À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Sabrina Faleschini, Olivier Aubuchon, Laurence Champeau et Célia Matte-Gagné, « History of perinatal loss: A study of psychological outcomes in mothers and fathers after subsequent healthy birth », publié en 2021 dans le Journal of Affective Disorders, vol. 280

  • Faits saillants

  • La naissance d’un enfant en santé ne suffit pas aux parents pour passer à travers le deuil d’une perte périnatale.
  • Des parents qui ont vécu une perte périnatale sont plus stressés que les autres dans leur rôle parental.
  • Souvent oubliés, les pères aussi vivent difficilement la perte d’un enfant tant attendu.

Près d’un parent sur trois fait l’expérience d’une perte périnatale, comme une fausse couche ou une mort fœtale. Difficile, voire impossible pour eux d’aller de l’avant après cette épreuve. Les conséquences sur leur santé psychologique se font sentir à long terme, et ce, même après la naissance d’un enfant en parfaite santé.

Une équipe de professeures et d’étudiants en psychologie de l’Université Laval étudie les conséquences psychologiques de la perte d’un enfant à naître. L’équipe a d’abord recruté un échantillon de 91 mères et 87 pères qui ont rempli des questionnaires sur leurs symptômes psychologiques et leur stress parental. Parmi eux, 55 parents ont rapporté avoir vécu au moins une perte périnatale. Leur constat : pour les mères comme les pères, l’arrivée d’un enfant n’efface pas la peine liée à celui qui n’est jamais né.

Avec les informations de l’INSPQ : https://www.inspq.qc.ca/Data/Sites/8/SharedFiles/PDF/deces-et-deuil-perinatal.pdf

Le temps ne guérit pas la douleur

Il serait faux de croire que la naissance d’un enfant en santé « compense » une perte périnatale. Les parents qui ont traversé cette épreuve ont au contraire plus de symptômes dépressifs et anxieux que les autres. Et plus ils ont vécu de pertes, plus leurs symptômes s’intensifient.

Le décès d’un enfant attendu est bel et bien une expérience traumatisante, qui reste gravée en eux, peu importe la suite des choses. L’équipe de recherche sonne l’alarme : ces parents sont plus à risque de souffrir d’un problème d’ordre psychologique, même après une naissance sans tracas. Et lorsqu’un parent souffre, l’enfant le subit aussi.

À parents stressés, anxiété décuplée!

« Et s’il lui arrivait quelque chose? » : les chances sont grandes que cette pensée hante ceux qui ont font le deuil d’un enfant. Une perte périnatale rend certains d’entre eux plus stressés. Pour preuve? L’indice de stress parental des parents interrogés est plus important chez les parents endeuillés. Autrement dit, élever leur enfant pourrait provoquer malaise, palpitations et sueurs froides.

Pour les chercheur.e.s, ces signes démontrent bien que la perte d’un bébé rend les parents plus anxieux par rapport à la santé de l’enfant vivant. Ce phénomène est bien réel et porte un nom : le « syndrome de l’enfant vulnérable » [traduction libre]. Il s’agit de la tendance à considérer l’enfant plus fragile face à la maladie ou aux blessures que ce que sa santé réelle laisse réellement présager, ce qui peut arriver lorsqu’une « expérience passée entraîne le parent à craindre le décès de son enfant » [traduction libre].

La conséquence? En vivant dans l’ombre de l’enfant qui n’est jamais né, l’enfant en bonne santé peut se retrouver surprotégé, ce qui peut nuire à son développement.

Pères : impact similaire, mais deuil à leur manière

Les conséquences psychologiques du deuil d’un enfant perdu n’épargnent personne : les hommes comme les femmes sont susceptibles d’en sentir les effets. La grossesse et la périnatalité sont hautes en émotion. Chacun y répond à sa façon, et les femmes ont tendance à devenir plus sensibles aux troubles anxieux ou dépressifs, peu importe l’état de santé de leur petit. Leurs symptômes psychologiques et de stress parental sont donc généralement plus forts que les hommes. En revanche, les pères endeuillés montrent plus de symptômes psychologiques et de stress parental que les autres hommes, signe que la triste nouvelle les affecte, même bien après la perte de leur enfant.

Mieux vaut être bien accompagné que seul

Il est crucial d’inclure davantage les pères dans les recherches sur le deuil périnatal. Leur réaction face à cette perte est encore peu documentée. Dans la mesure où hommes et femmes ne répondent pas de la même façon aux enjeux de santé mentale, mieux comprendre le point de vue de papa permettrait de mieux accompagner la famille, selon les spécialistes, un besoin criant dans les soins périnataux.

Si la naissance d’un enfant en bonne santé ne suffit pas à guérir d’un deuil périnatal, plusieurs ressources peuvent néanmoins aider. Certains centres hospitaliers, de même que plusieurs organismes proposent des services spécialisés pour accompagner les parents. Le Réseau des Centres de Ressources Périnatales du Québec est une porte d’entrée intéressante pour ceux qui recherchent du soutien aussi bien pour leur nouvelle vie avec bébé que pour traverser le deuil de l’enfant disparu.