À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume le texte de Kévin Lavoie : « La violence conjugale chez les couples d’hommes gais : apports et défis de l’analyse féministe », publié en 2013 par la Chaire Claire-Bonenfant – Femmes, Savoirs et Sociétés, dans les Actes du colloque étudiant féministe (colloque tenu les 27 et 28 avril 2012 à l’Université Laval), p. 101-111.

  • Faits saillants

  • Peu de recherches ont été effectuées au Québec sur la violence conjugale chez les hommes gais.
  • De nombreux mythes entourent ce phénomène : par exemple, celui selon lequel la violence physique est la seule forme de violence conjugale chez les hommes gais.
  • L’analyse féministe de la violence conjugale est utile pour comprendre le phénomène.

Depuis les années 1980, le Québec a instauré de nombreux programmes visant à prévenir et à contrer la violence conjugale. Malgré cela, peu d’attention a été consacrée à la violence conjugale chez les hommes gais. Cette lacune est d’autant plus surprenante que la province fait normalement preuve de progressisme en ce qui concerne les droits des minorités sexuelles. Mais elle peut s’expliquer, notamment, par l’idée reçue selon laquelle la violence conjugale s’observe principalement chez les couples hétérosexuels.

L’auteur souhaite alimenter la réflexion sur la violence conjugale chez les hommes gais à travers l’analyse féministe. En réunissant et en étudiant les résultats de recherches antérieures, il déboulonne certains mythes qui subsistent autour du phénomène et démontre comment les idées du féminisme peuvent aider à le comprendre.

Une violence multiple

Certains mythes persistent au sujet de la violence conjugale chez les hommes gais. D’abord, celle qui veut qu’une telle violence n’existe pas véritablement. Non seulement la violence conjugale est présente chez les couples homosexuels, mais elle sévirait même davantage que chez les couples hétérosexuels. Dans l’Enquête sociale générale (ESG) de 2004 sur la victimisation au Canada, les couples homosexuels ont été deux fois plus nombreux que les couples hétérosexuels à rapporter des incidents.

Beaucoup de gens croient également que la violence conjugale chez les hommes gais, s’il y en a, n’est que physique. Or, des études indiquent que la violence qui peut apparaître au sein des couples homosexuels adopte autant de formes que chez les couples hétérosexuels : physique, psychologique, sexuelle, économique… Elle peut même se manifester par une forme d’intimidation que l’on ne retrouve pas chez les hétérosexuels : le partenaire abusif peut menacer de dévoiler l’orientation sexuelle de sa victime si elle n’est pas sortie du placard.

Enfin, contrairement à une autre idée reçue, les hommes gais ne se sentent pas à l’aise de demander de l’aide lorsqu’ils vivent de la violence conjugale. Des recherches révèlent qu’ils en sollicitent même rarement et demeurent au sein de relations abusives pour des raisons similaires à celles des hétérosexuels (dans l’espoir que leur partenaire change, par exemple). De fait, les hommes, peu importe leur orientation sexuelle, ont généralement moins recours aux services sociaux que les femmes. Et s’ils sont gais et victimes de violence conjugale, ils se butent à des services qui ne sont pas adaptés à leur réalité.

L’analyse féministe : un cadre éclairant

Selon l’auteur, l’analyse féministe de la violence conjugale est utile pour comprendre le phénomène chez les hommes gais et déconstruire les mythes qui l’entourent. Ce cadre d’analyse conteste l’idée de la complémentarité des sexes, qui veut que les femmes et les hommes tiennent naturellement certains rôles en raison de leurs caractéristiques biologiques et qu’ils coexistent ainsi harmonieusement. Par conséquent, l’analyse féministe ébranle la conception selon laquelle un couple normal est constitué d’un homme et d’une femme, et le stéréotype selon lequel, dans un couple homosexuel, l’un des partenaires adopte immanquablement des comportements plus féminins et l’autre, des comportements plus masculins.

L’analyse féministe souligne aussi les rapports de pouvoir et les formes de violence qui peuvent naître au sein d’un couple. Elle permet donc de mettre en question le mythe selon lequel les hommes gais en situation de violence conjugale ne subissent ou ne commettent que de la violence physique. De plus, puisqu’elle se penche sur les oppressions créées par une forme d’organisation sociale (le patriarcat), elle permet de mettre en lumière les oppressions particulières issues des communautés gaies. Par exemple, on y dénote parfois une dévalorisation du féminin qui peut engendrer des violences verbales, comme d’abaisser son partenaire en le traitant de « tapette » ou de « moumoune ».

Pour en finir avec l’ignorance

L’auteur conclut en invitant des acteurs de divers horizons à unir leurs expertises afin de mettre fin à l’ignorance en matière de violence conjugale chez les hommes gais. Militants des mouvements féministes et gais; chercheurs et intervenants des domaines de la violence conjugale et de la diversité sexuelle : leur collaboration pourrait contribuer à développer des outils d’analyse et des pratiques sociales adaptées à l’expérience des hommes gais.