À propos de l'étude

Ce texte de vulgarisation résume l’article d’Isabelle Courcy et Catherine des Rivières-Pigeon, « ‘‘We’re responsible for the diagnosis and for finding help’’. The help-seeking trajectories of families of children on the autism spectrum », publié en 2021 dans Sociology of Health & Illness, vol. 43, n° 1, p. 40-57.

  • Faits saillants

  • Certains parents soupçonnent que leur enfant présente un trouble du spectre de l’autisme (TSA) dès ses premiers mois de vie, alors que d’autres commencent à s’inquiéter lorsqu’il fréquente la garderie ou l’école.
  • En moyenne, les parents attendent deux ans pour que leur enfant reçoive un diagnostic de TSA.
  • Les parents d’enfants ayant un TSA déplorent le peu d’information au sujet des services et des mesures d’aide financière disponibles, ainsi que les nombreuses étapes à traverser pour obtenir des services spécialisés.
  • Pour combler un manque de soutien, plusieurs parents d’enfants ayant un TSA se tournent vers les forums de discussion en ligne pour échanger avec d’autres familles ayant un vécu semblable au leur.

Pour les parents d’enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA), la recherche de services spécialisés s’apparente souvent à une course à obstacles. Des premières inquiétudes concernant le développement de l’enfant en passant par la recherche d’information et de services spécialisés, le chemin peut être long et parsemé d’embûches. Comment traversent-ils ce processus ? Quel rôle les proches ont-ils à jouer ? Si les trajectoires varient d’une famille à l’autre, les relations mobilisées et le parcours de vie peuvent précipiter ou entraver la recherche d’aide. 

C’est ce que constatent Isabelle Courcy et Catherine des Rivières-Pigeon, professeures de sociologie à l’Université du Québec à Montréal. Afin de mieux comprendre le processus de recherche d’aide des parents d’enfant ayant un TSA, les chercheures donnent la parole à 18 parents (11 mères, une belle-mère et 6 pères) d’enfants âgés de 4 à 10 ans ayant reçu un diagnostic de TSA. Quatre phases caractérisent la recherche d’aide des parents : les premières inquiétudes concernent le développement de l’enfant, l’obtention d’un diagnostic, la recherche de services spécialisés et l’anticipation des besoins futurs de l’enfant. 

Et si mon enfant avait un TSA ?

Détecter un TSA, ça ne se fait pas en criant ciseau !  À quel moment les parents ont-ils des soupçons ? Certains s’inquiètent dès les premiers mois de vie du bébé, car celui-ci ne les regarde jamais dans les yeux, ne parle pas ou ne reconnaît pas son prénom. Ils réagissent aussi plus rapidement lorsqu’ils sont en contact d’un autre enfant vivant avec cette problématique. 

Pour d’autres, les inquiétudes surviennent lorsque l’enfant est âgé de 3 à 5 ans et qu’il fréquente le service de garde ou la maternelle. C’est souvent l’apparition d’intérêts spécifiques (ex. : attachement intense à certains objets ou préoccupation pour ceux-ci), de crises de colère ou d’anxiété qui met la puce à l’oreille des parents et des éducatrices. 

Recevoir un diagnostic : plus facile à dire qu’à faire !

Soupçonner que son enfant présente un TSA, c’est une première étape, mais le chemin est long avant d’obtenir un tel diagnostic ! Bien souvent, les familles doivent prendre leur mal en patience : en moyenne, deux années s’écoulent entre les premiers soupçons et le diagnostic officiel. 

Certains facteurs facilitent le processus, par exemple lorsqu’un médecin suit déjà l’enfant pour un autre problème de santé ou que les parents ont un proche qui travaille dans le milieu médical. Même si le diagnostic confirme leurs doutes, le choc est sans appel.

 « C’était tout simplement la fin du monde. J’étais en état de choc. Je ne comprenais pas ce qui se passait. » (Une mère)

À l’inverse, les délais sont plus longs lorsque les éducatrices ou les proches balaient les inquiétudes des parents du revers de la main. Par exemple, certains parents racontent que leurs proches les ont découragés de chercher de l’aide et leur ont reproché de « s’inquiéter pour rien », car les difficultés de l’enfant leur semblaient minimes.  

« Les éducatrices de la garderie essayaient de me rassurer en me disant que tout était normal. J’avais l’impression qu’on ne m’écoutait pas. » (Une mère)

Quand les services spécialisés passent à la trappe

Si le diagnostic constitue une porte d’entrée vers l’obtention de services, comme l’orthophonie ou l’accompagnement en classe, un long parcours attend les parents avant d’y avoir enfin accès. Principale cause ? Les listes d’attente ! Outre les importants délais, les parents interrogés déplorent le peu d’information au sujet des services et des mesures d’aide financière disponibles, tout comme les nombreuses étapes à traverser pour obtenir des services spécialisés.

« Pour obtenir des services, il faut passer par un travailleur social [de première ligne], qui fait une demande [aux soins secondaires], puis quelqu’un vient évaluer les besoins. Puis le psychoéducateur vient nous voir, et enfin l’éducateur spécialisé. » (Une mère)

Bon nombre de familles ont l’impression que les intervenants et le personnel enseignant manquent de connaissances sur l’autisme. Plusieurs se voient refuser l’accès à certains services spécialisés, car leur situation n’est pas considérée comme suffisamment « sévère ». 

« L’enseignante m’a dit qu’elle ne pouvait pas accepter le diagnostic d’Asperger de ma fille parce qu’elle ne faisait pas de battements de bras [flapping]. Elle ne voulait pas ajuster la charge de travail. Ma fille n’était jamais capable de terminer ses exercices avait des retenues à toutes les semaines. Son estime de soi était détruite. Elle parlait de suicide. » (Une mère)

Dernier bémol et non le moindre : plus de la moitié des parents interrogés se sont sentis laissés à eux-mêmes et démunis face à leurs responsabilités. La solution ? Plusieurs sont allés la chercher en ligne, notamment sur des forums de discussion destinés aux parents d’enfants ayant un TSA. 

Avec le temps vient… l’expertise !

Grâce aux précieux conseils de parents vivant une situation semblable, les familles finissent par trouver les services et le soutien dont elles ont besoin. En revanche, elles réalisent bien vite que leur recherche d’aide se prolongera bien au-delà de la majorité de l’enfant, voire durera toute leur vie. Heureusement, au fil du temps, les parents développent une certaine expertise de l’autisme et deviennent les spécialistes de leur enfant.

« Il faut toujours être à l’affût, toujours tout vérifier. C’est nous qui devons faire avancer les choses. On est déjà responsables du diagnostic et de ce qui l’accompagne, mais on est aussi responsables de trouver de l’aide. » (Une mère)

Même si certaines de leurs amitiés s’effritent avec les années, les parents se rapprochent d’autres qui partagent leur vécu. Plusieurs jonglent avec l’idée de réorienter leur carrière afin d’aider leur enfant et d’autres familles comme les leurs, en se tournant par exemple vers l’éducation spécialisée. 

« Il s’agit de comprendre afin d’aider, de mieux intervenir. C’est important de comprendre parce que sinon l’enfant souffre et les parents sont négligés. » (Une mère)

Faciliter le parcours des familles, une étape à la fois

Des premières inquiétudes concernant le développement de l’enfant en passant par l’obtention d’un diagnostic et la recherche de services, le parcours des familles ayant un enfant présentant un TSA est jalonné d’obstacles. Afin d’aider les familles, les associations régionales membres de la Fédération québécoise de l’autisme mettent en place des services à l’intention des parents. L’organisme Autisme Québec, par exemple, offre la ligne Parent j’écoute, qui permet d’échanger avec d’autres parents ayant un enfant présentant un TSA. Par ailleurs, Autisme Montréal fournit des informations aux parents qui cherchent de l’aide financière, du transport adapté, des services scolaires et bien plus.