Julie et Luc sont sous le choc : il y a quelques jours, leur fils de 25 ans a vécu une psychose. Depuis, ils ont réaménagé leur logement pour l’accueillir et collaborent avec l’équipe médicale pour s’assurer qu’il reçoive le meilleur traitement possible. Environ 3 % de la population vivra un jour ou l’autre une psychose, généralement entre l’âge de 18 et 35 ans. Comment aider ces personnes à retomber sur leurs pieds ? Le partenariat entre la personne atteinte, sa famille, l’équipe médicale et la communauté dans son ensemble est primordial pour assurer un bon rétablissement.
C’est ce que remarque une équipe de cinq chercheurs du Programme d’évaluation, d’intervention et de prévention des psychoses (PEPP) de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, de l’Université McGill et de l’Université Yale. Les chercheurs s’intéressent aux perceptions d’individus ayant vécu un premier épisode psychotique, de leurs familles et des intervenants quant aux responsabilités qui incombent à chacun pour soutenir la personne atteinte. Pour ce faire, ils tiennent sept groupes de discussion auprès de 13 personnes âgées de 18 à 35 ans ayant vécu un premier épisode psychotique, 12 membres de leur famille, 18 intervenants et 6 décideurs politiques en matière de santé mentale.
Accepter sa condition : un premier pas vers le rétablissement
« On ne peut pas aider quelqu’un qui ne veut pas s’aider » : voilà une opinion que partagent l’ensemble des personnes interrogées. Autrement dit, la personne atteinte d’un problème de santé mentale serait la principale responsable de son rétablissement. La première étape pour y parvenir ? Reconnaître et accepter ce trouble, puis prendre une part active dans le traitement.
« Je pense que la personne [atteinte] devrait être responsable d’elle-même, prendre ses médicaments et adopter de bonnes habitudes de vie, sans juste aller s’asseoir à ses rendez-vous, […] elle doit faire les efforts d’elle-même. » (Traduction libre)
– Une personne ayant vécu un premier épisode psychotique
L’entourage a beau être en accord avec cette constatation, il n’en est pas moins frileux à l’idée de déléguer des responsabilités à son proche atteint, surtout lors des phases plus aiguës de la maladie.
« Ils devraient être responsables [de leur rétablissement], mais je pense à mon fils en ce moment… […] Je ne peux pas dire qu’ils devraient être responsables [de leur rétablissement], parce que c’est leur cerveau qui le leur dit, c’est pour ça qu’on appelle ça une maladie mentale. Je ne sais pas si je veux lui donner autant de responsabilités. » (Traduction libre)
– Mère d’une personne ayant vécu un premier épisode psychotique
Un partenariat famille-équipe médicale
Et la famille dans tout ça ? Les participants sont unanimes : que ce soit sous forme de soutien émotionnel ou financier, son rôle est essentiel pour aider le proche à se remettre sur pied. Sa contribution ne s’arrête pas là : en plus de l’accompagner dans son traitement (ex. : lui rappeler de prendre sa médication, l’encourager à faire des sorties, etc.), elle peut informer l’équipe médicale de l’évolution de son état de santé.
« Je pense que les familles sont particulièrement bien placées pour comprendre quelles sont les forces de la personne et ce qu’elles étaient avant l’apparition de la maladie. Elles peuvent donc les nommer au personnel soignant et participer à l’élaboration d’un plan de soins axé sur les forces de la personne. […] » (Traduction libre)
– Un décideur politique en matière de santé mentale
De son côté, l’équipe médicale suit un protocole précis dans ce type de situation. Par exemple, elle doit communiquer les besoins du patient à la famille, à son employeur ou au milieu scolaire, l’aider à comprendre ce qui lui arrive, prévenir l’apparition d’autres épisodes psychotiques en lui fournissant une médication et un suivi appropriés, etc. Par contre, toute aide fournie par l’entourage est d’un grand secours pour accélérer le processus de rétablissement !
« Notre rôle est […] de les aider à comprendre leur maladie et à la gérer, de les aider à comprendre ce qui leur est arrivé, […] de les aider à comprendre leur médication et à continuer de la prendre. S’ils ont des problèmes de toxicomanie, il faut les aider à s’en sortir. […] Les aider à reconnecter avec leurs amis et leur famille, à retourner au travail ou à l’école […]. » (Traduction libre)
– Un professionnel de la santé
L’accès aux services : une question de temps… et d’argent
Vouloir aller mieux, c’est un pas dans la bonne direction… mais il faut avoir accès à des services pour continuer d’avancer ! Rareté desdits services publics, longues listes d’attente pour voir un professionnel, manque de collaboration entre les divers secteurs, coûts exorbitants de la psychothérapie et des médicaments : plusieurs participants font état des – nombreuses ! – embûches auxquelles ils font face.
« Les sessions de psychothérapie avec un psychologue coûtent cher : 100 $ ou plus par heure. La majorité des personnes ne peuvent pas se le permettre, elles doivent attendre 8, 9, 10 mois avant d’obtenir une consultation. Je crois que les décideurs politiques ont du travail à faire de ce côté-là. » (Traduction libre)
– Un décideur politique en matière de santé mentale
À cela s’ajoutent les délais de transition entre les services, notamment pour passer de ceux destinés aux jeunes à ceux destinés aux adultes. Et pour couronner le tout : le secret médical peut empêcher les intervenants de transmettre de précieuses informations aux familles, ce qui contribue à les exclure du processus. La solution pour améliorer la situation? Selon les personnes interrogées, le gouvernement devrait mieux subventionner la psychothérapie et mettre en place davantage d’équipes interdisciplinaires en santé mentale.
Ça prend tout un village
Pas de collaboration, pas d’amélioration ! La famille, les intervenants et la personne atteinte doivent faire bloc devant le trouble psychotique. Les rôles et responsabilités de chacun sont appelés à changer au fil de l’évolution de la maladie, mais le soutien de la famille revêt une importance toute particulière dans les périodes de crise.
La prise en charge, dès les premiers symptômes de la psychose, facilite le rétablissement et réduit le risque de faire une rechute. L’Association québécoise des programmes des premiers épisodes psychotiques (AQPPEP), mise sur pied en 2004, a pour but d’améliorer les services au niveau de la détection précoce et d’augmenter l’accessibilité et la qualité des soins. En plus de favoriser les échanges entre professionnels et chercheurs, cet organisme à but non lucratif vise à optimiser les interventions offertes aux personnes atteintes d’un premier épisode psychotique et à leurs proches.