À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’étude d’Anne Quéniart et de Michèle Charpentier, « Older Women and their Representations of Old Age: A Qualitative Analysis », Ageing and Society, vol. 32, no 6 (août, 2012), p. 983-1007.

  • Faits saillants

  • La vieillesse est vécue de différentes façons, loin des stéréotypes du « senior actif » ou du « sénile dépendant ».
  • La vieillesse n’est pas une « mort sociale », selon les femmes interrogées.
  • L’importance de la famille varie selon les générations de femmes âgées.

D’ici 2050, environ une personne sur trois sera âgée de 65 ans et plus au Québec. Malgré leur présence grandissante, les aînés restent souvent exclus de l’espace public, associé à la productivité, à la mobilité et à la jeunesse. Ils demeurent plutôt en marge, à la maison, dans les maisons de retraite et dans les hospices. Selon les auteures, les femmes âgées sont doublement pénalisées et subissent, en plus de l’âgisme, une certaine forme de sexisme par rapport à leur apparence. La beauté et la féminité sont l’apanage de la jeunesse…

La vieillesse est habituellement étudiée sous un angle médical et clinique. Quéniart et Charpentier, respectivement professeure en sociologie et professeure en travail social à l’Université du Québec à Montréal, adoptent ici un autre point de vue en s’intéressant plutôt aux représentations de la vieillesse chez les femmes âgées québécoises. Pour ce faire, les chercheuses ont réalisé des entrevues semi-structurées à domicile avec 25 femmes âgées de trois générations différentes : les « jeunes âgées » (9), de 65 à 74 ans ; les « âgées âgées » (10), de 75 à 84 ans ; les « plus âgées » (6), de 85 ans et plus.

Senior actif ou sénile dépendant ? Ni l’un ni l’autre !

Dans l’imaginaire commun, deux images de la vieillesse coexistent. Une première, associée à une représentation négative, qui évoque la sénilité, la dépendance et la maladie. Et une deuxième, très positive : celle du « senior » retraité, actif et indépendant, engagé auprès de sa famille et d’un vaste réseau d’amis. Loin des stéréotypes, les participantes décrivent plutôt une multitude de façons de vivre la vieillesse, qui se module selon la génération ou le statut social.

Je ne suis pas une tite vieille !

Les participantes ne se définissent pas comme étant « vieilles », un mot associé à l’inactivité, à l’isolement, à la maladie et à la vie en institution. Les femmes attachent une grande importance au fait de rester autonomes, actives et entourées. Elles prennent soin de leur santé physique et mentale, ainsi que de leur apparence.

« She’s not even 80 and she’s started complaining about all sorts of things. When I was 80 I went skiing (laughter) and I’ve always had a circle of friends. » (Gabrielle, 94 ans)

Selon les femmes, la vieillesse n’est pas un processus qui structure chaque dimension de leur vie. Certaines dénoncent les préjugés envers les personnes âgées, qui contribuent à leur exclusion et à leur stigmatisation.

« We’re not just society’s dead wood. I dislike how people talk about ageing. » (Claire, 78 ans)

 Accepter le temps qui passe

Les répondantes perçoivent le vieillissement comme une étape inévitable à laquelle elles doivent s’adapter, en acceptant notamment les changements physiques.

« We have to accept our old age. Accept that our body changes, accept the aches and pains and drawbacks, just accept that this is how things are now. » (Lorraine, 77 ans)

L’acceptation se traduit également sur le plan psychologique, surtout pour les « jeunes âgées » :

« Getting used to and accepting that I am an ageing woman with a lot fewer years ahead of me than behind me, and that the last stage will be death. And then understand that it’s not all bad, you can handle it and still have a lot of pleasure in life. » (Josée, 71 ans)

Être en bonne santé, demeurer active et se sentir indépendante permettent d’anticiper sereinement cette étape, selon les participantes.

La génération « libérée »

Pour les « jeunes âgées » (65 à 74 ans), nouvellement retraitées, le temps libre est consacré à prendre soin de soi, à se faire plaisir et à s’occuper des petits enfants. Cette génération « pivot » a vécu sa jeunesse pendant la Révolution tranquille et l’essor du mouvement féministe, qui ont bouleversé les modes de vie traditionnels. Les jeunes âgées ne se cantonnent pas à leur rôle de grand-mère ; elles réservent du temps pour leurs propres activités et profitent de la vie.

« I wouldn’t give up my holidays because of the grandchildren. I love them very much and I think we’re all close and everything. But for me, grandchildren are not the be all and end all. » (Claire, 72 ans)

Les générations « traditionnelles »

Les générations plus âgées –  les femmes de 75 à 84 ans et celles de plus 85 ans  – ont été marquées par la division sexuelle dans toutes les dimensions de leur vie, à la maison, au travail, dans l’espace public. En vieillissant, elles endossent toujours ce rôle traditionnel d’aidantes naturelles et consacrent donc la plus grande partie de leur temps à prendre soin de leurs proches.

« Being a grandmother is wonderful if you’re in good health and can appreciate the grandchildren and the great-grandchildren. […] A grandmother should always be around or accessible to the young if they’re looking to be comforted. That’s really what grandmothers are all about and the young can try to comfort them too … We’re all pretty close. We get together for every birthday and we’re tightly connected, especially my two daughters, we’re really close to them. » (Arlette, 98)

Boomer un jour, boomer toujours

La vieillesse ne rime pas avec  « mort sociale ». Au contraire, elle est plutôt l’occasion de remettre à l’ordre du jour des projets trop longtemps oubliés, y compris des voyages aux quatre coins du monde. Les jeunes âgées (baby-boomers), en particulier,  ne veulent pas consacrer tout leur temps à répondre aux besoins de la famille. Au cours des 25 prochaines années, les baby-boomers représenteront l’ensemble de la vieillesse au Québec. On peut se demander à quoi ressemblera une vieillesse entièrement à leur image…