies

Un élément central à la participation sociale des personnes aînées atteintes d’alzheimer ? L’engagement des personnes aidantes, bien sûr ! Accompagner son proche, coordonner son emploi du temps, s’informer sur la maladie pour mieux intervenir, l’encourager à s’investir dans des activités sociales… Pas de magie ici, mais bien le rôle clé des participantes. Certaines valorisent aussi le maintien de rituels présents avant la maladie. 


« Je vais manger au restaurant avec lui toutes les semaines parce que c’est un homme qui a toujours aimé manger au restaurant à cause du travail qu’il faisait, le midi. Donc, j’essaie le moins possible de briser ce qu’il était. » 

— Une proche aidante.

L’entourage fait aussi partie de l’équation, notamment en restant informé. Plus il en connait sur la maladie, moins il a tendance à juger son proche ou à le prendre en pitié. Enfin, un milieu qui encourage les échanges et qui propose des activités adaptées à ses capacités facilite sans commune mesure la vie sociale.

Quand l’entourage s’éloigne, la solitude s’immisce 

L’entourage peut faire des miracles, mais au fil du temps, les visites s’étiolent et rares sont les membres de la parenté qui maintiennent le contact. Les participantes peuvent compter sur les doigts d’une seule main « la belle visite » à leur proche malade. Que ce soit par tristesse ou par malaise, beaucoup ne veulent pas y être confrontés et préfèrent s’éloigner. Dans certains cas, le proche se retire lui-même des échanges. Entre débit ininterrompu de paroles et manque d’adaptation face à la capacité d’attention, à quoi bon…

« S’il y a du monde qui parle en même temps, mon mari n’est pas capable de suivre. Alors qu’est-ce qu’il va faire ? Il va aller dans la chambre pis il va aller se coucher. »

— Une proche aidante. 

Désinhibition et sociabilité, vie sociale facilitée ?

Ne laissons pas la personnalité du proche de côté : des traits de caractère, développés avant ou pendant la maladie, peuvent le rendre plus extraverti. Des participantes racontent que celui-ci « n’a plus de filtre », ce qui l’amène à communiquer davantage.  Sociable un jour, sociable toujours : en effet, une personne qui a toujours été avenante ou dont les liens familiaux sont solides aura plus de facilité à dynamiser son quotidien. 

En revanche, les troubles cognitifs perturbent la socialisation, expliquent les participantes. Que ce soit de l’apathie, de l’agressivité, de la fatigue, des comportements perturbateurs ou des difficultés de concentration, les manifestations de la maladie modifient la façon d’être des personnes atteintes et les amènent à se désengager peu à peu. 

« C’est qu’à un moment donné, tu peux plus recevoir personne parce que ça dérange les habitudes ; t’es obligé d’écouter la télévision avec des écouteurs à partir de huit heures parce qu’il a décidé de se coucher à cette heure-là ; tu peux pas recevoir dépassé huit heures, il ferme la télévision puis il met tout le monde dehors. »

— Une proche aidante. 

Enfin un premier projet de loi pour les personnes proches aidantes

À travers le regard de proches aidantes, cette étude met en lumière les conditions qui encouragent ou qui freinent la participation sociale des personnes atteintes d’alzheimer. À mesure qu’évoluent les symptômes, elles voient l’éventail de leurs activités rétrécir. Certaines ressources d’hébergement, comme la Maison Carpe Diem, leur offrent l’occasion de s’engager dans des activités motivantes pour elles, de manière à favoriser une vie sociale active. D’autres initiatives de ce genre gagneraient à être développées dans les prochaines années, sachant que le nombre de cas de maladie d’Alzheimer est appelé à exploser. 

Les personnes proches aidantes, quant à elles, jouent un rôle de premier plan pour maintenir la vie sociale des personnes aux prises avec la maladie. Comme le soulignent les auteures, leur dévouement peut se faire au détriment du temps consacré à leurs propres activités et de leur bien-être. Affirmer leur apport, tant sur le plan social que financier, est donc primordial. En octobre 2020, le Québec adopte un tout premier projet de loi dédié aux personnes proches aidantes. L’objectif ? Reconnaître leur engagement et développer des mesures pour les soutenir dans les diverses sphères de leur vie. Bien que les organismes applaudissent les mesures décrites, ils demeurent aux aguets pour savoir comment se concrétiseront ces promesses.