À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article de Catherine Habel, Nancy Feeley, Barbara Hayton, Linda Bell et Phyllis Zelkowitz, « Causes of women’s postpartum depression symptoms: Men’s and women’s perceptions », publié en 2015, dans Midwifery, vol. 31, p. 728-734.

  • Faits saillants

  • Les mères et les pères s’entendent généralement pour dire qu’une multitude de facteurs sont à l’origine de la dépression post-partum.
  • Parmi les causes les plus fréquemment citées par les deux parents pour expliquer la dépression post-partum : la santé physique et mentale de la mère, le tempérament de l’enfant et le manque de soutien de la part des proches.
  • Seuls les pères croient que la pression sociale envers les mères peut être à l’origine d’une dépression post-partum. Les femmes font davantage référence à leurs idéaux personnels, plutôt qu’aux attentes sociales à leur endroit.

Donner naissance à un enfant est un des événements les plus magiques qu’une femme puisse vivre. Si merveilleux puisse-t-il être, pour plusieurs, il n’en est pas moins épuisant et angoissant. Les pères, de leur côté, peuvent se sentir impuissants devant leurs nouvelles responsabilités. Entre les pleurs du bébé et le peu d’heures de sommeil, pas évident de garder la tête hors de l’eau ! 

Ces difficultés peuvent rendre l’expérience accablante pour les parents, à tel point qu’il n’est pas rare que des symptômes dépressifs se manifestent : jusqu’à une femme sur cinq développe une dépression post-partum dans l’année suivant la naissance. Comment les parents s’expliquent-ils cela ? Ils s’entendent généralement pour dire qu’une multitude de facteurs, comme des problèmes de santé chez la mère et la personnalité de l’enfant, en sont à l’origine.  

Une équipe de cinq chercheuses dans le domaine des soins infirmiers et de la périnatalité lève le voile sur les causes perçues de la dépression post-partum. Elles s’intéressent plus précisément aux similarités et aux différences de perception entre les nouvelles mères et leurs conjoints. Pour ce faire, elles donnent la parole à 30 couples hétérosexuels ayant eu un enfant dans les douze derniers mois et dont la mère a reçu un diagnostic de dépression post-partum. Elles interrogent les personnes participantes séparément, afin que ces dernières puissent exprimer leur point de vue sans l’influence de leur partenaire. 

Dépression post-partum : un mal aux origines multiples

Lorsqu’on leur demande ce qui, d’après eux, a pu déclencher une dépression post-partum, les parents nomment une multitude de facteurs. Contre toute attente, les hommes comme les femmes s’entendent sur de nombreuses causes, à l’exception de la pression sociale envers les mères, relevée uniquement par les pères.

Figure 1. Causes perçues de la dépression post-partum (DPP), selon 30 couples hétérosexuels (Source : Habel et al., 2015)

Pression sociale ou exigences personnelles ?

Bien performer au travail, être une mère aimante et une conjointe attentionnée : la pression sur les épaules des femmes est souvent immense ! Les hommes sont d’avis que leurs conjointes tentent d’atteindre une panoplie d’objectifs irréalistes, aux effets délétères sur leur santé mentale. 

« Je pense que la société moderne en demande trop. […] Avant, une femme restait à la maison et s’occupait des enfants. Maintenant, une femme est une professionnelle, une mère, une amoureuse. […]C’est donc lourd en termes d’exigences. » (Traduction libre)

— Un homme dont la conjointe souffre de dépression post-partum. 

Et les femmes dans tout ça ? Bien sûr, certaines croient que le désir d’être une « bonne mère » a un poids certain dans les symptômes ressentis, mais elles font surtout référence à la pression qu’elles se mettent elles-mêmes plutôt qu’aux attentes sociales, expliquent les auteures. 

Le corps et l’esprit mis à rude épreuve

D’après les parents, les problèmes de santé physique, comme des complications liées à la naissance ou des fluctuations hormonales, peuvent aussi jouer un rôle dans le développement de symptômes dépressifs. Un cocktail explosif lorsque le manque de sommeil se met de la partie !

« Je ne dormais pas du tout et j’étais vraiment à un point où mon épuisement était énorme. Nuit après nuit […]. Je ne dormais pas du tout. Après quelques nuits, c’était trop… » (Traduction libre)

— Une femme atteinte de dépression post-partum.  

À n’en pas douter : une santé mentale fragile ou une dépression antérieure mettent les mères à risque. Certains traits de personnalité, comme le perfectionnisme, peuvent aussi être à l’origine de ce mal. 

« Je suis exigeante envers moi-même et je veux que tout soit parfait. J’ai développé une dépression parce que je n’y arrivais pas. » (Traduction libre)

— Une femme atteinte de dépression post-partum.  

Devenir parent : plus difficile que prévu

Dire que devenir parent chamboule les habitudes de vie est un euphémisme ! La transition à la parentalité est un terreau fertile aux symptômes dépressifs, surtout lorsqu’elle s’avère plus difficile que prévu. Certaines femmes ont l’impression de perdre leur identité ou de manquer de temps pour elles-mêmes. Les espoirs qu’elles chérissaient par rapport à la maternité leur laissent alors un goût amer.  

« On a moins de temps pour soi, moins de temps pour la spontanéité. Évidemment, moins de liberté et un emploi du temps très chargé, on ne voit pas le temps passer. On court sans arrêt. » (Traduction libre)

— Une femme atteinte de dépression post-partum.  

Par ailleurs, le mieux peut devenir l’ennemi du bien : à trop vouloir répondre aux attentes excessives qu’elles ont souvent envers elles-mêmes, les nouvelles mamans ont l’impression de ne pas en faire assez.

« Au départ, ma femme s’inquiétait de ne pas être capable de bien faire les choses pour que le bébé ait tout ce dont il a besoin. Il s’agissait de son rôle de mère, de bien le faire. » (Traduction libre)

— Un homme dont la conjointe souffre de dépression post-partum.

Quand le soutien fait défaut

L’arrivée d’un nouveau-né dans la vie d’une mère implique son lot de dévouement. Pas facile de s’occuper d’un petit être qui réclame de l’attention 24 heures sur 24 ! À force de rester à la maison pour prendre soin de bébé, plusieurs nouvelles mères se sentent isolées. Mais c’est lorsque le soutien de la part des proches (ex. : partenaire, famille, amis) fait défaut que les symptômes dépressifs ont réellement le champ libre pour émerger. 

« Mon conjoint était réveillé, mais il n’a jamais proposé de m’aider. Il me disait : « Je suis trop fatigué, je ne peux même pas te proposer de t’aider parce que je suis trop fatigué ». Mais il était réveillé. C’était frustrant. » (Traduction libre)

— Une femme atteinte de dépression post-partum.  

Prendre soin d’un enfant « difficile »

C’est connu : chaque enfant a sa propre personnalité et son propre caractère. Certaines femmes doivent déployer des trésors de patience pour prendre soin de leur enfant malade ou doté d’un tempérament plus difficile. Un défi supplémentaire qui peut occasionner un grand stress et ternir leur humeur.

« Notre enfant a aussi un terrible caractère. C’est dur pour le couple. Nous essayons d’y arriver, mais c’est difficile. Les vendredis soirs, il fait une crise de colère après l’autre. […] C’est juste « Ahhh ! » Tout le temps. » (Traduction libre)

— Une femme atteinte de dépression post-partum.  

Manque de communication, pression et déceptions

Certaines personnes participantes croient que la qualité des services de santé reçus durant la grossesse ou après l’accouchement aurait un rôle important à jouer dans le développement de la dépression post-partum. Le manque de communication avec l’équipe médicale, la difficulté à naviguer dans le système de santé et la pression d’allaiter de la part des professionnels sont autant d’exemples qui ont déçu les parents. 

« À l’hôpital, ils me [disaient sans arrêt] : « Tu dois allaiter, tu dois allaiter » et rien ne sortait, alors je ne faisais que pleurer. C’était vraiment ça. Ça m’a vraiment affectée. » (Traduction libre)

— Une femme atteinte de dépression post-partum.  

Vivre un accouchement difficile ou qui ne se déroule pas comme prévu (ex. : césarienne d’urgence) peut aussi créer de la détresse chez les mères. 

« Les deux naissances se sont faites par césarienne. Évidemment, ce n’est pas ce que nous désirions. Mais c’était des césariennes d’urgence nécessaires. […] C’est un facteur, d’après ce que j’ai pu observer, qui a vraiment eu un impact négatif sur elle, sur son état de conscience, sur tout. » (Traduction libre)

— Un homme dont la conjointe souffre de dépression post-partum.

Le congé de paternité au secours des mères ? 

Que ce soit les attentes envers les mères, des problèmes de santé, une transition à la parentalité difficile ou une expérience décevante en contexte médical, une panoplie de facteurs peuvent être à l’origine de la dépression post-partum. Comme le soulignent les auteures, il est essentiel de connaître la perception des deux parents pour que les professionnels de la santé puissent leur proposer un traitement adapté à leurs besoins. Il importe également de nuancer le discours sur l’allaitement, qui met trop souvent une pression indue sur les épaules des mères.

Fait surprenant : les résultats de cette étude contrastent avec ceux obtenus par d’autres chercheurs auprès de parents en Australie. Alors que les mères et les pères québécois s’entendent sur presque toutes les causes de la dépression post-partum, leurs homologues australiens ont des perceptions diamétralement opposées. Comment expliquer ces résultats contradictoires ? D’après les auteures, les pères québécois comprennent probablement mieux l’expérience de leur conjointe puisqu’ils bénéficient d’un congé de paternité plus long[1]. En plus de favoriser un partage plus égalitaire des tâches parentales, ce congé permet aux mères de compter sur le soutien de leur conjoint, un facteur essentiel à leur rétablissement. 


[1] Le congé de paternité australien est de deux semaines payées au salaire minimum, alors que les pères québécois ont accès à cinq semaines de congé payées jusqu’à 75 % de leur salaire. À cela s’ajoute le congé parental, d’une durée variable selon le pays et pouvant être partagé entre les deux parents. (Source : Bureau des statistiques australiennes, Département des services sociaux du gouvernement de lAustralie, Institut de la statistique du Québec).