Revenir de l’unité de néonatalogie les bras vides est l’une des épreuves les plus déchirantes pour les parents. Pour mieux traverser le deuil, certains choisissent de s’impliquer auprès de l’hôpital afin d’accompagner d’autres familles qui vivent la même douleur. Pourquoi ? Pour leur permettre non seulement d’aider les autres, mais aussi de donner un sens à leur propre expérience.
Une équipe de recherche en néonatalogie et en pédiatrie affiliée au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine et à l’Université de Montréal cherche à comprendre le point de vue de parents qui choisissent de s’impliquer auprès d’une unité de soins intensifs néonatals à la suite de la perte de leur bébé. Pour ce faire, l’équipe interroge 8 parents ayant vécu un tel décès et 16 personnes travaillant dans le domaine de la santé (néonatologistes, infirmières, médecins, etc.) par le biais d’un questionnaire en ligne.
S’aider soi-même, tout en aidant les autres
Aider les autres, c’est encore la meilleure façon de s’aider. Malgré leur immense chagrin, c’est souvent ce qui pousse les parents endeuillés à s’impliquer en néonatalogie.
Que ce soit en partageant leur expérience avec le personnel de la santé ou en accompagnant d’autres parents qui traversent la même épreuve, ils sont déterminés à donner au suivant et à rendre le système de la santé plus humain.
« Je pense que je peux aussi apporter […] un point de vue non médical, pour améliorer les choses. [Les professionnel·le·s de la santé] voient leur monde à travers les statistiques et les pronostics, mais nous le voyons aussi avec notre cœur […]. Par exemple, on ne veut pas seulement savoir que notre enfant a un pourcentage élevé de décès, on veut savoir comment ça va changer notre vie, comment on va réussir à y faire face […]. » (Traduction libre des propos d’une mère)
Leur implication leur permet de cheminer et de tirer des apprentissages positifs de leur expérience. C’est aussi une façon de garder la mémoire de leur bébé bien vivante, comme l’explique une mère ayant participé à un projet de recherche portant sur la maladie de son enfant.
« Ce projet de recherche est un héritage de la vie de mon enfant. Elle l’a rendu possible, et elle a rendu la vie meilleure pour d’autres familles. » (Traduction libre des propos d’une mère)
À chacun son rythme
Si la plupart des parents interrogés désirent maintenir un lien avec le milieu hospitalier après le décès, la douleur est trop vive pour d’autres. Certains préfèrent donc ne pas être en contact direct avec les soins palliatifs ou avec d’autres parents d’enfants malades. Mais leur contribution n’est pas inutile pour autant! Leur soutien peut prendre diverses formes : participation à des projets de recherche, collectes de fonds, revue de documentation à l’intention des parents d’enfants malades, etc.
« Je veux améliorer les soins que les bébés et les parents reçoivent, donner au suivant, me concentrer sur le positif, la vie, offrir ce que je peux offrir. Mais je ne veux pas parler de la mort […]. » (Traduction libre des propos d’un père)
Malgré le chagrin, quelques parents choisissent d’accompagner directement d’autres familles qui traversent le même périple (ex. : parrainage). Leur motivation? Transmettre leur vécu, comme autant de témoignages à partager aux autres. Peu importe la nature de leur apport, tous gardent de bons souvenirs de leur expérience.
L’indispensable collaboration familles-personnel soignant
Personne n’est mieux placé pour comprendre la réalité des parents endeuillés que les parents eux-mêmes. Les précieux témoignages des familles permettent au personnel de la santé de mieux saisir leurs besoins, et tous sont d’avis que le partenariat avec les parents a eu des impacts positifs pour leur pratique.
« Les parents nous permettent de mieux comprendre les besoins des familles et de développer des relations significatives, moins superficielles ou transitoires. » (Traduction libre des propos d’une infirmière)
« C’est une expérience enrichissante qui apporte un point de vue différent et nécessaire. Ça permet aussi aux discussions multidisciplinaires d’être plus axées sur les patients et les familles. Il y a aussi plus de respect entre les membres de l’équipe clinique lorsque les parents sont présents. » (Traduction libre des propos d’une néonatologiste)
Les membres de l’équipe médicale notent deux bémols cependant : la disponibilité limitée des parents et le manque d’outils et de lignes directrices pour encadrer cette nouvelle forme de collaboration (ex. : accompagnement, rémunération, etc.).
Briser le silence entourant le deuil périnatal
Les parents endeuillés sont des acteurs essentiels pour améliorer les pratiques de soins en néonatalogie. Comme le souligne l’équipe de recherche, prendre en considération le parcours unique de chaque personne et la manière dont elle souhaite s’impliquer, de manière à respecter le rythme de chacun, est primordial.
Afin de les soutenir au-delà du dernier repos de leur tout-petit, le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine a mis en ligne une série de quatre émissions dans lesquelles des parents ayant vécu un deuil périnatal et des spécialistes livrent leur témoignage. La série, intitulée Revenir les bras vides, permet de mieux comprendre ce sujet particulièrement délicat et le silence qui l’entoure.