À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Martine Hébert, Andréanne Lapierre, Francine Lavoie, Mylène Fernet et Martin Blais, « La violence dans les relations amoureuses des jeunes », chapitre du Rapport québécois sur la violence et la santé, publié en 2017.

  • Faits saillants

  • Au Québec, un jeune sur trois a déjà été victime de violence dans sa relation amoureuse, et un sur quatre a commis des actes violents dans cette relation.
  • La violence amoureuse chez les ados peut être physique, verbale, psychologique ou cyberviolente.
  • Les ados issus de familles sujettes aux conflits, à la violence conjugale ou à la maltraitance sont plus à risque de vivre ou de perpétrer des comportements violents dans leurs propres relations amoureuses.
  • La vie numérique des adolescents peut complexifier la violence dans leurs relations amoureuses, mais peut aussi offrir de nouvelles pistes de prévention.

L’adolescence, l’époque des premières fois… Malheureusement, la violence dans les relations amoureuses peut aussi commencer très jeune, dès cet âge. Et le phénomène est plus fréquent qu’on pourrait croire. Une période d’autant plus vulnérable pour ces jeunes en plein apprentissage : plusieurs vivent leur première relation et ne veulent pas la laisser filer, au risque de tolérer des gestes inadmissibles.

Quel est le portrait de la violence dans les relations amoureuses des jeunes au Québec, et comment la prévenir? C’est la délicate question à laquelle une équipe de chercheurs de l’UQAM et de l’Université Laval tente de répondre. Leur travail de recension des écrits scientifiques québécois et internationaux s’inscrit dans le cadre d’un portrait plus vaste de la violence et de la santé au Québec réalisé par l’Institut national de santé publique du Québec (1). Ce rapport se veut un outil de référence pour le gouvernement, les ministères et tous les acteurs qui œuvrent dans le domaine de la santé. Quelques faits saillants sur le chapitre qui traite de la réalité des adolescents québécois sont présentés pour aider à mieux saisir le phénomène.


Violence dans les relations amoureuses et violence conjugale : quelle différence?

Pour les jeunes de moins de 18 ans, on utilise généralement l’appellation « violence dans les relations amoureuses ». Il peut arriver que la recherche portant sur la violence dans les relations amoureuses chez les jeunes comprenne des adultes entre 18 ans et 25 ans. Celle présentée ici s’intéresse de façon prioritaire aux jeunes de 14 ans à 17 ans. L’usage veut que l’expression « violence conjugale » soit quant à elle davantage réservée aux personnes adultes.

Ne me quitte pas!

Premiers papillons, premier baiser, première relation sexuelle : les ados vivent plusieurs nouvelles étapes dans leur vie sentimentale. Contrairement à leur relation familiale, ils ont choisi leur nouvelle flamme, doivent apprendre à communiquer avec elle, et à régler les conflits. Devant un désaccord qui ne trouve pas de compromis, les deux tourtereaux s’exposent à la fin de la relation.

Selon plusieurs recherches, nombreux sont les jeunes qui cherchent plutôt à éviter une rupture et à préserver l’harmonie du couple. Ils ne parlent de leurs mésententes qu’en superficie, ou les enterrent carrément. La conséquence ? Un stress qui, combiné à des attentes irréalistes par rapport à la relation amoureuse, peut mener des jeunes à vouloir la préserver…coûte que coûte. Un cocktail dangereux où certains font alors usage de la violence, tandis que d’autres la tolèrent à leur endroit.

Au Québec, le tiers des ados en couple auraient subi une forme de violence amoureuse, tandis que le quart auraient perpétré un acte de violence physique, psychologique ou sexuelle. La cyberviolence fait aussi son entrée dans les coups portés à l’amour adolescent. Les garçons comme les filles sont susceptibles de subir ou de perpétrer de tels actes, mais ces dernières sont plus susceptibles de vivre plusieurs formes de violence, et de rapporter des blessures physiques après un incident.

Là où tombe la pomme…

La famille est souvent un modèle pour les adolescents qui vivent leurs balbutiements amoureux, pour le meilleur et pour le pire. L’exposition à des conflits sévères ou à la violence entre les membres de la famille est un terrain propice pour que le jeune développe à son tour des comportements violents. Les chercheurs constatent notamment que la violence conjugale chez les parents prédispose les ados à reproduire ces comportements auprès de leur partenaire, tandis que les filles sont plus à risque de devenir victime de violence amoureuse.

La violence à l’endroit du jeune, sous forme d’insultes, de punitions physiques, de maltraitance ou d’agressions sexuelles, est aussi un facteur de risque. Comme si elle perdait son côté tabou, devenait commune. L’indifférence des parents, le manque de supervision et d’affection peut notamment influencer les garçons dans leur propension à commettre des gestes violents envers leur compagne, remarquent les chercheurs.

Mais les familles sans histoire peuvent aussi avoir un impact négatif sur la relation amoureuse de leur enfant s’il manque de communication et d’écoute entre les deux. D’un côté, certains parents peuvent encourager leur ado à rester dans une relation sans remarquer les problématiques de violence. De l’autre, s’ils exigent une rupture, ils peuvent pousser le jeune couple à garder leur relation secrète. Dans les deux cas, cela peut dégénérer sans que la famille ne remarque quoi que ce soit.

Selon les chercheurs, subir ou perpétrer des actes violents ne dépend pas uniquement du couvert familial, mais également d’autres facteurs, comme les caractéristiques individuelles des ados, les proches, les amis, le quartier, l’exposition à des médias violents ou de la pornographie.

Vie numérique : entre violence et prévention

Si la technologie s’est glissée dans plusieurs sphères de nos vies, c’est malheureusement vrai aussi pour la violence amoureuse. À quoi ressemble la cyberviolence? Traquer une personne sans son consentement, la bombarder de messages à répétition ou la menacer de publier une photo intime : voilà plusieurs exemples des formes de la violence en ligne.
Mais le numérique peut aussi devenir une source de créativité dans les mesures de prévention. D’autant plus que les campagnes publicitaires traditionnelles québécoises ont obtenu un effet mitigé, rappellent les chercheurs. Les nouvelles technologies sont vues comme des pistes prometteuses, et de nouveaux canaux de communication pour rejoindre les jeunes et les sensibiliser à la violence en amour.

Dans les dernières années, certaines initiatives s’inscrivant dans cette veine ont vu le jour au Québec. Un organisme communautaire du Lac-Saint-Jean a ainsi intégré la technologie et l’interactivité dans un programme créé en 2010 intitulé Les couloirs de la violence amoureuse. Les adolescents parcourent un couloir interactif où ils observent l’évolution d’un couple. En suivant les phases de cette relation, ils peuvent apprendre à déceler les signes de la violence. Plusieurs villes et régions du Québec accueillent toujours ce trajet interactif.

Trois décennies à parler aux jeunes

Le Québec sensibilise également depuis plus de 30 ans les adolescents à l’importance des relations de couple saines et égalitaires. Le programme ViRAJ créé en 1994 et revu en 2009 par la professeure Francine Lavoie de l’Université Laval prend la forme d’un théâtre forum où les jeunes de 3e secondaire abordent les thèmes du respect, du contrôle ainsi que des droits et libertés au sein du couple. Devant la volonté de toucher un public plus âgé, la professeure et son équipe ont conçu le programme PASSAJ, qui se concentre sur des mises en situation pour les élèves de 4e et 5e secondaire. Une maison d’hébergement pour femmes violentées de la Gaspésie a pour sa part créé le programme SAISIR qui cherche à responsabiliser les adolescents à l’égard des violences dans les relations amoureuses.

Parents, enfants, école : intervenir en trois temps

Quand il est question de violence, les jeunes comme les plus âgés doivent savoir comment agir. Une des chercheures de cette étude, Martine Hébert, a reçu un financement d’un million de dollars pour poursuivre sa recherche sur le sujet. Son projet se déploiera jusqu’en 2023 en trois volets : former des intervenants, pratiquer des ateliers auprès des jeunes, et donner des outils d’intervention pour les parents. Elle et son équipe comptent rejoindre près de 1 125 élèves, 80 intervenants scolaires et plus d’une cinquantaine de parents. Le but : faire front commun contre la violence dans les relations amoureuses des adolescents.