Quand Marianne a rencontré Stéphane, ça a cliqué dès le début. Une différence majeure : Stéphane a deux enfants d’une autre union, tandis que Marianne n’en a pas. Comment appréhende-t-elle son nouveau rôle de belle-mère? Au Québec, une famille sur six est une famille recomposée, une réalité sans doute sous-estimée. Cela signifie que de plus en plus de femmes et d’hommes deviennent des beaux-parents, qu’ils aient eux-mêmes des enfants ou non. Plus particulièrement, les femmes doivent faire face à l’image parfois très galvaudée de belle-mère.
Stéphanie Larrue et Christian R. Bellehumeur, spécialistes en psychologie à l’Université Saint-Paul (Ottawa), souhaitent outiller les psychologues et spécialistes dans leur travail thérapeutique auprès des belles-mères. Selon eux, les familles recomposées et les belles-mères vivent des enjeux qui leur sont propres et qui doivent être pris en compte dans une intervention. Ils utilisent la théorie de l’imaginaire de Gilbert Durand pour décrire à quoi ressemblent les enjeux liés à l’identité des belles-mamans.
Fée marraine ou méchante reine?
Cendrillon, Hansel et Gretel, Blanche-Neige : les contes qui ont comme antagoniste le personnage de la « méchante belle-mère » ne manquent pas! L’envers de ce stéréotype, c’est celui de la mère dite « maternante », qui aime les enfants au premier coup d’œil, qui est pleine de compassion et de tendresse et qui s’implique dans la vie familiale… notamment par le travail domestique!
Ces deux idées préconçues sont en réalité des préjugés auxquels les belles-mères doivent souvent faire face. Elles doivent naviguer entre ces deux images tellement véhiculées dans la société, qu’elles finissent par y croire elles aussi!
Chaque image a le potentiel de compliquer l’entrée de la belle-mère dans sa nouvelle famille. Si la mère maternante aime du premier coup, que se passe-t-il lorsqu’une femme se sent mal à l’aise à la rencontre des enfants de son conjoint? Et si une belle-maman dicte une consigne à un enfant, est-elle perçue comme méchante ou simplement neutre? Poser la question, c’est y répondre!
L’attachement : une science plus complexe qu’il n’y paraît!
Quoi qu’en disent les stéréotypes, s’attacher aux enfants de son conjoint, ça ne se fait pas en criant ciseau! Comme n’importe quelle relation, l’attachement prend du temps : il faut apprendre à se connaître et bâtir la relation. Cela peut devenir frustrant pour la belle-mère, surtout lorsqu’elle s’attend à aimer et à accepter les enfants immédiatement.
Les enfants aussi vivent la recomposition et peuvent ressentir un conflit de loyauté envers leur mère. C’est d’autant plus vrai si la séparation a créé beaucoup de conflits et de rancœur entre leurs parents. Quand le cœur balance entre l’attachement et la culpabilité, bâtir une relation devient vite compliqué.
Gagner une famille, en perdre une autre
Dans une nouvelle famille recomposée, les papillons du début peuvent côtoyer des rêves inassouvis. Pour la belle-mère, la position peut devenir inconfortable lorsqu’elle essaie de trouver sa place au sein du nid familial.
Les femmes sans enfant qui deviennent belles-mamans peuvent avoir des attentes, des espoirs et des rêves qui sont compromis avec la recomposition. Certaines rêvent peut-être d’avoir leurs propres enfants alors que leur nouveau conjoint n’en veut plus. D’autres croyaient qu’elles s’entendraient parfaitement avec la nouvelle famille, ce qui n’est pas si facile.
Pour l’autre parent et les enfants, la nouvelle union peut venir avec un sentiment doux-amer : le début de la nouvelle relation est comme le dernier clou dans le cercueil de l’union précédente.
Mais tout n’est pas noir pour autant. Selon le duo derrière l’étude, une belle-maman peut aussi apporter une nouvelle perspective, un vent de fraîcheur et un soutien intéressant à la famille qui cherche à se reconstruire.
Construire un avion en plein vol
Être en couple quelques années avant de former une famille : une occasion à laquelle les belles-mères n’ont pas accès. Elles entrent directement dans une famille établie. Leur partenaire et elle doivent donc trouver leur propre modèle familial… Alors qu’ils ont déjà les deux pieds dedans! La belle-mère arrive avec son bagage dans une famille qui a déjà sa propre façon de fonctionner. Dans cette position, c’est facile de se sentir minoritaire. L’auteur et l’autrice donnent l’image d’un « étranger intime », soit quelqu’un qui fait partie de la famille, mais pas complètement. Ce « vide » existe dans d’autres sphères, notamment en droit familial où les beaux-parents sont oubliés. Serait-il temps de prendre conscience de la juste place qu’ils et elles occupent dans la vie des enfants?