À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’étude de Luc Cloutier-Villeneuve, « Job quality in Quebec and the United Kingdom: Trends by Sex and Family Status 1998-2008 », publiée en 2012, dans International Labour Review, vol. 151, p. 61-84.

  • Faits saillants

  • Les travailleurs québécois, y compris les jeunes mères, ont plus facilement accès à des emplois de qualité que les Britanniques.
  • Tant les Québécoises que les Britanniques ont progressé dans leurs études supérieures, mais les diplômes ne suffisent pas à combler l’écart hommes-femmes en matière d’accès à un emploi de qualité.
  • Les politiques sociales québécoises, comme l’implantation des garderies subventionnées, favorisent une meilleure équité entre les sexes.

Depuis quelques dizaines d’années, de plus en plus de femmes ont accès aux bancs de l’université et sont présentes sur le marché du travail. Pourtant, elles occupent encore aujourd’hui des emplois de moindre qualité que les hommes, particulièrement lorsqu’elles doivent composer avec des responsabilités familiales. Par emploi de moindre qualité, l’auteur entend un emploi à salaire moindre, à temps partiel, précaire ou sans possibilité d’avancement.

Plusieurs facteurs influencent l’accès des parents de jeunes enfants, particulièrement des mères, à un emploi de qualité. Cette étude statistique – une analyse longitudinale – compare l’accès à des emplois de qualité chez les hommes et les femmes, parents ou non, au Québec et au Royaume-Uni. Les données étudiées couvrent la période entre 1998 et 2008. La qualité d’un emploi est déterminée sur la base du salaire, des heures travaillées, du niveau de compétence requis et de la stabilité de l’emploi occupé. Les emplois ont été regroupés en trois catégories : emploi de faible qualité, emploi de qualité intermédiaire et emploi de qualité supérieure.

Un grand constat se dégage de cette recherche : les mères québécoises ont davantage accès à un emploi de qualité que les Britanniques, mais moins que les pères québécois.

Les Québécois s’en sortent mieux que les Britanniques

Sans surprise, tant chez les Québécois que chez les Britanniques, on constate que les femmes ont moins accès à un emploi de qualité que les hommes. Cet écart entre les sexes est cependant moins prononcé chez les Québécois et se réduit encore chez les travailleurs sans enfants.

Quel que soit le sexe et le pays, les travailleurs avec des enfants accèdent plus difficilement à un emploi de qualité que ceux qui n’en ont pas. Ceci dit, cet écart d’accessibilité est tout de même trois fois moindre au Québec! Les parents québécois sont d’ailleurs moins représentés que les parents britanniques dans les emplois de faible qualité, tant en 1998 qu’en 2008.

Il en coûte donc plus aux Britanniques qu’aux Québécois de fonder une famille. Le chercheur explique ces différences par quatre facteurs.

Croissance de l’économie québécoise

Entre 1998 et 2008, le Québec a connu une augmentation constante du nombre d’emplois. Cela a contribué à une plus grande représentation des femmes sur le marché du travail. En comparaison, le Royaume-Uni n’a connu qu’un accroissement modéré, principalement concentré sur le travail à temps partiel.

Des femmes plus scolarisées

Au Québec, entre 1998 et 2008, le taux d’employées de 25 ans et plus ayant un diplôme universitaire a augmenté de 58 %. Pour la même période, celui d’employées du même âge ayant un faible niveau d’études (DES et moins [1]) a diminué de moitié. L’évolution du profil scolaire des Québécoises est similaire à celle des femmes britanniques.

Les politiques sociales québécoises

Certaines politiques sociales québécoises ont favorisé la progression des femmes sur le marché du travail, tant en termes d’accès que de conditions. Par exemple : les politiques de parité des salaires (1997), d’accès à l’égalité en emploi dans les secteurs publics (2001) et le développement des centres de la petite enfance et des garderies subventionnées au cours des années 2000.

Au Royaume-Uni, les parents ont aussi accès à un système de garde, mais ce système repose sur une mixité publique-privée et n’offre qu’une couverture partielle. Les parents doivent donc assumer des frais de garde plus élevés. Selon l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques [2], ce système pousserait les jeunes mères à prendre des emplois à temps partiel pour limiter les dépenses de garde, et ce à long terme, réduisant ainsi leurs chances d’accéder à un emploi de qualité supérieure.

Partager le temps de travail

Le nombre d’heures travaillées est aussi une variable importante. En 2008, on note un écart à ce niveau entre les hommes et les femmes britanniques ayant de jeunes enfants. Plus de la moitié de ces pères travaillaient plus de 40 heures par semaine, un peu moins de 10 % des mères. Au Québec, bien que cet écart entre les sexes se maintienne, seulement 25 % des pères de jeunes enfants travaillaient plus de 40 heures par semaine. Cette différence s’explique, notamment, par une régulation plus stricte des heures de travail hebdomadaires au Québec, ainsi que l’application de certaines conventions collectives. Selon le chercheur, l’écart entre les sexes en matière d’accès à l’emploi est donc renforcé par le fait d’avoir de jeunes enfants à charge, plus particulièrement au Royaume-Uni.

Une combinaison de facteurs

D’après cette étude, plusieurs facteurs favorisent donc l’accès à un emploi de qualité et une diminution de l’écart entre les sexes, en particulier chez les travailleurs devant assumer un rôle parental. L’analyse du profil des femmes souligne qu’une scolarité plus avancée ne suffit pas pour obtenir un emploi de qualité. L’accroissement du nombre d’emplois à temps plein, l’implantation de politiques sociales et une réglementation plus serrée des heures de travail semblent être des conditions à réunir pour favoriser la justice sociale en matière d’emploi, d’équité et de conciliation famille-travail.

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[1] Cloutier Villeneuve, 2014

[2] OCDE, 2005. Babies and bosses – Reconciling work and family life